[4 Ellune 1100] Vendre la peau de la louve ...

Deux mois. Deux mois que tout avait changé, et que la vie de la jeune et frêle cueilleuse avait brutalement basculé. Plus que jamais, elle avait eu besoin de se connecter au monde, pour pouvoir continuer à prétendre en faire partie.

Tout d'abord, sa rencontre avec Azurin Alissair l'avait profondément affectée. En bien ... et en mal. Pour la première fois de sa vie, quelqu'un avait fait battre son cœur plus que de raisons et elle avait espéré trouver en lui un compagnon d'aventure. Mais tel n'était pas son ambition à lui, peu importait la force qu'elle avait déployé pour le convaincre. Cette âme torturée l'avait pourtant touchée.
Ensuite, son Advictâme. Après près de vingt ans sans que son troisième don ne s'active, il s'était enfin révélé à elle, et, quelques semaines plus tard, sa pierre de vie virait au bleu. Transcendante. Elle ? Transcendante ? Est-ce une blague de mauvais gout ? Elle n'avait rien d'une élue ... Ebelline lui disait que les transcendants étaient des bénis de Naâme. En quoi pouvait-elle se sentir bénie ? A 26 ans, elle n'avait rien vu encore, et rien vécu, et malgré tous ces mois passés loin de Lackness, elle n'était pas beaucoup plus différente de la gamine qu'elle était autrefois.
Et enfin, il y eu Marcus. La toute première personne qui l'avait encouragée à suivre ses rêves, à prendre confiance en elle et qui l'avait sauvée d'une situation dangereuse, son tout premier ami en réalité ... n'était plus. Encore aujourd'hui, à ce constat, elle en souffrait horriblement. Elle s'était dirigée vers Borderoc pour le retrouver et lui donner de ses nouvelles en face. Elle s'était tellement avancée qu'elle se réjouissait de le revoir et lui montrer qu'elle avait mûri. C'est au cimetière public qu'on l'avait dirigée...

Gravissant avec difficulté les hautes falaises des Alles, Alera se tétanisa dans l'air froid d'une bourrasque qui s'infiltra dans sa capuche, dévoilant Zelen, le petit Tillikop vert qu'elle avait sauvée d'une odieuse vente illégale. La bestiole tressaillit, les yeux grands ouverts comme surpris d'être dérangé et grelotta, la fourrure hérissée, sa queue s'enroulant autour du cou de la jeune fille.
Quelle idée elle avait eu de crapahuter à même le flanc de la montagne sans équipement et surtout sans avoir pris des vêtements adéquats. Si elle grimpait davantage, elle devrait faire face à la neige et elle allait mourir gelée, c'était certain. Se maudissant de son mauvais choix, elle rebroussa chemin non sans glisser à plusieurs reprises.

En quelques heures, elle retrouva une allée nettement plus praticable et estima plus judicieux de le suivre sagement. Passant sa main dans sa capuche, elle caressa Zelen qui tremblait de plus en plus. Même si elle avait changé de cap et d'altitude, le vent, lui, se faisait de plus en plus violent et piquant, à tel point que ses extrémités commençaient à s'engourdir.

« Rhaa Alera, pourquoi tu n'as pas contourné les montagnes pour aller à Albatra ? » lança-t-elle pour elle-même, ses lèvres tremblantes et bleuies. « Tu pouvais, je ne sais pas, passer par le passage d'Embuscade ? Mais noooon, il fallait que tu aies cette idée brillante de passer par chez toi d'abord ! Tout ça pour te renseigner sur les Tillikops ... »

Zelen fit son petit bruitage semblable à un roucoulement, en signe d'acquiescement le prit-elle comme ça. Sa queue serra davantage, l'étranglant tant et si bien qu'elle dut porter la main à l'appendice pour s'en dégager, faisant glisser la chainette de sa pierre de vie.
Depuis qu'elle s'était découvert son nouveau don permanent, elle n'avait pas encore eu l'occasion de l'utiliser ...

« Que ferais-je sans toi, hein, petite boule de poils ? » sourit-elle, l'idée en tête.

Métamorphose partielle. Un don qui lui permettait de changer des parties de son corps. Ouïe fine, canines, griffes. Tout du loup, avait-elle compris lors du passage à la transcendance. Elle n'en avait jamais croisé, mais elle n'était pas assez sotte que pour ignorer que ces prédateurs étaient munis de fourrure qui les rendaient moins sensibles au froid.
Sa pierre de vie bleuit de nouveau et sa peau glabre se para d'une moquette complète de poils drus et d'un gris sombre.
Le Tillikop sursauta et poussa un cri strident sous le phénomène et lui griffa le visage, désormais méconnaissable.

Alera grinça des dents sous la douleur. Elle prit le temps de le calmer par quelques paroles douces, puis, retira son manteau maintenant inutile et le roula en boule avant de le flanquer dans son sac.
Elle reprit le chemin, de meilleure humeur et surtout, bien plus à l'aise.

« Cela te réchauffe aussi, n'est-ce pas Zelen ? » demanda-t-elle avant d'avoir son attention attirée ailleurs. Sous le vent virulent, quelques taches cotoneuses apparaissaient entre quelques rochers, bien cachées.

Si elle ne se trompait pas, une grêlière y poussait. S'avançant avec assurance, elle s'accroupit devant la fleur et entoura la tige de sa main poilue.

Elle se sentit s'en saisir puis ...une violente douleur.

Sa cuisse brûlait de l'intérieur, probablement était-ce la plus douloureuse crampe musculaire qu'elle ait ressentie à ce jour. Si ce n'était cette sensation de froid et d'humidité qui s'écoulait. Y jetant un œil, elle se tétanisa devant ce trait plantée dans sa peau. Alera avait perdu tout équilibre et était tombée au sol, Zelen allant trouver refuge sur un rocher tout proche, piaillant de tout son saoul, terrorisé.

La douleur était si intense, une chose qu'elle n'avait jamais connue, tant et si bien que sa vue se brouillait - même si elle était incapable de savoir si c'était ses propres larmes qui altérait sa vision, ou la perte de sang. La rouquine tenta de se redresser quelques fois, rapidement, mais rien que cet effort la clouait au sol.
Très vite, elle fut rejointe par une ombre, et, au lieu, elle entendit des bribes de mots qu'elle ne comprit pas. Prise de vertige, sa tête se faisait lourde, de même que ses paupières. Elle dut s'y reprendre à plusieurs reprises pour dévisager cette personne qui se tenait à côté d'elle.

Ensuite ... ce fut le trou noir. Quand elle se réveilla, elle était à l'intérieur, bien au chaud. Se redressant d'un bond, elle grimaça de douleur, ne se rappelant que trop bien le traumatisme qu'elle avait subi.

« Où ... où suis-je ? » marmonna-t-elle machinalement en retombant sur son oreiller.  

Alera dut faire maints efforts pour figer ses paupières ouvertes et dévisager cette femme qui lui assurait que tout allait bien. Elle s'était donc évanouie. Une première du genre, tiens. Et malgré les circonstances, elle ne put s'empêcher de sourire légèrement. Que d'expériences nouvellement vécues ces derniers mois, sa vie prenait enfin des airs mouvementés et elle aimait ça.

Celle qui lui faisait face n'était pas très grande, et avait son style bien à elle. Alors que la cueilleuse prenait toujours grand soin de ses longs cheveux roux, et était toujours fière de ses yeux cuivrés ainsi que de sa peau douce et vierge de toute imperfection, sa sauveuse la fixait de ses yeux hétérochromiques, le visage encadré de très longs cheveux blonds cendrés et un curieux objet de torture à l'oreille. Chez qui était-elle tombée ?

La rouquine hocha péniblement de la tête.

« Ca va ... juste la tête qui tourne ... »

Soudain, comme piquée sur le vif, Alera jeta ses yeux partout dans la pièce, à la recherche de quelque chose. Il n'y avait pas grand chose, mais il y avait le strict nécessaire. Une table et quatre chaises, une cheminée au feu ronflant, deux fauteuils rapiécés, et tous les ustensiles nécessaires à la cuisine. Elle eut beau regarder partout, elle ne vit qu'une seule entrée, elle se trouvait donc dans l'unique pièce de la bâtisse.
Tous les meubles et objets étaient relativement bien rangés, ce qui la conforta dans l'idée qu'il manquait un petit quelque chose ...

« Zelen ... Où est Zelen ? »

Elle s'en inquiéta tant et si bien, en se retournant plusieurs fois sur elle-même à la recherche du tillikop abandonné, qu'elle réveilla une douleur à sa cuisse. Grinçant des dents et tel le démon sorti brutalement de sa boite , elle n'eut aucun mal à se redresser cette fois, portant ses mains à sa jambe. Elle se débarrassa de sa couverture, pour constater en premier lieu qu'elle avait été déshabillée, puis que son pantalon n'était plus que haillons et qu'un bandage recouvrait et enserrait sa cuisse fermement.

« Qu'est-ce que ... ?»

Tout lui revint alors brutalement en mémoire : sa traversée des montagnes, le froid, sa fourrure, son désir de cueillir une fleur et puis ... oui. Elle se souvenait. Le sentiment de chaleur et de sécurité qu'elle avait ressenti jusqu'ici s'évanouit aussitôt. Elle avait devant elle la personne qu'elle avait prise pour sa sauveuse, alors qu'en réalité, elle était celle qui l'avait attaquée. Elle vit l'arc entreposé plus loin, et tout ce que Alera avait présentement sous la main n'était que sa pierre de vie, désormais bleue. Si cette femme se faisait plus menaçante, la lacquoise aurait bientôt l'opportunité de tester un nouvel aspect de sa transcendance, et vérifier si effectivement, se passer de cours de défense auprès d'un maître d'armes avait été le bon choix à faire, préférant tout miser sur son don de métamorphose partielle.

« Je dois rêver mais ... c'est moi, ou vous m'avez tiré dessus ?»

Elle n'avait donc pas rêvé, celle qui était sa sauveuse l'avait bel et bien touchée d'une flèche en plein dans la cuisse. L'inconnue lui narra la raison pour laquelle elle avait jugé bon de tirer, et elle pouvait bien comprendre la méprise ...
Se mordant les lèvres, Alera n'ajouta rien de plus, même si intérieurement elle riait. Elle, tuer des moutons ... l'image était cocasse.

A la question de son interlocutrice, la rouquine avait écarquillé les yeux. Elle pouvait aisément comprendre qu'on ignore tout de son don de transcendance, après tout, ce n'était probablement pas si répandu que cela. Mais, elle devait forcément avoir entendu parler des transcendants ... Forcément.
Par réflexe, la cueilleuse porta ses doigts à son cou pour s'assurer que sa pierre était toujours là.

Mais avant qu'elle ne se lance dans sa réponse, comme invoqué, le petit tillikop déboula de sous un meuble en toute discrétion, de derrière la jeune femme fraîchement installée dans le fauteuil. Arrivée à sa hauteur, il freina l'allure, méfiant et queue basse, puis repris sa course pour sauter sur les jambes d'Alera, lui décrochant une grimace de douleur. Pour lui dire bonjour et le rassurer, elle lui caressa la tête avec affection.


« Ne connaissez-vous pas les transcendants ? On dit que Naâme bénit quelques élus, leur offrant un don supplémentaire dont nous seuls sommes les maîtres. On ignore pour quelles raisons, cependant. La pierre de vie rouge vire au bleu. Ce que vous avez vu, c'était ma piètre tentative de survivre dans ces montagnes sans vêtement chaud. Je peux transformer une partie de mon corps, ou emprunter un comportement d'un animal. Dans mon cas, il semble que j'ai des affinités avec le loup. Désolée de vous avoir causé un quelconque désagrément ...»

Alera ne ressentait aucune fierté à énoncer tout cela, pour la toute première fois, à haute voix. Azurin avait de suite compris en découvrant sa pierre bleutée, et elle avait rapidement changé de sujet, mal à l'aise qu'elle avait été.
Ebelline, sa mère d'adoption, vouait un véritable culte à Naâme, et lorsqu'elle lui avait parlé des transcendants à l'époque, elle avait compris que ces êtres à part, bien qu'à aucun moment ils n'avaient choisis de l'être, étaient mis sur un piédestal. Maintenant qu'elle était de ce côté de la barrière, et qu'elle faisait face à quelqu'un qui semblait tout ignorer de cet état supérieur, elle espérait qu'elle n'allait pas la porter aux nues, car elle ne savait pas du tout comment elle pouvait réagir ...

Piaillant sans doute de faim, Zelen remua et planta ses petites griffes dans la chemise d'Alera, lui faisant des yeux presque amoureux.

« Et pour répondre à votre question première, Zelen c'est ... ça. Un petit être sauvé de braconniers et contrebandiers. Un cauchemar Borderoc ...  Il me suit partout depuis, alors, je lui ai donné un nom. »

Eh bien, je suppose que vous étiez dans les montagnes pour chasser un animal sauvage, non ? Votre habileté à l'arc tend à prouver que vous en avez une certaine expertise ... Je suis donc désolée de vous avoir, bien malgré moi, trompée.

Voilà ce qu'elle aurait du rétorquer à sa réflexion. Si la cueilleuse avait arqué un sourcil en écoutant son interlocutrice dire qu'elle n'avait jamais entendu parler de transcendance, elle n'avait pas été moins gênée à sa question suivante. Elle avait soulevé un terrible défaut qui l'habitait et qu'elle tentait de combattre depuis quelques années. Elle s'excusait trop vite. C'était l'histoire de sa vie ...
Lore lui disait toujours que c'était signe de faiblesse que de présenter ses excuses quand il n'y avait pas lieu d'être, mais elle ne pouvait jamais s'en empêcher. Même si elle n'était aucunement en tort, elle songeait à la pauvre jeune femme qui s'était investi de la mission de la traîner, inconsciente, à travers les montagnes, pour l'amener ici et prendre soin d'elle. Peu lui importait les raisons pour lesquelles elle se trouvait là, d'ailleurs, mais il était certain que cette rencontre n'était pas prévue, et le temps qu'elle venait de perdre dans son activité montagnarde l'était encore moins ...

Quand elle fit un geste amical vers Zelen, le tillikop se montra quelques instants méfiant encore, puis, s'apprêtait à tendre son museau pour entrer en contact et gratter une caresse ou deux, mais la main tendue se dirigea ensuite vers Alera.

« Alera, enchantée mademoiselle Athina !», répondit-elle joyeusement dans un sourire en serrant timidement sa main. « Oh ! Je connais bien Lackness ! J'y habite ! Enfin ... j'y habitais. Là maintenant, je n'ai plus vraiment de chez-moi, je loge ici et là, jamais très longtemps au même endroit. Mais ma mère d'adoption s'y trouve toujours ! C'est bon de retrouver quelqu'un du pays ... »

Elle n'avait pas oublié sa question concernant sa pierre bleutée. Avait-elle fait quelque chose pour cela ? Non, pas vraiment. Mais son acquisition s'était faite dans la souffrance, et se rappeler cet épisode lui fit monter de nouveau les larmes aux yeux. Si réellement Athina voulait se renseigner sur la transcendance, elle pouvait toujours lui faire une démonstration, mais elle avait bien peur de ne pas avoir toutes les réponses à ses questions de comment, ni de pourquoi.

« Les voies de Naâme sont impénétrables, disons ... Pourquoi ce don s'active aléatoirement pour nous soigner, ou nous renforcer ? Nul ne le sait. Je suppose qu'il en va de même pour la transcendance. Ma mère pense fermement que chaque décision de Naâme a ses raisons. J'imagine que dans mon cas, elle aurait très certainement cru à une volonté du dieu de nous faire nous rencontrer, puisque mon Advictâme ne m'a pas soignée une fois la flèche extirpée ... Ce genre de choses vous intéresse ? La magie ? La théologie ?»

Elle ne savait pas bien pourquoi elle posait ce genre de question, pour faire la conversation sans doute, mais si Athina Aerys était une lacquoise, elle n'était probablement pas très intéressée par ce genre de domaine, dont la connaissance et parfaite maîtrise était davantage attribuée aux marlois. Elle aurait très vite la réponse si ces sujets étaient dédaignés à grande vitesse.

Trouver un compagnon de route. Oui. L'idée lui était déjà venue, et lui plaisait grandement, mais elle était bien en mesure de savoir que cela ne se terminait pas toujours sur une note joyeuse. Marcus n'était plus, et Azurin avait préféré retourner à sa solitude et son errance. Sans doute sa mine devait s'être assombrie car Zelen roucoula et frotta son museau contre le bras de la cueilleuse.

Ainsi, Alera fut vite fixée. Comme suspecté, Athina n'était pas vraiment ce genre de femme. Sans doute se ressemblaient-elles un peu sur cet aspect aventurier largué dans la nature, si ce n'était que sa bienfaitrice semblait bien mieux s'en sortir qu'elle. Tout le monde n'avait pas la même éducation, elle pouvait le constater.

« Ah. J'escomptais bien me rendre à Albatra, en vérité. Je suis certaine qu'un savant de l'Ordre du Savoir pourra me renseigner sur Zelen. Il n'y a que quelques mois que je voyage seule à travers les trois duchés, alors je ne connais pas encore les meilleures routes à prendre. J'ignore même si je marchais dans la bonne direction. », expliqua-t-elle en toute sincérité.

Il était vrai qu'elle ne s'était pas vraiment préparée pour ce trajet. Après avoir quitté Borderoc, elle était redescendue dans le sud pour retrouver son Creux-Lac adoré, et retrouvé sa famille pour célébrer son anniversaire. Le séjour ne s'était pas déroulé comme elle l'avait espéré, et avait quitté mère et meilleure amie en mauvais terme. Elle aurait pu se renseigner sur le meilleur chemin à prendre : dans les tavernes de Lackness, de nombreux commerçants itinérants devaient y avoir fait escale et auraient pu lui conseiller une route plutôt qu'une autre. Mais elle n'avait pas pensé. Après tout, elle n'était pas entrainée à cela non plus, et ne faisait pas les choses les plus intelligentes. Même si elle voulait que cela change, elle n'était pas encore prête à cela si elle ne faisait pas le moindre effort ...

« Des ours ?! », s'étonna-t-elle, soudainement terrifiée. « Parce qu'il y a des ours dans ces montagnes ?! Je pensais qu'avec le tremblement de terre ...  »

Après avoir rencontré des griffières, après avoir été mêlée à une vente illégale de tillikops et après avoir été prise pour un loup, Alera n'était pas certaine d'être prête à affronter des ours ! Elle n'était pas taillée pour ça ! Et sa transcendance nouvellement acquise ne lui garantissait pas de s'en sortir indemne. 

« Dans ce cas, comme vous dites, il serait bien plus judicieux de me faire accompagner. Peut-être par une trappeuse qui connait bien ces montagnes, une femme de terrain ? », lança-t-elle avec ce même sourire espiègle.

Pour appuyer sa demande, la rouquine se tourna autant que sa jambe le lui permettait vers Athina, et lui saisit les mains.

« Escortez-moi jusqu'à la capitale. Vous pourriez m'apprendre deux ou trois astuces de chasse, peut-être même à tirer à l'arc ! J'apprends vite, je peux vous l'assurer ! Je peux vous guider dans l'obscurité avec mon don, nous y serions en quelques jours à peine ! En échange, je pourrai répondre à toutes les questions que vous vous posez sur cette pierre de vie bleutée. Et je peux vous payer pour la course ! Il y a bien quelque chose que je peux vous offrir. Dites-moi votre prix, il sera le mien.  »

Quand Dame Athina lui confirma que la chance était de son côté parce qu'elle planifiait déjà de se rendre à Albatra, Alera fit un léger bond sur ses fesses. Quelle aubaine c'était, en effet, l'idée de traverser des montagnes que sa sauveuse avait eu l'air de connaître pour la dangerosité des rencontres impromptues ne l'enchantait guère et il était plaisant de savoir qu'elle allait s'assurer ainsi de marcher dans le bon sens, mais également escortée par une femme de terrain, capable de reconnaître des dangers que la lacquoise ne soupçonnait même pas.

Qu'elle ne lui paie rien si ce n'était les frais éventuels sur la route ? Oui, c'était un marché honnête, surtout que la rouquine n'allait peut-être pas avoir le même rythme de progression que la trappeuse, et qu'elle allait sans doute être un poids de taille si elle n'y faisait pas attention. Elle pouvait bien la dédommager de cette façon, c'était bien la moindre des choses si elle devait représenter un fardeau à ses yeux. Alera avait gentiment acquiescé, acceptant le marché, quand on lui fit rappeler sa blessure.  

« Cinq jours ? Était-ce une si vilaine blessure ? », s'en étonna-t-elle.

Mais l'idée d'être à nouveau un poids pour quelqu'un, que ce fut Athina ou encore sa mère ne l'enchantait nullement. Ennuyée par la situation, Alera regarda tout autour d'elle de nouveau, alors même que la cabane ne lui était plus étrangère désormais.

« Ne puis-je rester ici ? Le temps de me remettre sur pieds ? Je ne voudrais en aucun cas vous indisposer, ni moins votre mère ... », questionna-t-elle en battant des bras pour s'excuser de la situation.

Peut-être qu'en vérité, elle ressentait le besoin de se retrouver seule, et que l'attente d'une petite semaine avant de se remettre en chemin était du pain béni pour se faire. Ou peut-être encore qu'elle n'avait vraiment pas le cœur de cohabiter temporairement avec une maman, surtout sachant la dispute qu'elle venait d'avoir avec la sienne ...  Toujours était-il qu'elle aurait préféré même dormir dans une grotte, si cette cahute appartenait à quelqu'un, plutôt que de se sentir si encombrante.

« Et puis ... Zelen est une véritable furie quand le soleil se couche. Il serait préférable de le laisser dans un espace clos comme celui-ci, et dépourvu de décorations trop tentantes. Je serai parfaitement bien ici, ne vous inquiétez pas. Et j'ai de quoi survivre autant de temps ! Me lever et marcher ne représentera pas un problème. »

C'était purement pour déculpabiliser Dame Athina de la laisser en arrière qu'elle disait cela, car assurément, sans son bâton pour prendre appui - merci Azurin de le lui avoir brisé ... - elle aurait probablement beaucoup de mal pour se débrouiller seule, mais elle saurait se montrer brave.

« Rentrez donc chez vous, retrouver votre petite. Nous ne reverrons dans cinq jours ! », conclut-elle dans un sourire jovial et détendu.