[15 - ??? Cellune 1100 ]Une rencontre inattendue

Après quelques jours de cavale, j'étais enfin arrivé à l'endroit où j'allais pouvoir me reposer, mais surtout me cacher. Ces bourgeois ne m'ont pas oublié, et ils veulent récupérer leur bien, faire autant de foin pour un petit si petit bijou, c'est ridicule. C'est à plus rien n'y comprendre, ils sont tellement riches qu'ils n'y a pas d’intérêt de me poursuivre ainsi.

Restant sur mes gardes, j'en avais profité pour jeter un coup d’œil pour vérifier si l'objet tant convoité y était toujours, et je fus soulager de le savoir toujours à sa place.

C'est une bonne idée que j'ai eu devenir dans cet endroit, peu de personnes connaissent réellement ce lieu. Durant mes représentations, j'y suis déjà passé non loin, mais je n'ai jamais pris le temps de les visiter. Les Ruines de Sytovia sont un vrai labyrinthe, si je parviens à m'y cacher, et à surtout à survivre, les bourgeois et les autres penseront que je suis mort. A y réfléchir, je me demande comment ils pourraient me reconnaître puisque j'avais ôter mes vêtements, mais ces gens ont des amis haut-placé, envoyer leurs sbires pour faire le sale travail ne les gêneraient pas.

Alors que je m'enfonce dans le labyrinthe, je repère au loin une silhouette, une petite femme pas plus haut que 3 pommes. En voyant la couleur de ses cheveux je ne pu m'empêcher d'avoir la réflexion suivante : encore une rousse ? A croire que je les attire..

Préférant faire semblant de ne pas l'avoir vue, mon regard se tourne vers les grandes maisons, délabrées par le temps, mais dont le nom de l'architecte reste gravé sur la pierre. Quelques fois, je croise des petits rongeurs qui doivent sans doute se délecter par tout aliment qui sont sur son sur leur route.

Mes pas se faisaient se plus en plus rapide, pensant qu'il s'agissait d'un homme de main, je ne pu m'empêcher de tourner la tête pour voir si elle était toujours à ma poursuite. Croyant qu'elle n'aurait pas osée franchir les ruines, je fus surpris de la voir encore plus près de moi. D'un coup sec, je m'arrête, et je me retourne vers elle.

Pourquoi tu me suis depuis tout à l'heure ? Tu fais partie du groupe de bourge ? Si oui, dis leur que tu m'as retrouvé mort, et en parle plus. Si tu veux, je peux déchirer un bout de mon costume pour leur rapporter la preuve.

Joignant le geste aux paroles, je sors le costume de mon sac, et lui tend un bout de tissu que j'avais préalablement déchiré.

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On dit que les petites affaires ne sont pas celles des dieux, mais vraiment, y a-t-il quoi que ce soit que les mortels puissent saisir de la volonté divine ? Ils sont sots, ne comprennent rien des mécanismes qui lient le monde et le grand brasier qu'est le destin. Chaque petite braise, chaque étincelle peut allumer un incendie, n'est d'insignifiant que tous les renégats qui ont renié leur foi. Ils brûleront, tôt ou tard, l'échéance ne fait que s'approcher et eux ne peuvent que la retarder.

Les mouches prises dans la toile gigotent, et ainsi font les humains. Mais moi, je ne suis pas une araignée, ni l'un des pauvres moucherons qui s'agitent dans le piège. Moi, je suis l'une des mailles de cette toile qui ne sert qu'un destin unique, condamner les moucherons et nourrir l'araignée. Mais un fil seul n'aura jamais de meilleure utilité que s'y suspendre et même si j'aurais préféré accomplir la volonté de mon seigneur seule, je sais bien que c'est impossible.

Alors, j'avais tendu l'oreille, penchant mon attention vers les actes criminels des Creux-Lacs, oh j'ai longtemps écouté ... et comme toujours, les bourgeois se révèlent être les plus charmants des outils. Distante,  j'avais traqué, repéré les mécanismes de ce jeu du chat auxquels se livraient ces riches bedaines et un étranger qui s'était manifestement fait propriétaire de ce qui ne lui appartenait pas. Ce n'étaient pas des bourges que je chassais désormais, mais bien des mercenaires payés pour accomplir leur volonté. Quelle bassesse ...

Les choses s'étaient faites simplement, j'avais besoin de gagner la confiance de ce chapardeur. Derrière chaque crime se cache une âme courageuse, qu'importe ce qu'en disent les faibles d'esprit. Il me fallait un argument de force pour le convaincre, cependant, mais j'avais en tête un présent qui saurait certainement le ravir. Alors, lance au dos, hache à la ceinture, je suivais de loin le groupe qui lui-même traquait sa propre proie. Et j'attendais. Jamais l'opportunité parfaite ne s'était présentée, mais le vent tourne toujours pour qui se dévoue sans faille.

Une nuit, Kamaâl bénit ma traque, m'offrant la perception d'un feu de camp auquel étaient installés les "chasseurs". L'un d'entre eux s'écarta un instant, s'enfonçant légèrement derrière les fourrés pour soulager les besoins mortels qui sont les nôtres. Moi, j'étais accroupie dans le noir des feuillages, ma lance à la main et quand je le vis si proche, je sus que mon seigneur m'offrait un présent. Un pas, deux pas, la terre meuble ne faisait que murmurer ma présence. Je frappai alors l'arcade sourcilière du pauvre bougre qui n'eut pour seule miséricorde que le privilège de ne pas souffrir. Il n'était pas mort, certes, mais l'inconscience le préserverait de ce qui l'attendait, juste après ... quelle âme chanceuse.

J'en avais fini avec ma première traque, maintenant venait la seconde. J'y mis quelques jours,  mais je la trouva enfin, accostant les vestiges de Sytovia, un paysage qui n'est pas étranger des masques. De vieilles amies pour les malfrats que ces ruines et moi, je connais bien les raisonnements des ordures, après tout, ce n'est pas ce qu'il manque dans notre église. Je n'en suis pas fière, et l'idée même de devoir recruter un criminel me donne envie de vomir, mais je serai clémente.

Je le suis, il s'enfonce entre les pierres abattues et les sentiers souillés par les mauvaises herbes. Entre les roches, j'avance. Mon rythme n'était pas suffisant pour rattraper le jeune homme qui, manifestement, devait m'avoir repéré, pourquoi aurait-t-il accéléré le pas s'il en était autrement ? Je suis loin d'être la dernière en matière d'athlétisme, je me dépêche à sa suite, jusqu'à que seuls quelques mètres nous séparent. Il s'arrête, je l'imite, le manche de ma lance claque sur celui de ma hache dont l'acier était encore tâché de rouge.

Il parle, me prenant pour l'une de ses poursuivantes. Hum, eh bien, je suis effectivement une poursuivante, mais heureusement, je n'avais aucune intention de le tuer. Heureusement pour lui. Ce voleur était donc bien celui que je cherchais, avec le bout de tissu comme confirmation à ma supposition. Je souris, plissant des yeux et abaissant mes sourcils. Je me fiche bien de l'arrêter, je me fiche plus encore de le faire passer pour mort. J'avance d'un pas, fouille dans la besace qui traîne sur mon flanc droit et agrippe l'une des mèches de mon présent.

Je jette mon cadeau au sol, qui roule et roule jusqu'aux pieds du fugitif. L'expression sur la tête coupée est ... particulière, tranquille, mais contractée, comme si l'espace d'un instant, au travers de l'inconscience, ce mercenaire avait pu sentir le fil de ma hache lorsque je séparai sa nuque de ses épaules. Le sang imbibe la poussière et je considère la réaction du voleur.

- C'était l'un de tes chasseurs, vois ça comme une preuve de bonne foi. J'accentue mon sourire. On croit bien mieux à une tête découpée qu'à un morceau de tissu, tu ne penses pas ?

Je m'approche encore avant de commencer à circuler en arc autour de lui, penchant mon visage pour discerner chaque détail de la personne que j'ai en face de moi. Mes mains croisées derrière mon dos laissent présager que je n'ai aucune intention d'utiliser mes armes, pas encore. Relevant un instant mes yeux dans les siens, je reprends.

- Ils te vouent la mort parce que tu leur as pris un objet, dis-moi, est-ce que cela te semble juste ? Je m'arrête et relève le visage. Que penses-tu de cette justice ?

C'était donc ça.. une tête découpée. Je ne pu m'empêcher de pousser un petit cri d'effroi à l'idée de voir cette tête rouler jusqu'à mes pieds, mais ce qui me fit le plus peur, c'est cette fille qui a tué cet individu sans pitié aucune.

Son regard pénétrant, et son sourire meurtrier m'ont figé durant quelques secondes, jusqu'à ce que je réalise qu'elle me parle..

Cette jeune femme n'a donc pas l'intention de me tuer, elle semble même vouloir mon bien, son apparence si inoffensive est sans doute volontaire pour tromper l'ennemi. Je suis maintenant à moitié rassuré de savoir qu'elle ne veut pas me tuer, contrairement à ce pauvre homme, mais si ce n'avait pas été lui, ça aurait pu être moi.

Les questions qu'elle me pose me laisse dans l'incompréhension la plus totale. C'est bien la première fois que je suis confronté à cela.. avant de lui répondre, je du réfléchir longuement, tellement qu'elle a du se demander si je n'étais pas un sombre imbécile n'étant pas capable de comprendre ses questions.

Sa deuxième question m'avait perturbé, comment a-t-elle pu savoir que je leur avais volé un objet ? Mon faciès habituellement rigide et usé par le temps avait été interrogatif.

Qui es-tu exactement ? Et pourquoi m'as-tu suivi ?

Avant de continuer, je pris le temps de bien réfléchir à ma réponse ne sachant pas à qui j'ai à faire, je préfère rester sur sur mes gardes. Sans me rendre compte, j'étais en train de gratter ma barbe d'une façon nonchalante..

J'ai profité d'eux, je leur ai subtilement dérobé l'objet alors qu'ils me faisaient confiance, je les ai trahi, je comprends leur vengeance, ce que je comprends moins par contre, c'est leur intérêt à me pourchasser de la sorte, ils ont suffisamment de richesse...  

Peut-être est-ce le limier qui a envoyé un de ses sbires pour me surveiller, je vais devoir me méfier, je ne peux pas prendre le risque de me faire rattraper par mon passé. La justice dont elle me parle.. c'est ce qu'il s'est passé avec le Limier Blanc, elle ne m'a guère laissé le choix, mais en repassant à son jolie minou, non minois, je ne pu m'empêcher d'esquisser un léger sourire.

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Hum ... de la peur ? Pourquoi si blême, l'ami, si je te voulais du mal, tu aurais été bien plus vite au fait. Apparemment, il s'en est rendu compte ... son visage reprend des couleurs, le pouvoir de la diplomatie ! Mais il prend du temps à répondre, et moi, je n'ai pas tout mon temps, Kamaâl n'a pas tout son temps. Rallier des fidèles à mon seigneur, je n'ai pas de plus grand dégoût à partager l'affection de mon dieu ainsi, mais je dois le faire, pour lui. Qui sait ... peut-être que ce voleur y prendrait goût ?

J'allais quand même commencer à m'énerver. On me prenait pour la charité, non ? Je n'aide pas souvent mon "prochain", alors si un jour qui que ce soit à la chance de m'intéresser, je ne compte tout de même les autoriser à ainsi me faire attendre. Peut-être qu'un avertissement serait de mise ? Ma lance est bien aiguisée ... et destinée à n'être utilisée que plus tard encore. Enfin, le tire-manches daigne me répondre. Ce n'était pas trop tôt.

Il prétend comprendre, prétend assumer sa culpabilité, mais il ne le prétend qu'à moitié. La nuance qu'il ajoute n'est pas anodine, la richesse ... quel beau motif pour un meurtre ! Ou en l'occurrence, un simple vol. Il faut bien admettre pourtant, qu'égorger un noble, c'est bien plus haut en couleur que simplement dénouer le noeud de sa bourse. Quoi qu'il en soit, j'aime sa réponse.

- Appelle-moi comme tu le veux, ça n'est d'aucune importance. Et je te l'ai déjà dit, je viens avec les meilleures intentions qui soient. Non, si ce n'était pas le cas je n'aurais pas pris la peine d'un cadeau.

S'il savait à quel point ma traque avait été longue, il saisirait mieux le sens profond de mes mots. Je tue à la légère, dit-on ? Oh oui, bien sûr. Je tue aussi légèrement que la manière qu'ont les impies à vivre dans leur luxure, leur avidité et leur confort, appuyés sur les lits que l'usurpateur borde chaque soir, en les berçant de mensonges. Mais lui, cet homme-ci, il enfreint ces parjures, cette soi-disant convention normale de vie que chaque habitant des Trois-Lieux respecte sans en connaître la moindre parcelle de sens !

Certainement, ce voleur doit le savoir.

- Et dis-moi, de quoi as-tu donc profité si ce n'est que la crédulité d'idiots qui ne surveillaient pas assez leurs arrières ? Ha ! Si cet objet est entre tes mains, maintenant, c'est que tu le désirais plus qu'eux. Qui d'autre le mériterait donc mieux que l'homme capable de se salir les mains pour l'obtenir ?

Kamaâl respecte la force, il honore la bravoure, il rend hommage à la volonté et remarque le culot. Ce voleur n'est coupable que des crimes de Naâme. Pour une fois, et je dois reconnaître que c'est rarement le cas, je me montre d'une sincérité sans faille, fixant mes yeux dans ceux de cet élu.

- Qu'as-tu donc voulu accomplir, si ce n'est survivre ? Nous essayons tous de survivre, là-dehors, pendant qu'eux se bourrent le bec avec leurs pièces, leur vin et leurs draperies ! As-tu donc une opinion si basse de toi-même que tu compares la valeur de ta vie avec celle d'un objet matériel ?

Je fais un pas en avant. J'ai conscience que je m'emporte, oui, mais je n'ai aucune envie de réprimer cette impression ! Parce que la flamme de Kamaâl est indomptable et elle brûle en moi, et je sauverai tous ceux qui méritent de voir le nouveau monde ! Ce voleur n'est pas un criminel, il est un réprouvé qui trouvera un chemin digne de lui quand le Seigneur des cendres reconstruira notre avenir ! Alors je ne baissai aucunement la voix !

- Tu l'as dis toi-même. Ils ont déjà tant de richesses, tellement qu'ils ont noyé leur ego dedans ! Eux, ils ne font pas que vivre, ils privent les autres de leurs abus. Tu as pris ce qui te revenait de droit, en tant qu'être humain. Tout le monde a le droit de vivre, alors je te le redemande, que penses-tu de cette justice ?!

Je n'attendais même plus la réponse donnée à cette interrogation, je la devinais.

- Et si tu as autant de jugeote que je ne le pense, tu auras fini de les "comprendre".

Ce n'est pas la première fois que ça m'arrive, je demande l'identité d'une personne, mais elle ne me répond pas. Je crains que cela ne devienne une habitude. Elle semble sincère, si elle avait voulu me tuer, elle l'aurait sans doute déjà fait, mais je ne dois pas baisser ma garde.

Sur ce point, elle n'a pas tort, ils ont déjà tant de choses.. une famille, des enfants, de l'argent à ne plus savoir quoi en faire. Je ne devrais pas culpabiliser pour ces idiots.

*inspire longuement*

Oui, tu as sans doute raison. Ils ont tant de richesse.. Cette justice est régie par des riches, et n'est pas synonyme de paix. Leurs pierres de vie étaient sensé les protéger mais leur don ne s'est pas activé pour les protéger.. si c'est ça la justice alors je pense qu'elle ne me correspond pas.

Je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui n'est pas formaté comme les autres, et qui ne me juge pas directement. Si je ne m'en méfiais pas autant, elle pourrait faire une bonne alliée.

Tout ce laïus est formidable, mais je ne comprends toujours pas la raison pour laquelle tu es venue à ma rencontre.

J'éprouve beaucoup de difficultés à la cerner, elle est aussi mystérieuse que l'albinos que j'avais rencontré.

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Ah ! Enfin un peu de résolution. Le doute n'est pas une amie, elle ne l'est jamais. Seule doit être écoutée la voix, non de la raison mais de la vérité. Je suis déjà fière de cette première étape franchie, le déni est ... une inconvenance. Ce n'est pas une entité dangereuse, toutefois, le déni n'est rien d'autre qu'une falaise au bord de l'eau. Pour s'en extirper il suffit de plonger. Moi, je préfère pousser les gens dans le vide et voir comment ils tombent. S'ils survivent, alors, c'est que la vie leur a donné la force de l'affronter. S'ils meurent, alors, c'est qu'ils n'avaient rien à faire en ce monde.  

Je ne suis pas cruelle, cette humanité est simplement trop faible pour le reconnaître. J'ai le courage, la volonté qu'il faut pour réformer ce monde brique par brique ... et ça les terrifie. C'est bien normal. Kamaâl m'a choisie pour ce que je pouvais être et il m'a façonnée selon son jugement. Aucun élu n'est sélectionné au hasard, on ne décide pas du destin de manière aléatoire.

Enfin ... il admet le tort qu'il a eu de faire confiance à la foi commune, ça aussi, ce n'est pas surprenant, avec un peu de réflexion, tout le monde peut réaliser à quel point notre existence élève ses piliers sur une fondation malsaine. Mais qui suis-je pour le juger ? Vrai ... qui suis-je à ses yeux mortels pour ainsi détenir les vérités existentielles que tous s'entêtent à méditer ?

- Considère-moi comme une envoyée. J'apporte un message de quelqu'un qui m'est bien supérieur. Le message est très simple. Tu peux être plus grand que ce que tu es maintenant ... ou plutôt, tu peux manifester cette grandeur qui est déjà tienne.

Tout briseur de loi, foi, morale, serment, possède en lui une certaine force, celle d'être incompris, celle d'être rejeté, celle d'être méprisé. Il est bien plus dur d'être haï que d'être aimé, je parle d'expérience. Le monde était plus beau sous la protection de l'usurpateur ... mais ô qu'il était superficiel. Maintenant, tout paraît bien plus transparent.

- Mon travail consiste à sauver les gens comme toi ... comme moi. Notre société nous voit comme des ordures, nous les voyons comme des hypocrites. Je suis des masques Maâlistes, cette ... "secte" comme l'appellent ces bons penseurs naâmistes. Nous sommes puissants, nous le sommes de plus en plus. Et la finalité de notre entreprise résidera dans la refonte de notre monde.

Je prends un instant de pause, et porte ma voix sur des tons plus sereins, plus bas. Il ne faut pas que j'emballe. Penchant le visage, j'arbore une expression plus humble, les sourcils penchés vers l'extérieur avec une oeillade que j'adresse à la profonde prunelle des yeux du voleur.

- Je sais que ça peut faire peur. Mais on y entre pour se préserver mutuellement, s'entraider ... réfléchis bien.

A l'annonce de cette nouvelle, je restais bouche-bée quelques instants avant de reprendre mes esprits, je n'en avais jamais rencontré auparavant, j'en avais seulement déjà entendu parler. Je ne m'attendais pas à en rencontrer un dans un pareil contexte, mais cela doit être un signe.. peut-être un signe du Dieu Kamaâl ?

Je ne peux y croire, c'est Kamaâl qui t'a envoyé vers moi ?

Depuis quelques temps, je réfléchis à l'idée de me détourner de Naâme, tout ce que j'ai pu vivre au fil de mes aventures m'ont fait prendre conscience que la pensée Naamiste ne me correspond plus. Quelle belle opportunité, si je refuse, cela ne représentera pas une seconde fois..ça c'est sûr.

Depuis quelques temps déjà, je songe à rejoindre la secte des maâlistes, j'en ai marre de ces mensonges, et des manipulations.. et de cette soif de pouvoir. Je veux aller où je décide, et faire ce qu'il me plait.

Avant d’enchaîner, je fis une courte pause, le temps d'humecter mes lèvres pour me permettre de bien articuler.

En pratique, comment est-ce que ça passe pour vous rejoindre ? Faut-il tuer des gens comme tu l'as fait pour faire partie de votre secte ?

A y réfléchir plus longuement, mon choix est fait depuis longtemps.. je n'ai qu'une seule crainte, c'est de briser le pacte que j'ai fait avec le Limier Blanc, si par malheur elle apprend que j'ai rejoint les maâlistes, je ne donne pas cher de ma peau. Ou bien, peut-être que les maâlistes vont me protéger si je lui évoque ma situation.

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Huh ... quelle belle réaction que celle du voleur. De l'entrain et non de la crainte, une hâte de rejoindre des rangs méprisés de tous et qui d'ordinaire ferait couler un très long frisson le long d'une échine terrifiée. Il exprime son intérêt sans tergiverser, il l'assume, c'était une bonne chose qu'il ait croisé ma route, sans doute la meilleure qui puisse lui arriver. De tous les Trois-Lieux, je devais être la seule maâliste à être aussi directe. Sans mentir, s'il avait démenti tout intérêt envers la seule religion légitime, il n'y aurait eu aucun témoin, aucun héros pour le sauver.

Mais ce n'était pas le cas. Brièvement, un sourire illumina mon visage, forcé par ma chance combinée à la conviction de cet étranger. Medegdekh m'a appris bien des choses, mais de toutes, la plus importante qu'il m'ait enseigné est que les mots vides de sens n'ont d'intérêt que pour ceux qui ont peur de la vérité. Ce chapardeur avait soif de liberté, mais il n'en connaissait pas le prix. Le sang n'est pas le coût imposé par le Seigneur pour rejoindre la croisade, tuer n'est pas l'objectif, tuer est la manière, mais tous les masques ne sont pas des tueurs. Tous les masques ne sont pas comme moi.

- Tu n'as pas besoin de faire preuve de tes instincts guerriers pour nous rejoindre.

Ma main gauche, celle délestée de toute arme vint fouiller dans ma besace, dans mon dos. Mes doigts effleurèrent le cuir renforcé de ma "gourde", que j'emporte toujours avec moi en cas ... d'imprévu. J'en dévisse le large couvercle, apposant au sol la base plane, dévoilant ainsi un liquide rougeâtre à l'odeur mauvaise et à la texture visqueuse. La vérité sort de la bouche des enfants, surtout quand on les égorge. Alors, cette vérité devient outil du Seigneur et brise le fléau de l'usurpateur. Le sang est la clé de toute énigme, le sang de la fausse innocence est la manière de mettre à nu la sorcellerie du faux dieu.

- C'est de ta foi dont tu dois faire preuve.

Relevant mes yeux dans ceux de mon interlocuteur, j'explique lentement, allumant un petit feu sous le récipient.

- Pour nous rejoindre tu vas devoir faire ce que je dis, mot pour mot, alors écoute-bien. Tu vas t'arracher une mèche de cheveux et la plonger dans le sang lorsqu'il aura bouilli. Ensuite, tu vas prendre ta pierre de vie dans ta main, lever le bras bien haut au-dessus de la gourde et la lâcher. Elle se détruira.

Je me relevai alors, sans exprimer la moindre émotion, excepté un regard patient. Lance à la main, j'avais reculé d'un pas, attendant qu'il ne s'exécute. J'espérais ne pas être déçue.

- Fais-le.

"C'est de ta foi dont tu dois faire preuve", cette phrase voulait tout dire et rien dire à la fois, je ne suis pas un homme qui se laisse facilement berner par ces histoires de croyance, je peux aduler un dieu sans pour autant devenir sa marionnette qui commettra des crimes les plus affreux au nom du prétendu dieu.

Quand je vis le liquide sortir de sa gourde, je ne pu m'empêcher d'avoir un recul de dégoût, qu'allait-elle me demander de faire ? Boire ce liquide ?

Je fus choqué par ce rituel, jamais je n'aurais cru devoir faire cela un jour. Autant voler la pierre de vie des autres ne me dérange pas, mais sacrifier ma propre vie, c'est une autre paire de manche. C'est donc cela qu'il faut faire pour devenir membre de leur secte ? Au plus je l'écoutais, et au plus je me disais qu'il s'agissait d'une blague, si je détruis ma pierre de vie, j'en meurs, tout le monde sait ça !

Mais... mais tu es folle ? Si ma pierre de vie tombe dans ce liquide, je vais en mourir.

Après quelques instants d'hésitation, je m'arracha violemment une mèche de cheveux, comme pour en finir le plus vite possible. Non sans la moindre douleur, une larme se mis à couler le long de ma joue.

Il est trop tard pour faire marche arrière, marre de me faire marcher dessus, marre de faire manipuler et humilier depuis autant d'années. Il est temps que ça change, et j'ai enfin trouvé la bonne personne au bon moment.

D'un coup sec, j'arracha le collier de mon coup, et le jeta dans cette mixture dégueulasse. Seconde après seconde, je le vis tomber lentement comme si le temps avait ralenti, c'est la première fois que je l'enlevais depuis que je l'avais porté.

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Folle ? Peut-être. Déterminée, certainement. Exigeante ... absolument. Je reste inconditionnellement de marbre devant la stupeur que telle demande doit instaurer. Je sais que je ne ferais pas ce que je lui demande, mais je n'ai plus besoin de faire mes preuves, moi. Visiblement, il a très bien compris qu'entrer dans notre culte demande un tribut non-négligeable, le gage de sa vie, s'il est prêt à la risquer, là, maintenant, sans que rien ne l'impose au nom de la foi et la foi seule ... alors peut-être a t-il du potentiel.

Oh ? Eh bien quelle hargne ! J'avoue ne pas avoir pu retenir mon expression surprise lorsqu'il se subtilisa de la plus violente manière l'une de ses propres mèches pour les jeter dans le sang. On dirait bien que je suis tombée sur un enragé ... bien, excellent, même. L'épreuve a été réussie, et maintenant ? Quel prix ce jeu a coûté ? Désormais, ce larcin s'est délesté de sa vie.

Car je laissai la pierre tomber, sans même broncher, je la laissai simplement siffler au travers de l'air et atterrir dans la mixture bouillonnante. Le bruit fatidique de roche dans la boue se fait entendre, mais en lieu et place de terre, c'est bien de sang que l'on parle. Je souris. La pierre coule. Je glousse. La gemme ne remonte pas. Je relève les yeux et aucun bruit ne résonne.

- Quel dommage ...

D'un coup de pied sec j'envoie balader le récipient et la gemme en sortit, intacte.

- Tu ne rejoindras pas notre Seigneur aujourd'hui.

C'est pourtant impressionnant de voir quelqu'un s'embraser de l'intérieur, c'est même passionnant. Le sang que j'avais mis dans la marmite appartenait à une brebis chassée la veille, rien de très enfantin là-dedans, sa pierre ne risquait pas de se briser. Chanceux.

- Pour moi, tu as fait un début convenable. Je sortis un plan sur lequel je griffonnai une croix. Va ici, tu y trouveras un de nos sanctuaires, mes aînés prendront soin de toi. Oh, et n'oublie pas de préciser que c'est Skadi qui te recommande ... pour ce que ça importe. Des questions ?