[6 Allune] La croquemite et le bâtard

Il était une fois un 6 Allune 1100 au village de Lecroisé Information hors-RP : J'ai laissé une journée s'écouler entre leur dernière rencontre et celle-ci.
Information lancers de dés :

Lecroisé était un village particulièrement modeste. Le genre qui vivait plus des gens de passages que d'une population prospère...

Pour Ilclaste, cela n'avait pas vraiment d'importance. Il aimait les petits villages et celui-ci comportait une auberge tout à fait respectable à la bière potable, qu'on pouvait qualifier de bonne une fois accoutumé à sa saveur sans originalité.

Deux nuits s'étaient écoulées depuis qu'il avait abandonné la croquemite et la bucheronne au mange-corps, sans même se retourner à leurs insultes. Etaient-elles mortes ? Il savait que non. Un peu d'écoute lui avait fait percevoir une conversation où on évoquait de l'arrivé de la croquemite dans le village. Sans se l'avouer, la nouvelle l'avait rassuré, mais il n'avait pas cherché à la retrouver où à prendre de ses nouvelles.

Mais, puisqu'il rechignait toujours à prendre la route pour le Gravorn, qu'il retardait volontairement l'échéance, la croiser devenait de plus en plus probable. Et, ce soir, alors qu'il était attablé à l'auberge, il entendit la porte s'ouvrir et reconnu immédiatement la truffe touffu d'Aïka qu'il devinait suivi de prêt par une rainette aux yeux d'or.

Un coup de vent plus tard, la silhouette presque familière de Théa se dessinait à l'entrée. Il remarqua qu'elle semblait avoir bien meilleure mine que lorsqu'il l'avait trouvé dans la caverne et que... Assurément : elle avait pris un bain.

Se doutant bien qu'elle prendrait sûrement soin de l’éviter, le chasseur joua la carte du culot jusqu'au bout. Laissant échapper un sifflement, il attira l'attention de la chienne qu'il appela ensuite vivement d'une tape puissance sur sa cuisse, alors qu'il lançait un entrainant :

-Aïka ! Viens-là ma belle. Auquel il eu le plaisir de voir la bête régir en trottinant joyeusement vers lui.

Fourrant généreusement ses mains dans la fourrure fournie de l'animal, il lui flatta copieusement les flancs en prenant soin de n'apporter son attention qu'à la chienne, ignorant délibérément le regard orangé de la marloise qu'il devinait planté sur lui.

une fois qu'il eu terminé de saluer la bête comme si elle avait été la sienne, il consenti à relever les yeux vers Théa, et à la saluer :

-Théa... Quel plaisir de vous retrouver.

Entière, cela va s'en dire.

-J'vous offre une assiette ?

Proposa-t-il comme si, deux jours plus tôt il ne l'avait pas condamné à se faire dévorer par une bête de cauchemars.

-La cueillette a été bonne ?

Théa se retourna pour observer le chasseur par-dessus son épaule, avant de retourner à son ouvrage. Tout en attisant les premières flammes qu’elle avait produites, elle répondit :

– J’ai trouvé de quoi manger pour ce soir, mais je n’ai pas eu le temps de cueillir les plantes que j’ai repérées. Il fait trop sombre maintenant, j’y retournerai demain matin. Et la chasse a été bonne pour vous ?

Les flammes crépitèrent en léchant la petite bûche que Théa venait de mettre. La cueilleuse se redressa et s’essuya les mains sur son pantalon, puis contempla en même temps qu’Ilclaste le plumage de sa prise. Un sourire apparut au coin de ses lèvres.

– C’est vrai qu’elles sont magnifiques. Et la flèche ne les a pratiquement pas abîmées, vous en tirerez sûrement un bon prix.  

Elle se détourna du chasseur pour le laisser travailler tranquillement et s’occupa de son côté à préparer les châtaignes et les champignons qu’elle avait récoltés. Quand Ilclaste eut terminé de plumer et vider sa volaille et qu’il partit se laver les mains au ruisseau, Théa plaça les châtaignes sur les pierres chaudes autour du feu et les champignons dans sa casserole de voyage. Une bonne odeur commença à se répandre autour de leur bivouac.

Théa s’installa sur une souche et attendit patiemment le retour d’Ilclaste en caressant sa chienne, mais son regard ne pouvait s’empêcher d’aller et venir entre ses châtaignes et le faisan que le chasseur avait laissé à sa vue. Commençant à mieux connaître son mode de fonctionnement, la croquemite se demanda s’il n’avait pas délibérément laissé la carcasse de viande juste sous son nez. Elle soupira de frustration. Son estomac se contracta et émit un grognement sourd pour lui rappeler qu’elle avait faim. Et elle ne pouvait s’empêcher de saliver à l’idée de croquer dans cette chair tendre, juteuse et saignante.

Vous méritiez pas de crever d'épuisement parce manger de la viande crue vous effraie.  

Les paroles d’Ilclaste lui revinrent en pleine figure, oblitérant toutes ses autres pensées. Elle n’avait jamais eu peur de consommer de la viande crue, mais elle était effrayée par l’image qu’elle projetait quand elle en mangeait comme n’importe quel croquemite. Elle était tétanisée à l’idée d’être rejetée pour ce qu’elle était. Elle voulait s’intégrer à la société comme une personne normale. Et une personne normale ne mangeait pas de viande crue, c’est ce que sa mère adoptive lui avait fait rentrer dans le crâne dès son plus jeune âge à force de privations, de punitions, de brimades et même parfois de coups. Cette peur que les autres éprouvaient en voyant les croquemites se repaître de chair crue, Théa se l’était appropriée comme étant sa propre peur de devenir le monstre qu’on l’accusait d’être. Le dégoût que les autres ressentaient en la voyant était devenu son propre dégoût d’elle-même et de sa maladie…

Mais est-ce que ça changeait quelque chose au fond ? Malgré tous les efforts qu’elle déployait, malgré l’extrême violence dont elle faisait preuve envers elle-même pour refouler sa nature profonde, les gens continuaient de se méfier d’elle, de la mépriser ou de l’insulter. Elle avait passé des années à apprendre le métier d’apothicaire auprès de son mentor, à montrer qu’elle était capable comme n’importe quelle autre personne de tenir une boutique et de préparer des remèdes, mais les gens de son village continuaient de croire qu’une apothicairerie ne pouvait pas être tenue par une croquemite.

Mais Théa était également lucide sur l’autre versant de l’histoire : ses efforts lui avaient permis de gagner la sympathie et le respect de nombreuses personnes à Sombre-Bois et ailleurs. Elle était capable de faire du commerce avec une partie des villageois et avec des personnes étrangères au village. Les gens qui la connaissaient ou qui apprenaient à la connaître l’aimaient bien en général. Si elle avait laissé libre cours à ses pulsions, elle ne serait peut-être jamais devenue la personne qu’elle était aujourd’hui.

Peut-être qu’elle devait maintenant apprendre à lâcher prise dans certaines circonstances ? Ou en présence de certaines personnes ? Peut-être qu’elle pouvait s’autoriser à être moins sévère avec elle-même lorsque les autres faisaient preuve d’une certaine tolérance ? Elle soupira à nouveau.

Les yeux rivés sur la carcasse du faisan, profondément perdue dans ses pensées, Théa sursauta lorsqu’elle entendit Ilclaste tout près d’elle.    

– Ah ! Vous m’avez fait peur ! déclara-t-elle à brûle-pourpoint, embarrassée d’avoir été surprise dans ses réflexions. Je ne vous avais pas entendu revenir…

Son estomac gronda de plus belle. Ilclaste allait se cuisiner son repas du soir, et elle n’arrivait pas à s’enlever de la tête l’image d’elle-même en train de croquer à pleines dents dans l’une de ces grosses cuisses de faisan. D’ordinaire, elle serait allée faire un tour, se changer les idées pour combattre la pulsion, mais elle n’arrivait pas à détourner son regard. Elle était sur le point de céder. Elle voulait céder.

– Est-ce que je peux… commença-t-elle d’une voix hésitante et traînante sur la dernière syllabe, en pointant du doigt le faisan, mais elle ne réussit pas à terminer sa demande. Elle laissa planer un silence avant de détourner les yeux. C’était plus fort qu’elle, elle n’arrivait pas à trouver le courage de demander un morceau de viande. C’était au-dessus de ses forces. Elle commençait même à se sentir honteuse et coupable d’avoir envisagé en demander.  

Il était une fois un 6 Allune 1100 au village de Lecroisé Information hors-RP :    
Information lancers de dés :

Accroupie au dessus du ruisseau Ilclaste secourait ses mains pour en chasser les dernières gouttes, s’attardant volontairement loin de sa carcasse... A la dérobée, il surprit les regards de Théa sur la carcasse, ainsi laissa-t-il l'idée continuer à germer dans l'esprit de la croquemite.

Peut-être aurait-il dû s'en vouloir de jouer ce jeu avec elle, mais, en réalité, il l'assumait sans que cela ne puise troubler son sommeil. Oh, évidemment, il aurait pu plus simplement proposer de la viande à la jeune femme, mais il se souvenait du refus qu'elle avait formulé la première fois qu'il avait fait sa proposition. Ainsi, on ne l'y reprendrait plus. Mais ce n'était pas pour autant qu'il n'avait pas lâché l'idée d'affranchir la croquemite des chaînes qu'elle s'imposait injustement. Il voulait la voir croquer dans cette viande, mâcher les fibres musculeuses pour découvrir qu'elle aimait ça et constater que l'expérience ne la transformait pas en monstre...

Pourquoi me demanderez-vous ?

Peut-être parce qu'elle était une morte-branche. Une âme sans passé, comme lui. Une ramure  sans sève, mais que rien n'obligeait à mourir, en vieux bois séché, d'avoir essayé d'être aimée par ceux qui trouveraient, inlassablement, une raison de la traiter en mauvaise graine.

Mais, peut-être aussi, parce qu'il restait en lui un peu de cet être qui s'amusait à voir ployer les méritants et valeureux jusqu'à, finalement, les voir céder à l'influence insidieuse de la tentation. Car, depuis tout jeune, il avait apprécié faire chuter les autres de leur estrade de certitudes, faire vaciller leurs fondations forgées de valeurs dont il avait eut la pertinence de relever les fragilités. Lui, qui n'était qu'un enfant de l'ombre et du rien, avait toujours aimé laisser dans l’existence des âmes qu'il croisait, une trace indélébile de lui-même. Frustré peut-être, d'être né sans être gardé, il voulait s'imprimer, exister, perdurer, au travers de ceux dont il avait modifié le chemin tracé dans la certitude...

Retournant s’assoir, il ourla ses lèvres d'un sourire amusé de la voir si embarrassée de pensées qu'elle n'osait même pas formuler à haute voix. Il pouvait presque entendre son esprit réfléchir à toute allure et la tentation la tirailler... Une tentation qu'il avait éveillé en elle, qu'il avait glissé dans son esprit, murmuré au porte de sa conscience pour la laisser doucement germer jusqu'à ce que ses racines, insidieuses, deviennent suffisamment inconfortables dans l'esprit de la jeune femme pour qu'elle bredouille, sans vraiment l'assumer, sa demande :

"Est-ce que je peux…"

Goûter, brûlait-il d’achever sa phrase, presque impatient, de la voir s’affranchir des chaînes de son auto-dicipline étouffante...

-Peux ... Pouvoir quoi ? Questionna-t-il avec une innocente surjouée

-M'embrasser ? Oh, mon Amie, vous n'y pensez pas ! C'est la faim qui vous monte à la tête ! Manger donc un morceau avant de perdre totalement l'esprit ! Lança-t-il, usant de cette voix volée dans les échanges pompeux qu'il avait perçu (et moqué) chez les riches qu'il avait jadis observé et espionné.
Joignant le geste à la parole, il tailla, avec une grande précision, une fine tranche de chaire dans le flanc du faisan, avant de tendre le morceau à Théa, non sans la gratifier de ce sourire  malin qui réveillait dans son regard verdoyant, des étincelles de malice.

-Voilà, avec ce morceau y' d'quoi combler votre "appétit charnel". Enfin, j'espère bien... Sinon je d'vrais me laisser croquer à mon tour. Aaaah, voilà qui s'rait regrettable, mais vous me connaissez, Théa : j'ai le sens du sacrifice... Ajouta-t-il avec un clin d'oeil enjôleur.

Théa piqua un fard en entendant la question faussement innocente d’Ilclaste qui feignait merveilleusement bien l’incompréhension. Comme s’il ignorait ce qu’elle n’osait pas lui demander ! La croquemite ressentit un mélange détonant de gêne, de culpabilité et de vexation qui l’obligea à baisser les yeux. Mais cela ne dura que quelques secondes, le temps pour le chasseur de tourner à la dérision sa requête et son embarras avec une indécente emphase. La croquemite braqua des yeux ronds sur lui, surprise et déroutée, se demandant si c’était du lard ou du cochon. Elle ne put cependant résister bien longtemps à l’envie de rire qu’elle sentit monter en elle, chassant ses sentiments de gêne et de honte. La commissure de ses lèvres s’étira doucement. Théa devait bien admettre qu’Ilclaste avait l’art et la manière de dédramatiser n’importe quelle situation.

Elle lui rendit son sourire espiègle en prenant le morceau de viande qu’il lui tendait. Elle ignorait pour quelle raison le jeune homme l’incitait – plus ou moins subtilement – à consommer cette viande qu’elle avait refusée la première fois qu’il lui avait proposé, mais peu lui importait les raisons d’Ilclaste en réalité. Il était le premier à l’encourager à manger ce dont elle avait envie, à dédramatiser la situation pour qu’elle n’ait pas plus d’importance que celle qu’on lui donnait. Ses raisons étaient peut-être mauvaises, comme elles pouvaient être bonnes, le fait est que Théa ne se sentait pas jugée ou méprisée. En fait, c’était la première fois qu’elle rencontrait quelqu’un qui lui donnait l’impression de n’en avoir rien à faire de ce qu’elle pouvait ingurgiter. Et c’était appréciable.

À sa dernière réplique, elle ne put s’empêcher de rire pour de bon. Le croquer devenait une idée de plus en plus tentante à dire vrai… Elle répondit à son clin d’œil enjôleur par ce petit sourire en coin espiègle qu’il lui connaissait bien désormais.

– Surveillez vos arrières, on n’est jamais sûr de rien après tout ! Un petit creux la nuit n’est pas à prendre à la légère, s’amusa-t-elle à dire, le regard brillant de malice.

Elle observa le morceau de viande que lui avait donné Ilclaste. Elle l’observa longuement. Depuis quand n’en avait-elle pas mangé ? Les fois où elle avait consommé de la chair crue pouvaient se compter sur les doigts de la main, et la dernière devait remonter à une dizaine d’années. En fait, elle savait très précisément quand elle avait mangé de la viande pour la dernière fois… Par réflexe, elle tritura les bracelets en cuir qui dissimulaient en partie les deux cicatrices qui couraient le long de son bras droit. Son visage s’assombrit quelques instants, mais elle refoula ses mauvais souvenirs au fond de sa mémoire, là où ils auraient dû rester enfouis.

– Pour tout vous dire, je n’ai jamais goûté de faisan, avoua-t-elle à Ilclaste avec un sourire un peu moins joyeux que les minutes précédentes.

La gourmandise faisait briller ses yeux, et les dernières réticences qui la bloquaient encore s’évanouirent. Elle attrapa la pièce de viande et croqua à pleines dents dedans. Une explosion de saveur lui envahit la bouche et un gémissement de satisfaction involontaire se fit entendre. Elle mâcha longuement le morceau de faisan, pour en apprécier toutes les subtilités et pour faire durer le plaisir le plus longtemps possible, allant jusqu’à fermer les yeux pour profiter pleinement de cet instant. Elle s'abandonna complètement pendant sa dégustation.  

– J’avais oublié à quel point c’était délicieux, finit-elle par dire.  

Il était une fois un 6 Allune 1100 au village de Lecroisé Information hors-RP :    
Information lancers de dés :
La croquemite ne s'est pas braquée et Ilclaste ne peut qu'en ressentir un sentiment de victoire. Il a, à présent la preuve, qu'il a cerné la jeune femme.

Quand elle est en perte de contrôle, elle hurle, ou pleure. Mais là, à ce instant elle rougit, mais sans se démonter.  Elle réplique, elle se fait malicieuse, taquine comme lui. Cela veut dire qu'elle est en confiance . Enfin ! Il y est parvenu ! Alors, avec un sourire, il la regarde s'abandonner à sa dégustation. Elle gémit de plaisir, ferme les yeux, s'abandonne sans avoir peur du regard qu'il peut porter sur elle.

Ce regard d'ailleurs, elle n'a rien à en craindre, car il est simplement bienveillant, et quelque peu victorieux aussi. Même si c'est sur un simple plan gustatif, il aime voir qu'il est parvenu à éveiller chez une femme, un plaisir trop grand pour être dissimulé.  

-Ça vous plais ? Demande-t-il comme on demande l'approbation d'un gouteur qui s'aventure à goûter un plat qui a pris des heures de préparation.

-En vl'a une bonne nouvelle ! J'aurai pas pu le finir seul de toute façon ! Lance-t-il en découpant d'autres morceaux pour Théa, et pour peu, on aurait pu le gourmander de vouloir la gaver de viande crue, car les pièces qui lui donne sont plus généreuses que celles qu'il se garde.

-Par contre, vous m'excus'rez hein, mais moi je vais faire cuir la mienne... Crue j'trouve ça trop fade. Glisse-t-il avec un ton badin comme on s'excuse de rajouter du sel à un plat à la saveur trop terne. S’exécutant, il se confectionne une brochette qu'il tend au dessus du feu.

-Dites... J'peux vous demander : vous avez dja goûter à la viande crue ? C'est ce que je comprend... Si vous aimiez autant ça, pourquoi devenir végétarienne ? Demande-t-il avec précaution, car il n'est pas sans deviner que poser une telle question à une croquemite, peut révéler une vérité que tout le monde n'est pas prêt à entendre....
 

Théa hocha la tête pour répondre à la question d’Ilclaste, tout en lui adressant un sourire radieux. Évidemment que ça lui plaisait ! Néanmoins, elle fit les gros yeux en voyant les généreuses parts de faisan que le chasseur lui taillait. Plus généreuses que sa propre portion ! Il n’y avait aucune raison qu’elle engloutisse plus de viande que lui, surtout qu’il était celui qui l’avait chassée et préparée.

– C’est beaucoup trop, réprimanda-t-elle, embarrassée de le priver de son repas. Si vous voulez m’en donner, partageons au moins équitablement. Il n’y a pas de raison que j’en mange plus que vous. Et prenez une part de mon repas en échange.

Elle se servit en champignons et en châtaignes, puis tendit la casserole à Ilclaste avant de prendre quelques morceaux de viande – mais pas tout ce qu’il lui avait découpé. Elle ne put s’empêcher de rire à la nouvelle plaisanterie d’Ilclaste, puis de lui répondre toujours aussi spontanément :

– Vous faîtes comme vous voulez, mais cuire une si belle pièce de viande, c’est purement et simplement du gâchis !

Ses lèvres ponctuèrent sa réplique d’un sourire en coin tandis qu’elle observait Ilclaste confectionner sa brochette. Théa attrapa ensuite un deuxième morceau de viande pour le manger – le savourer plutôt – tout aussi intensément que le premier. C’était délicieux et réconfortant. Elle avait rarement l’occasion de se sentir aussi bien. Comme lorsqu’ils s’étaient arrêtés près d’un feu après avoir fui la caverne du mange-corps, Théa avait l’impression qu’une alchimie particulière détendait et réchauffait l’atmosphère, la propulsant dans une petite bulle hors du temps. Elle appréciait la compagnie d’Ilclaste, son humour, sa générosité et son regard sans jugement, et c’était comme s’il n’y avait jamais eu de différend entre eux.
 
Vous avez dja goûter à la viande crue ? C'est ce que je comprend... Si vous aimiez autant ça, pourquoi devenir végétarienne ?

La croquemite soupira et demeura pendant plusieurs longues secondes le regard braqué sur son assiette. Cette question était comme un gouffre sans fond. Si la petite cueilleuse commençait à raconter son histoire, ils pouvaient tenir comme ça toute la nuit. Et elle n’était pas sûre que le chasseur veuille entendre toute l’histoire de sa vie. Car son rapport à la viande, c’était un peu le condensé de toute sa vie depuis qu’elle était en âge d’avoir des souvenirs. Théa releva néanmoins son regard ambré vers Ilclaste et lui adressa un sourire empreint d’une certaine mélancolie.

– Je n’ai pas souvent eu l’occasion de manger de la viande crue… C’était quelque chose que ma mère adoptive m’interdisait.

Les souvenirs de son enfance voilèrent l’éclat pétillant de son regard. Elle parut se perdre quelques instants dans son passé douloureux, avant de reporter son attention sur le chasseur à qui elle adressa un timide sourire.  

– Disons simplement que devenir végétarienne n’a pas forcément été un choix. Au départ, du moins. Mais c’était mieux que d’être obligée à manger de la viande au goût cendreux. Et puis, quand on veut s’intégrer à la société, c’est plus facile de se présenter comme végétarienne que comme carnivore.

Elle ponctua sa dernière phrase d’un sourire en coin, avant de croquer avec gourmandise dans un autre morceau de faisan.

– Pourquoi ça vous intéresse tant ces histoires de viande ? demanda-t-elle finalement. Vous me posez tout un tas de questions et vous me regardez manger de la viande crue sans être dégoûté. Je dirais même que vous semblez satisfait de me voir en manger. C’est plutôt… inhabituel, vous savez. Elle s’empressa de le rassurer avec un sourire. J’apprécie, vraiment, ce n’est pas un reproche.

Elle préférait éviter de le braquer comme la dernière fois, sans s’en rendre compte. Elle le savait un peu susceptible, le bonhomme… Elle le fixa longuement avec des yeux brillants, comme si elle cherchait à percer ses secrets. Sang-Blanc et Morte-Branche. Une difficulté qu’on leur imposait dès la naissance, qui modelait leur enfance, traçait leur avenir et les hantait jusqu’à leur mort. D’une certaine manière, ils avaient quelque chose en commun.  

– C’est quoi votre histoire à vous, Ilclaste ? questionna-t-elle, à peu près certaine qu’il se déroberait avec une pirouette humoristique comme il en avait l’habitude.

Il était une fois un 6 Allune 1100 au village de Lecroisé Information hors-RP :    
Information lancers de dés :
Croquant dans la viande juteuse, Ilclaste prêta une oreille attentive à la réponse de Théa, avec comme une appréhension dans le creux de l'estomac : et si il avait posé la question de trop ? Si elle l'envoyait bouler ?

Heureusement, elle n'en fit rien... La preuve qu'il avait reconquit sa confiance, bien qu'à entendre sa réponse morcelée, il devinait qu'elle ne souhaitait pas entrer dans le détails. Il en ressenti comme une pointe de regret, comme un goût de trop peu, mais insisté aurait été déplacé alors il hocha silencieusement la tête avant de détourner le regard à sa question

"C’est quoi votre histoire à vous, Ilclaste ?"

Il aurait dû s'y attendre et pourtant, l'interrogation le prit de court. Il fixa son regard sur les flammes, perturbé de réalisé qu'il avait presque envie de lui raconter... De lui dire ce qu'il avait fait. De lui dire qu'il voulait la voir manger de la viande crue sans que ce soit un problème parce que ça allègerait sa propre culpabilité... Qu'il ne voulait pas qu'elle soit un monstre, car ça lui donnait l'impression que ça lui donnerait une chance, à lui, de pouvoir changer...

Caressant cette tentation de se livrer à coeur ouvert, il se pencha sur l'option, s'y laissa presque tomber avant de se reprendre dans un sursaut. Lui raconter ? Il avait perdu la tête ! Cela devait être son secret. Personne ne devait savoir. Personne.

-Mon histoire ? Elle est derrière moi. J'aime autant qu'vous posiez pas trop de questions... Parce que j'srais tenter d'vous mentir. Répondit-il avec une honnêteté qui le troubla lui-même. Relevant le yeux vers elle, il lui offrit un regard d'une noirceur énigmatique au fond duquel brillait une lueur d'excuse.

-Et, pour ce que ça vaut... Ce me dérange pas d'vous voir manger de la viande crue, parce que je sais qu'vous êtes pas un monstre. Vous leur ressemblez pas assez.

Un sourire teinté de tristesse courba ses lèvres, comme un désolé silencieux.

-J'ai vu beaucoup de gens céder à leur pire noirceur. Vous.. Z'êtes différente. Plus... Lumineuse... Mais j'crois une chose... Si on passe trop temps à vous dire qu'vous êtes un monstre, si personne ne voit rien d'autre en vous, alors... Y'a un jour où vous y céderez pour de bon, et ils diront qu'ils avaient raison... S'entendit-il penser à voix haute, alors qu'un sourire malin pointa sur son visage ombré par la danse irrégulière des flammes.

-Et j'aime les voir s'tromper.

Il plongea de nouveau son regard vers elle.

-Comme j'aime vous voir sourire à pleines dents. Parce que, j'sais pas si on vous l'a d'ja dit... Mais ce sourire que Naâme vous a donnez, Il est magnifique.

Même si elle s’était attendue à ce que le chasseur ne lui réponde pas, Théa éprouva une pointe de regrets lorsqu’Ilclaste éluda sa question. Certes, il n’avait pas utilisé une dérobade humoristique pour esquiver les interrogations de la cueilleuse, mais il avait eu recours à une pirouette quand même. Elle baissa les yeux sur son assiette lorsqu’il ajouta qu’elle ferait mieux de ne pas poser de questions. Théa se demanda si le jeune homme refusait de parler de son passé parce qu'il rechignait à lui accorder sa confiance… Mais elle reporta bien vite son attention sur lui, car le choix des mots qu’il prononçait était plus que troublant. Théa pouvait déceler entre les lignes une honnêteté touchante malgré les apparences, ainsi qu’un mélange émouvant de pudeur, de crainte et d’excuses. Elle capta l’éclat de son regard sombre et s’y perdit quelques secondes, cherchant à trouver dans le fond de ses prunelles les réponses qu’il refusait de partager à voix haute. La croquemite se demanda quel lourd secret le chasseur avait enfoui au fond de son cœur et de son esprit, car il lui paraissait évident tout à coup que son refus de s’étendre sur son passé n’avait rien avoir avec la confiance ou l’estime qu’il pouvait lui porter. C’était autre chose. Quelque chose de terrifiant. Qui le rongeait depuis des années et qui ne le laisserait peut-être jamais en paix.

Malgré sa curiosité, Théa acquiesça d’un timide hochement de tête, consciente des barrières qui se dressaient entre Ilclaste et le reste du monde. Elle n’avait pas l’intention de le brusquer, lucide sur ce que le chasseur était prêt à lui donner et sur ce qui le braquerait définitivement contre elle.

– Votre passé vous appartient, dit-elle sobrement. Je me fie à l’homme que j’ai en face de moi, je n’ai pas besoin d’en savoir plus.

Chacun était libre de cacher ses blessures, comme elle-même l’avait fait précédemment. Sans vraiment savoir de quoi il en retournait, elle pouvait néanmoins pressentir l’immense solitude dans laquelle le chasseur se trouvait, et cela lui fit malgré tout de la peine. Elle n’eut toutefois pas le temps de s’étendre sur ce sentiment car Ilclaste enchaîna rapidement sur un autre sujet de conversation, préférant parler d’elle plutôt que de lui. C’est ce que la petite herboriste crut de prime abord, Ilclaste lui confiant qu’il savait qu’elle n’était pas un monstre. Elle ne put d’ailleurs s’empêcher de rougir quand il avoua qu’il la trouvait lumineuse. Mais la suite de son discours résonna d’une étrange façon. Ilclaste donnait l’impression qu’il parlait d’elle, mais ses paroles semblaient davantage le concerner. Théa l’observa avec intensité, sondant son visage, son sourire et son regard, toujours en quête de réponses silencieuses qu’elle aurait pu déchiffrer. Son discours était lourd de sens, mais comme à son habitude, Ilclaste lui insuffla de la légèreté en décochant à la croquemite un sourire malicieux, avant d’adopter une posture de charmeur en complimentant son sourire.

Et ça fonctionnait.

Théa piqua un fard, complètement désarçonnée par le compliment. Son cœur se mit à tambouriner dans sa poitrine, tandis qu’elle baissait la tête pour éviter le regard du jeune homme. Mais loin de se démonter, elle releva bien vite ses grands yeux jaunes vers lui et lui adressa un sourire complice.

– Si on répète à quelqu’un qu’il ne vaut rien ou qu’il est un monstre, il finit par s’en convaincre. C’est bien ce que vous avez dit ?

Elle posa son assiette près du feu, puis se leva pour en faire le tour et vint s’asseoir à côté du chasseur. Elle entoura ses jambes de ses bras et pencha la tête vers Ilclaste. Ses prunelles dorées se braquèrent sur lui, rougeoyantes et magnétiques, et un sourire mutin ourla ses lèvres.    

– Eh bien moi, je crois que si on répète à quelqu’un qu’il est un type bien, il finira par s’en convaincre aussi. Et moi, je crois également que vous êtes un type bien, mais que vous ne vous êtes pas encore laissé convaincre. Donc je vous le répète encore une fois : vous êtes quelqu’un de bien, même si vous pensez que vous ne méritez pas qu’on vous le dise.

Dans l’intimité de la soirée, au coin du feu et dans une relative proximité, elle lui adressa un sourire chaleureux, empli de sincérité et de douceur.  Sans lui laisser l’occasion de répondre, elle susurra d’une voix charmeuse :

– La beauté d’un sourire dépend surtout de celui qui le provoque, vous ne croyez pas ?

Il était une fois un 6 Allune 1100 au village de Lecroisé Information hors-RP :    
Information lancers de dés :
Un sourire accroché aux lèvres et le regard qui la cherchait, Ilclaste attendait avec une impatience presque adolescente, la réaction de la jeune femme...

Il adorait ce moment... Oui, cet instant si particulier où dominait la tension, où l'on se trouve si proche d'un vacillement qu'on peut presque sentir le vide s'étendre sous nos pieds... Cet instant où l'on ne pouvait empêcher son coeur d’accélérer sa cadence, alors qu'on retenait notre souffle...

"Faire des avances". L'expression était, décidément, bien trouvée. Trop bien peut être, car c'est en terrain hasardeux que le chasseur s'était aventuré car il ignorait toujours dans quelle mesure la croquemite l'avait pardonné, tout comme il ignorait comment elle allait se saisir de ses paroles... Peur... méfiance... gène... désire...colère ? Quelle émotion allait-il éveiller ? Il était impatient de le découvrir, mais se préparait à tout. La partie n'était jamais gagné d'avance et c'était ce qui lui donnait toute sa saveur, tout son intérêt...

Un battement de coeur puis elle relève les yeux vers lui, accroche son regard au sien, partage son sourire et se rapproche de lui. Il ne perçoit que trop bien le froissement de ses vêtements quand elle prend place à côté de lui, sa présence si proche de la sienne, le charme glissé dans ses paroles et ... Ce sourire. Ce putain de sourire qu'il a tant chercher à provoquer...

Ce sourire pour lequel il avait un faible sans qu'il ne s'autorise, pour autant, une faiblesse.

Ce sourire qui fait naître le sien alors qu'il réplique, taquin, aux remarques de la jeune femme :

 -J'vois, vous allez r'tourner toutes mes paroles contre moi ? "C'est celui qui dit qui est" s'ta ça qu'vous voulez jouer ?

Penchant la tête sur le côté, il lui décoche un haussement de sourcils avant d'ajouter dans un murmure, qu'il a prit soin de dépouiller de toutes inflexions innocentes...

-Parce que, personnellement, pour cette nuit, c'était pas à ce jeu là que j'avais pensé...

Avançant une main entreprenante, mais délicate, vers le visage de la cueilleuse, il repousse une mèche de cheveux de la jeune femme derrière son oreille, laissant habilement le bout de ses doigts effleurer le cou de la croquemite dans une caresse brève, insupportablement insuffisante, mais indispensablement calculée... Car il ne veut pas la brusquer et concernant une croquemite, l'entreprise est bien plus délicate que pour ses autres conquêtes : si c'est un feu qu'il chercher à éveiller en elle, il doit éviter le retour de flammes.

Et, s'il y a ces lèvres si tentatrices dont il veut s'emparer, il n’oublie pas les crocs qu'elles dissimulent. Il ne faudrait pas risquer la vilaine morsure... hum... a moins que, peut être bien que SI en fait.

Glissant une main dans le dos de la cueilleuse, le chasseur ne fait plus mentir ses yeux sur ce qu'il a en tête et, puisqu'elle le veut franc envers elle, il ne se fait pas prier en lui annonçant :

-Théa... Faut que j'vous prévienne... Si vous restez là, j'vais vous embrasser.

Un silence, faussement tragique.

-Et, si vous m'laissez faire, on sait tous les deux comment ça va s'finir s'histoire, vous m'connaissez... J'vais pas pouvoir m'empêcher vous faire encore crier...

Se penchant doucement sur elle, ses lèvres quelques centimètres des siennes, il lui glisse avec une gravité surjouée :

-Devriez fuir pendant que c'est encore possible...

Une expression amusée affleura sur les lèvres de Théa lorsque le chasseur lui demanda si elle avait l’intention de retourner toutes ses paroles contre lui. La petite cueilleuse haussa les épaules et lui adressa un sourire innocent en guise de réponse. Les paroles suivantes prononcées par Ilclaste furent toutefois bien moins innocentes que la mimique de Théa – et la jeune femme se sentit à nouveau rougir, même si elle s’efforça de ne pas baisser les yeux cette fois-ci. Au contraire, elle dévisagea son compagnon avec intensité, comme pour sonder ses intentions et sa sincérité. Le temps sembla se suspendre lorsque le jeune homme approcha sa main de son visage pour repousser une mèche de cheveux rebelle derrière son oreille, manœuvrant avec dextérité pour que la caresse ne soit qu’un doux effleurement empreint de tentation. Théa frémit au contact de ses doigts et retint sa respiration, de peur que son souffle ne brise l’enchantement à l’œuvre. Elle sentit une myriade de petits frissons de bien-être granuler sa peau, ses épaules et son cou.

La croquemite ne parvenait plus à détacher son regard de celui du chasseur. L’attente dans laquelle elle était suspendue enveloppait tout son corps d’une chaleur agréable, et anesthésiait la moindre de ses pensées. Son cœur cognait à un rythme désordonné, manquant parfois un battement. Lorsqu’Ilclaste se pencha vers elle et posa une main dans son dos, tout son être s’électrisa. Des picotements brûlants se lovèrent dans le creux de son ventre, des frissons intenses remontèrent le long de son dos et de sa nuque. L’or de ses prunelles resta accroché aux lèvres du chasseur tandis qu’il confessait son désir de l’embrasser. Théa cligna des paupières, mais ne put s’arracher à cette contemplation silencieuse et attentive, un sourire figé à la commissure de ses lèvres. Ilclaste était comme une flamme dans une nuit de ténèbres. Elle-même se sentait comme un fragile papillon hypnotisé par une bougie dans l’obscurité, incapable de résister à l’appel de la lueur rougeoyante qui lui brûlerait peut-être les ailes si elle s’en approchait trop.

Son regard s’étrécit et son sourire s’accentua, se teintant d’un amusement sincère, lorsque le chasseur annonça son intention de la faire crier à nouveau. La plaisanterie osée tira la croquemite de sa passivité, mais n’éteignit pas l’incendie que cette dernière sentait naître dans son bas-ventre. Au contraire. La suite de leur soirée se précisait de plus en plus, prenant une tournure que Théa n’aurait pas soupçonnée. Elle pencha la tête vers le côté, adressant à son compagnon ce petit sourire en coin espiègle pour lequel il semblait avoir un faible.

– Des promesses, des promesses… souffla-t-elle d’une voix charmeuse, répondant positivement à l’invitation sous-entendue. Les paroles ne comptent pas, Ilclaste. Seuls les actes importent.

Elle releva doucement le menton, un éclat malicieux illuminant son regard doré, pour le mettre au défi d’accomplir ce dont il n’arrêtait pas de se vanter. Elle sentit son cœur s’emballer de plus belle lorsqu’il s’approcha à quelques centimètres de ses lèvres. Si près d’elle, Théa ne pouvait plus ignorer qu’elle mourait d’envie qu’Ilclaste l’embrasse – et plus encore. Il avait habilement joué, elle devait le reconnaître. Elle accueillit sa dernière phrase avec un sourire complice, un brin provocateur. Elle glissa sa main jusqu’à sa joue, caressa ses lèvres de son pouce, sa mâchoire du bout des doigts, appréciant plus qu’elle ne l’aurait cru le toucher rugueux de sa barbe naissante.

– Ce n’est pas mon genre de fuir face au danger… murmura-t-elle.

Théa ferma les yeux, se pencha vers Ilclaste et approcha ses lèvres des siennes, prenant l’initiative de l’embrasser avant qu’il ne le fasse.      

Il était une fois un 6 Allune 1100 au village de Lecroisé Information hors-RP :    
Information lancers de dés :

Qu'elle ne prenne pas la fuite. Qu'elle ne prenne pas la fuite. Qu'elle ne prenne pas la fuite.

Priait silencieusement le chasseur, qui affichait plus d'assurance qu'il n'en ressentait vraiment...

Mais la croquemite ne se défile pas et c'est dans l'or ardent de ses yeux qu'Ilclaste se laisse prendre alors qu'elle se rapproche, que leurs corps s'appellent, que leurs parfums se confondent et qu'enfin, leurs lèvres se touchent.

Non, la croquemite n'a pas pris la fuite. C'est même avec une assurance désarmante qu'elle s'est emparée du baiser proposé. Elle n'a pas peur, pas plus qu'elle est hésitante.  Pas même un regard qui se défile... Non, pas une seconde instable, pas un instant émotive, mais juste... Joueuse et, bordel, désirable.

Un baiser. Un baiser n'est pas assez pour satisfaire le désir qu'elle a éveillé chez lui. Un baiser n'est pas assez car c'est d'elle entière qu'il a faim. Alors, il referme sur elle une emprise plus pressante, verrouillant ardemment un bras autour d'elle pour la sentir toute entière contre lui, et sans briser leur langoureux échange, il les fait basculer dans l'herbe, impatient, sans aucun doute, de se saisir de la nouvelle occasion de faire sortir la croquemite d'elle-même. Seulement, cette fois, elle ne sera pas la seule à perdre le contrôle...



Une lueur vient lui asticoter les paupières. C'est le soleil qui se lève derrière les arbres qui les entours. Avec un grognement, le chasseur ouvre les yeux et laisse sa conscience émerger doucement. Se redressant doucement, repoussant la couverture sommaire qui le couvre, il grimace lorsqu'une douleur s'éveille dans le bas de son dos... D'autres douleurs se réveilleront plus tard, ça, il le sait : le sol d'une foret est un matelas médiocre. Mais cette fois il ne s'en plaindra pas... Car certaines douleurs valent la peine d’être ressenties. La matinée est froide, mais la chaleur du corps étendu à côté de lui la tempère.

Repositionnant ses souvenirs, le chasseur se laisse à un sourire. Putain, il a pas envie une seule seconde de foutre les pieds au Gravorn, c'est clair, mais le voyage s'est montré plus intéressant qu'il ne l'aurait imaginé...

 

   
Les rayons du soleil commençaient à percer à travers le feuillage des arbres, créant des taches lumineuses qui vinrent chatouiller le visage endormi de Théa. Elle émergea doucement d’un sommeil paisible et réparateur, sans toutefois ouvrir les yeux. La fraîcheur de la matinée lui mordait les joues, le nez et le front, qui dépassaient de la couverture couvrant son corps et celui du chasseur. Elle se retourna sans mouvement brusque, enfouit son visage comme elle le pouvait dans l’épaisseur de la couverture et se pelotonna contre son compagnon avant de laisser sa conscience dériver vers un entre-deux agréable, ni tout à fait éveillée, ni tout à fait endormie. Elle voulait encore profiter un peu de la chaleur dégagée par le corps d’Ilclaste, ne pas se laisser envahir par ses pensées et continuer d’apprécier l’intimité procurée durant cette nuit partagée. Le chasseur l’avait encouragée à lâcher prise… et par Naâme, combien elle avait aimé suivre son instinct, se sentir convoitée et assouvir ses propres désirs, sans se soucier de tout contrôler. Sans se soucier de ce qu’il adviendrait le lendemain.

Pourtant, le moment ne pouvait durer indéfiniment – quand bien même Théa n’avait-elle aucune envie que cela se termine. Elle entendit Ilclaste pousser un grognement, puis repousser la couverture peu de temps après. Théa se dégagea doucement en le sentant se redresser, une pointe de regret naissant dans sa poitrine. À son tour, bien qu’elle restât allongée les bras ramenés contre elle et les mains jointes sous sa tête, elle ouvrit les yeux et observa le chasseur à la dérobée, son visage à moitié couvert par ses boucles blondes. Un sourire sincèrement épanoui étira ses lèvres. Elle se sentait d’une incroyable bonne humeur ce matin.

Elle n’avait pas particulièrement l’habitude de se réveiller aux côtés d’un homme qu’elle connaissait à peine, et n’était pas certaine de connaître la bonne attitude à suivre en pareilles circonstances. Pouvait-elle reprendre ses distances sans paraître indifférente ? Pouvait-elle avoir des gestes de tendresse sans paraître trop impliquée ? Sa bonne humeur s’étiola légèrement, remplacée par la nervosité de commettre un impair. Comme d’habitude, ses pensées et ses émotions reprenaient un rythme endiablé, mais elle s’évertua à les contenir.

Elle se redressa à son tour et colla son épaule contre celle d’Ilclaste – une distance qui lui paraissait acceptable entre l’indifférence et l’attachement. Elle lui décocha un sourire en guise de bonjour, puis continua en lui demandant d’un petit air espiègle :

– Est-ce que je vous demande si vous avez bien dormi ?

Les douleurs et courbatures se réveillaient dans son dos, ses épaules et ses reins – les nuits en forêt n’étant jamais idéales à ce niveau-là. Et elle se doutait que les mêmes désagréments devaient toucher le chasseur. Pour autant, malgré cet inconvénient, elle-même avait très bien dormi. La présence d’Ilclaste à ses côtés n’y était pas pour rien, assurément...

En lui posant cette question, Théa espérait bien lui laisser choisir quel tournant donner à leurs échanges après cette nuit passée ensemble.  

Il était une fois un 6 Allune 1100 au village de Lecroisé Information hors-RP : Bon j'ai fais quelque chose de court mais comme on est dans une phase un peu tranquille...    
Information lancers de dés :
La bonde au bois dormant se réveilla à ses côtés.

"Est-ce que je vous demande si vous avez bien dormi ?"

A la question, le chasseur aboie un rire que sa voix matinale rend des plus roque.

-Disons que j'ai préféré la première partie d'soirée. Lâche-t-il avec un clin d'oeil. Plus habitué qu'elle a se réveiller aux côtés d'inconnus, le chasseur ne semble pas mal à l'aise.

-J'vais nous chercher de l'eau et de quoi refaire un peu de feu... J'aime pas prendre le route le vent vide. Une tit tisane, ça serait déjà pas mal avec le reste de pain qu'on a. Z'en pensez quoi ? Expliqua-t-il en s'étirant avant de s'extraire de la couverture en s'arrachant à la chaleur douce du corps qui l'avait accompagné cette nuit. Hâtivement, il ré-enfilant le reste de ses vêtements, avec une mine encore un peu endormie avant d'aller se débarbouiller dans l'eau du courant qui passait à côté de leur campement. Les yeux un peu plus en face des trous, il retourna au feu, pour le rallumer avec des branches sèches.

-Alors... Vous rentez toujours dans vot' marais ? Ou vous m'suivez jusqu'au nord ?  Lance-t-il avec malice à l'adresse de la croquemite. Il ne lui a toujours pas dis ce qu'il allait faire là bas d'ailleurs.

   
Théa ne put s’empêcher de sourire en entendant Ilclaste s’esclaffer d’une voix rauque, puis de pouffer légèrement lorsqu’il lui adressa un clin d’œil complice. Elle acquiesça ensuite d’un hochement de tête à la proposition du chasseur.

— Bonne idée, approuva-t-elle. Une bonne journée ne commence jamais sans un petit-déjeuner !

La cueilleuse n’aimait pas non plus prendre la route sans avoir mangé un morceau, ils avaient ça de plus en commun. Elle attendit que son compagnon se soit extrait de leur lit de fortune et qu’il ait enfilé le reste de ses vêtements pour en faire autant. Elle replia leur couverture et commença à rassembler les affaires dont ils n’auraient plus besoin ce matin. Quand Ilclaste revint au campement, elle le laissa s’occuper du feu et prit la direction du ruisseau à son tour. Elle en profita pour siffler et appeler sa chienne. L’eau froide l’empêcha de faire une toilette approfondie, mais elle se sentit déjà plus réveillée quand elle reprit le chemin du bivouac. Elle bifurqua légèrement pour aller cueillir des baies, mûres et framboises sur des arbustes qu’elle avait repérés la veille. Quelques fruits ajouteraient une note sucrée à leur repas matinal. En revenant, elle aperçut Aïka qui rentrait de sa chasse matinale en trottinant gaiement entre les arbres, un gibier entre les crocs. La chienne s’installa aux pieds du chasseur pour entamer son repas.

— D’habitude, elle est plutôt méfiante envers les étrangers, déclara la croquemite avec un sourire un brin malicieux. Elle vous aime bien, on dirait. J’espère simplement qu’elle n’a pas été fureter du côté de vos collets pour trouver son petit-déjeuner...  

Elle déposa les fruits sur un carré de tissu, puis ajouta quelques herbes à l’eau qui était en train de chauffer dans la casserole.

À la question d’Ilclaste, Théa répondit par un sourire que l’amusement rendait pétillant.

— D’abord, ce n’est pas un marais, mais un bois, corrigea-t-elle avec légèreté. Comment viendrez-vous me rendre visite si vous n’arrivez pas à retenir son nom, Sombre-Bois ?

Comme lui, elle ponctua son discours d’un clin d’œil. La proposition était sérieuse, elle lui avait déjà faite quelques jours plus tôt, mais elle était également suffisamment lancée sur le ton de la plaisanterie pour que le chasseur n’y voie pas la supplication d’une amante un peu trop collante.

— Ensuite, je vous aurais suivi avec grand plaisir pour découvrir ce que c’est « ce truc » que vous devez faire au Gravorn (elle appuya volontairement sur les mots pour faire écho à leur précédente conversation à ce sujet et au fait qu’Ilclaste n’avait accepté de lui dire de quoi il en retournait – un sourire espiègle toujours accroché aux lèvres) Mais on m’attend au Marvier...

Elle braqua son regard vers le chasseur, pencha la tête de côté et souffla d’une voix joueuse :

— Dites donc, Ilclaste, votre question, ce ne serait pas l’aveu que je vais vous manquer, par hasard ?  

Son sourire était si large qu’il était prêt à se transformer en éclats de rire.

Il était une fois un 6 Allune 1100 au village de Lecroisé Information hors-RP :
Information lancers de dés :
Alors que la chienne revenait avec sa prise, le chasseur lui accorda une caresse alors que Théa lui faisait remarquer qu'il bénéficier d'un traitement de faveur.

-Barf, j'ai toujours eu la fibre avec les femelles. Commenta-t-il non sans une certaine épinglerie dans la voix. Suivant les gestes de la jeune femme, il fit mine n'être désolé lorsqu'elle le repris sur le nom du village :

-Arf ouais, c'est vrai, "Sombre bois". ça finira bien par rentrer !

Dans les faits il envisageait de plus en plus sérieusement de lui rendre une petite visite... Alors il nota mentalement le nom du patelin.

-N'empêche que j'suis sûr que votre bois y'est entouré par pleins de marais, et qu'la nuit ça croasse sévère ! Ajouta-t-il refusant d'en démordre, avant d'arquer un sourcil à ses dernières remarques.

-Quoi ? Me manquer ... Pfff, naooon. M'avez regardé ? Grande gueule, baratineur et rustre j'suis pas le genre à m'émouvoir des séparations ! Hahaha, je sais vraiment pas où vous allez chercher ça. J'ai tout à fait envie de faire le reste de la route seul. Sans compagnie. Sous la pluie. Vraiment... J'vois pas pourquoi ça me foutrait le cafard de savoir qu'vous allez partir sans vous retourner. Et d'ailleurs, rassurez moi quand vous dites qu'on vous attend là bas, ce "on", s'pas genre... Un fiancé de deux mètres de haut qui va venir me refaire le portrait ? Non parce que sinon ça vaudrait pt'être le coup que j'vous accompagne pour lui expliquer que cte nuit, c'était juste histoire que vous attrapiez pas froid...

   
L’entêtement du chasseur à propos des marais grouillant de grenouilles coassantes et bondissantes fit rire la croquemite. C’était une vision quelque peu limitée de ce qu’offrait le Marvier et Théa s’assurerait de faire entendre raison à Ilclaste s’il venait à changer d’avis à propos de son éventuelle visite à Sombre-Bois. Mais ce qui l’amusa encore davantage, ce fut les arguments que développa le jeune homme pour lui donner tort à sa dernière question. Le sourire de Théa ne pouvait plus s’élargir davantage et elle se surprit à pouffer comme une idiote en l’entendant raconter les mésaventures qui l’attendaient – la pluie, la solitude, la déprime. Il en faisait des caisses ! Mais peut-être y avait-il un fond de vérité dans cette comédie outrancière. C’était plus facile de lui avouer qu’elle lui manquerait en tournant ses sentiments à la dérision plutôt que de lui confesser sérieusement qu’il avait apprécié les moments qu’ils avaient partagés ensemble…

À l’évocation du fiancé qui l’attendait peut-être, le sourire de la croquemite se figea. Les traits de son visage se crispèrent et elle eut du mal à retrouver une position moins raide, qui ne trahissait pas son malaise. Elle se tortilla nerveusement, comme prise en faute. Par les crocs de Kamaâl ! Pourquoi Ilclaste avait-il abordé ce délicat sujet !? Elle n’avait pas du tout envie de penser à Aïdan en ce moment, surtout après cette nuit aux côtés d’un autre… Et elle n’avait pas du tout envie d’en parler à Ilclaste, non plus, mais le chasseur était bien trop finaud pour ne pas avoir remarqué son malaise. Et il commençait suffisamment à la connaître pour interpréter ses réactions.

Elle chercha à retrouver une contenance en déviant son regard sur la casserole, puis en se servant une tasse de tisane et en prenant un morceau de pain. Elle dut faire un effort surhumain pour remettre un sourire sur ses lèvres et affronter le regard du trappeur. Elle haussa vaguement les épaules, but une gorgée de tisane et répondit :

— Non, pas de fiancé pour venir vous chercher des noises. Et si fiancé il y avait encore eu, poursuivit-elle pour qu’il comprenne que fiancé il y avait eu, mais que fiancé il n’y avait plus, vous n’auriez pas eu quoique ce soit à expliquer. Il ne se serait rien passé cette nuit.

Elle croqua dans un morceau de pain, puis continua :

— Je faisais surtout allusion aux clients qui attendent les plantes qu’ils m’ont commandées. Il vaudrait mieux que je leur livre avant l’été si je veux être payée… Je vais encore faire un tour ce matin pour récolter les plantes que j’ai repérées hier, expliqua-t-elle en lançant un regard circulaire autour du bivouac, et puis je me mettrai en route…

Elle marqua une légère pause pour accentuer son effet dramatique.  

— Seule, sans compagnie, sous la pluie... répéta-t-elle avec un sourire en coin qui retrouvait son côté malicieux. À la merci du prochain mange-corps qui voudrait me croquer...