[EG] SUJET de Lucie & Valérian (Jusqu'à 25.05 minuit)

La potion de sommeil

Les évènement récents laissaient à Valérian un goût d’inachevé qui le perturbait grandement depuis quelques jours. Son sommeil s’en ressentait grandement alors qu’il n’avait que très peu dormi depuis que le corps de l’hérétique avait été retrouvé lapidé – sans doute morte sous la torture de ceux qui étaient pourtant les siens… Nouvellement fort d’une petite hausse de maturité, le jeune prince avait décidé de ne pas prendre ses symptômes à la légère et était donc allé voir l’apothicaire royal qui lui avait alors concocté une potion de sommeil.

Lorsqu’il en avait ôté le bouchon le soir venu, l’âpreté de l’odeur qui s’en dégageait lui avait fait retrousser le nez mais il l’avait tout de même bue – non sans faire la grimace – ayant totalement confiance en l’homme qui la lui avait préparée. Le sommeil était donc venu, sans ambages, mais avec lui un rêve étrange dont il se serait bien passé…


Une voix qu’il ne reconnait pas tinte à ses oreilles. Son corps est lourd, encore endormi. Il peine à ouvrir les yeux mais finalement se redresse comme un petit enfant qui s’éveille et se frotte les yeux.

- Qu’est-ce qu’il se passe… ? fait-il d’une voix ténue avant d’enfin ouvrir les yeux

Il ne reconnait pas la pièce où il se trouve, à même le sol, habillé du costume vert qu’il avait porté à son anniversaire et – au vu du léger poids autour de son crâne – sa fine couronne d’or blanc sur la tête alors qu’il ne la porte qu’en d’importantes occasions.

Il a très bien conscience qu’une personne est près de lui mais ses yeux verts encore embrumés par le sommeil sont focalisés à parcourir la pièce aux murs blancs immaculés sans fenêtre mais avec une porte close, de seulement quelques mètres carré dont la plus part sont remplit par du mobilier à l’allure étrange où sont disposé une multitude d’objets dont il ne saurait dire ce que c’est pour la plus part. Puis il le voit, couché, à l’autre bout de la pièce et tout son corps se fige.

Il l’observe – le souffle coupé – jusqu’à être certain de que l’animal est bel et bien vivant – sa cage thoracique se soulevant à un rythme régulier – mais pour le moment endormi. Son cœur s’affole, une boule d’angoisse se créée au fond de lui et une multitude de pensées tourbillonnent alors dans sa tête. Puis il reprend conscience qu’une autre personne est avec lui dans la pièce et lève alors les yeux vers elle.

- Q-qui êtes-vous… ?! lâche-t-il dans un murmure, ne voulant surtout pas réveiller le morgg assoupi Comment suis-je arrivé ici… ?!

La jeune femme face à lui a une longue chevelure rousse et de grands yeux verts mais ce qui retient l’attention de Valérian est bel et bien l’étrange tenue qu’elle arbore, faite dans des matières qu’il n’a jamais vu auparavant et dans un style totalement inconnu du jeune prince. Son cœur s’affole de nouveau.

- J-je ne s-suis pas u-une p-princesse… ! bafouille-t-il, se souvenant des paroles entendues peu avant tout en se redressant sur son séant pour reprendre contenance mais sans se lever et murmurant toujours J-je suis V-Valérian Hautiare ! Prince héritier de la couronne du royaume des Trois-Lieux ! J-je ne vous permet pas cette familiarité… ! arrive-t-il à dire avec un peu plus d’aplomb

Oh oui, le petit prince inavoué, mais quelle prestance tout à coup… ! tonne soudainement une voix qui semble sortir des profondeurs de catacombes, raisonnant aux oreilles princières – et sans doute aussi à celle de la jeune femme – comme un écho alors qu’en tournant la tête vers son origine, Valérian se rend compte que c’est le morgg qui prononce ces mots Bienvenue à toi aussi Lucie… Vous pouvez m’appeler Chire, je suis votre hôte… ajoute-t-il alors qu’un étrange sourire carnassier et suffisant s’étire sur ses babines

Restant coi, Valérian regarde alors la bête s’étirer de tout son long en bâillant avant de s’asseoir sur son arrière-train et continuer de les regarder en conservant le même sourire étrange sur ses babines.

Son cœur toujours affolé lui dicte de fuir vers la porte derrière le morgg mais son esprit un poil plus rationnel lui crie de ne pas bouger, que le morgg n’a pas pris de position d’attaque et que s’il parle, c’est qu’il est tout simplement en train de rêver et qu’il n’y a aucun danger… Ou peut-être pas.

Totalement affolé, il cille avant de relever ses yeux criant sa peur vers la jeune femme.

La potion de sommeil

L’intervention du morgg enchanté n’eut pas l’air de perturber la jeune femme que Valérian voit se diriger vers la porte au fond de la pièce. Il voulu l’arrêter d’un geste – ayant peur que le morgg lui saute à la gorge mais elle s’était elle-même arrêtée – après avoir tenté d’ouvrir la porte qui semblait donc verrouillée – pour se retourner et répondre à la bête.

Valérian n’en revenait pas de l’impertinence dont elle pouvait faire preuve face à l’animal sauvage et imprévisible – malgré des apparences d’éduqués, son sourire n’inspirait aucune confiance au prince. La bouche grande ouverte il fixe la jeune femme qui l’instant d’après se tourne vers lui dans une esquisse de révérence qui n’a rien du protocole auquel il est habitué…

Grande herboriste royale du comté de Cam Den Taune… ? Valérian n’a jamais entendu parler de cette contrée… Vient-elle de l’autre côté de la chaine des Infranchies… ? Le jeune homme avait assez d’imagination pour croire en cette possibilité – un pays plus évolué que le sien, c’était kamaâlement*  intéressant… ! Mais il n’eut gère le temps de se perdre dans ses élucubrations oniriques, l’impétuosité de la dénommée Lucie faisait de nouveau affront au morgg.

Un rire d’outre-tombe s’échappa des babines.

Oh moi…? Rien, ou pas grand-chose… il se redressa sur ses quatre pattes et s’approcha de la jeune femme, Valérian se mit à trembler, se recroquevillant dans son coin Vous avez de la chance que cette chaîne soit autour de mon cou… Sans quoi vous auriez été tous deux de parfaits amuse-bouche… il s’assit, à un mètre de Lucie, la chaîne tendue entre lui et le mur où elle semble solidement arrimée d’un gros anneau de métal Mais, ne vous réjouissez pas trop vite… La magie avec laquelle elle a été forgée et qui retient mes instincts va se résorber d’ici une heure.

Le sourire carnassier qu’il arborait jusqu’ici prend une teinte plus sombre, plus ténébreuse… Ses yeux noirs semblent soudainement rougeoyer et en même temps le prince a une impression étrange… Lui qui arrive plutôt bien à lire les expressions humaines – observateur puisque trop timide – semble déceler dans cette figure canine comme une pointe d’ironie… Mais il sait aussi que sous ses apparences humanoïde – en tout cas par la parole – un morgg est un animal féroce et impunément violent.

Ils doivent à tout prix réussir pour ne pas risquer de finir en repas.

Une poussé d’adrénaline le prend à la gorge et il se lève d’un bond. Il faut trouver cette clef !

- Co-commençons à fouiller alors… ! il jette un coup d’œil à Lucie et fait un pas de côté, ne voulant surtout par tourner le dos au morgg bien que toujours attaché, pour commencer à regarder les objets amoncelés sur la table près de lui

Fais donc, doux prince, il te faut trouver la clef, réfléchis bien… puis il tourne le regard vers Lucie Et n’essayez pas vos tours sur moi jeune fille… Sans quoi la chaîne risque de se désagréger plus vite… La magie absorbe la magie mais ne s’en décuple pas toujours…

Valérian à l’oreille qui tique à ses paroles – surtout au tutoiement qu’il emplois à son égard – mais il ne le relève pas, jetant juste un coup d’œil à la jeune femme. Serait-elle une magicienne… ? Une vraie enchanteresse ? Comme dans les contes… ?

– Ah ! glapit-il soudainement alors que l’objet qu’il a dans sa main se met à vibrer et émettre un son absolument effroyable !

L’objet n’est pas très grand, d’un poids certain, fait d’une matière dont il ne connait absolument pas l’origine… Il y a des boutons avec des chiffres et des lettres et un espace d’apparence lisse où est inscrit « Vous avez un nouveau message texte ».

- Qu’est-ce que c’est ?! soudainement transfiguré par la curiosité il tend l’objet vers Lucie Ca dit que nous avons un message ! Comment le lire ?! il se met donc à appuyer sur un des boutons


* équivalent de « diablement » ^^

La potion de sommeil

Une tonalité grésillante aux oreilles princières, il eut à peine le temps de lire que le dit message avait été effacé.

- Mais… ! lâche-t-il d’une voix frustrée avant de reculer d’un pas sous la surprise des doigts qui touchent les siens

Le regard comme apeuré qu’il darde sur Lucie qui n’a même pas remarqué l’affront qu’elle vient de lui-faire s’estompe heureusement assez vite… Après tout ils sont dans la même galère tous les deux, elle n’a pas eut de geste agressif – si ce n’est le toucher – et elle semble très bien connaitre l’objet dont il n’a absolument aucune idée de l’usage – autre que de livrer des messages, apparemment, une technologie qui mettrait coursiers et drakalons sur la paille… !

- Trop jeune… ? Un télé faune… ? Je n’ai aucune idée de ce dont vous me parlez maître Stithe… !

Il voulu la questionner sur ce que pouvait bien être une « batterie » mais il n’en eut gère l’occasion, le dit « télé faune » venait de nouveau de vibrer en émettant toujours une horrible bruit stridant – plusieurs fois d’affilé qui plus est – et la jeune femme l’informa qu’un autre message venait d’arriver. Intrigué, Valérian s’approcha et lu par-dessus l’épaule de l’herboriste tandis qu’elle lisait à haute voix non sans appliquer une certaine politesse qui fit plaisir à Valérian même s’il ne le démontra guère.

Cela ne fit pas immédiatement sens dans l’esprit du prince mais lorsque Lucie lui pointa du doigt un bocal où baignait deux espèces de noix étiquetées « testicules de cerf albinos » tout s’éclaira. Cillant, il ne releva même pas la remarque de la jeune femme et s’approcha du dit bocal…

- Testicules de cerf albinos… C’est amusant, j’en ai déjà vu dans la boutique de maître Ceadan, un de vos confrères, vous n’en utilisez jamais vous-même ? et sans crainte aucune il retira le couvercle et y plongea sa main

Il n’avait pas peur de se salir, non pas que cela soit dans ses habitudes – loin de là d’ailleurs – mais il avait vécu tellement d’aventures en rêve – dont il avait couché la moitié sur papier en enjolivant beaucoup de détails – qu’il en avait comme gardé un certain courage onirique… Et puisqu’il était à moitié persuadé que tout ce qui se passait sous ses yeux était bel et bien un rêve alors, autant le vivre jusqu’au bout… ! Il en aurait des choses à raconter à son réveil… Enfin, si quelqu’un daigne l’écouter…

Se saisissant des testicules grisâtres et recroquevillés -non sans plisser le nez à l’odeur qui se dégagea du bocal – il se mit en quête visuelle d’un objet pour les trancher en deux. Une hache attira son regard et après avoir posé les gonades au sol, se saisit de l’objet à moitié rouillé avant de l’abattre avec force – et un cri qui se voulait guerrier – sur les deux orbes qui éclatèrent sous le poids bien trop fort de l’objet contondant.

Haha, bien joué petit prince ! Tu viens de réduire en bouillie le premier indice menant à la sortie ! Je me demande comment vous allez y parvenir à présent… susurra la voix spectrale du morgg Ces énigmes à la con, je lui avais dit d’être plus précis… ! ajouta-t-il de son sourire mi-figue mi-raisin

- L’énigme… murmura Valérian qui loin d’être abattu se dirigea vers une autre étagère où il lui semblait avoir vu quelque chose qui pouvait aussi correspondre au charabia du télé faune

Lâchant carrément la hache qui raisonna lourdement en tombant au sol, il attrapa le pot en verre remplis d’yeux à l’iris jaune cerclé de rouge. Des yeux de croquemites… Etrangement, ce bocal là lui inspirait plus de répulsion que les deux testicules de cervidé… Peut-être était-ce parce qu’il y en avait une bonne vingtaine agglutinés par le même liquide à l’odeur écœurante… ?

Pourtant il ne laissa rien paraitre – tout du moins il l’espérait – et vida le bocal dans le saladier qu’il avait repéré après l’avoir vidé des pommes qu’il contenait. L’une d’elle roula d’ailleurs jusqu’au morgg qui la repoussa d’un mouvement de patte, la gueule contrite et comme dégoutée. Mais ça, Valérian ne le vit pas.

- Aidez-moi ! Il y en a beaucoup à ouvrir et cette fois-ci pas de hache ! lança-t-il à l’intention de Lucie avant d’attraper son premier œil et – fermant les siens – enfoncer les ongles de ses pouces dans la matière tendre, visqueuse et répugnante…

Il eut un haut-le-cœur, à deux doigts de vomir, son visage prit une teinte verdâtre mais il ne se dégonfla pas. Sans pour autant ouvrir les yeux, il trifouilla l’intérieur visqueux – il avait l’impression de tripoter une limace sans pour autant ne l’avoir jamais véritablement fait – mais n’y trouva rien. Relâchant alors l’œil dans le saladier où il coula à pic, il en prit un deuxième qui subit le même sort. Puis un troisième, un quatrième, ce ne fut qu’au huitième qu’enfin il senti autre chose sous ses doigts que la répugnante gelée de croquemite…

- Je l’ai trouvé… ! Mais, qu’est-ce que cela veut dire… ?

Interloqué, il tendit le minuscule bout de papier à Lucie.


Ah ! Encore cette pub à la noix ! N’écoutez pas ce charlatan, c’est moi qui détient la clef ! gronda soudainement Chire Belle Lucie, si vous m’offrez votre joli pouce je suis prêt à vous révéler le véritable indice qui vous permettra de sortir d’ici… de nouveau ses yeux rougeoyèrent de l’indescriptible lueur ironique

- Non ! lâcha Valérian Ne l’écoutez pas ! Il n’a aucun intérêt à ce que nous sortions d’ici ! Il veut nous dévorer en entier, pas simplement un doigt !

Allons bon mon prince, mais qui t’as mis cette idée saugrenue dans la tête… ? Ma chaîne retient mes instincts mais ça ne veut pas dire que je souhaite réellement vous manger… Je préfèrerais un bon steak de cerf, bien juteux et gras. Vous deux n’avez que la peau sur les os, je vais y cassez mes pauvres quenottes… Le pouce que je demande n’est qu’un trophée ! Il est bien joli, j’aime votre vernis chère amie, vous pourriez m’en peindre les griffes… ? ses babines s’étirèrent d’avantage et son regard se fit plus flamboyant encore

Valérian en frémit de tout son corps.

La potion de sommeil

Le flegme avec lequel Lucie répondit au morgg – sans même le regarder alors qu’elle était concentrée sur le télé faune – abasourdit totalement Valérian qui – bouche grande ouverte – laissait son regard aller de la jeune femme à la bête sans pouvoir dire un mot. Puis le télé faune refit son horrible bruit et le prince se boucha les oreilles.

- Faites taire cette chose, je vous en conjure !

A croire que c’était là la pire torture que pouvait supporter le doux rêveur…

Puis il vit la jeune femme s’agiter près de l’étagère à crânes.

Tss tss tss, vous perdez votre temps Maître un rire jaune s’échappa de ses babines Stithe… continua-t-il en reprenant son sérieux d’animal maléfique La clef n’est pas dans un crâne, ni dans une véritable caboche à dire vrai, vous faites fausse route ! Faites-moi confiance chers petits ! Je suis un morgg qui parle ! N’est-ce pas une preuve suffisante à vos yeux ? Je vous rappelle que ma chaîne va disparaître dans moins d’une heure !

Valérian ne savait plus sur quel pied danser. D’un côté l’animal n’avait pas tords, et de l’autre son subconscient lui criait de ne surtout pas l’écouter. Sa balançant alors d’un pied sur l’autre – indécis et stressé – il se mit à tourner sur place, ses yeux s’accrochant à des objets qu’il n’avaient pas vraiment regardé jusqu’à présent.

Dans un coin de la pièce trônait une immense sculpture de dragon blanc qui tenait une tasse qui fumait dans une patte – étrange cette fumée – prêt à la boire, sur une étagère il y avait de nombreux livres – d’apparence connues mais aussi totalement étrange pour lui – un peu plus loin – sur l’immense table ronde ou il avait épépiné les yeux de croquemite – il y avait aussi un coffre en bois – pas très grand mais pas minuscule non plus à la serrure vieille et dorée – ainsi que trois pots – drôle de plantes qui y étaient, Valérian aurait juré qu’elles bougeaient et ouvrait leur énorme calice vert – et une petite fiole avec une étiquette. Après la table, ses yeux tombèrent sur l’étincèlement d’une lame dans un rocher et il eut la brève envie de s’en saisir pour décapiter le morgg. Il allait le faire mais son regard fut attiré par une autre chose.

Un énorme chaudron – carré et d’une matière inconnue à Valérian – qui bouillonnait et dégageait de la fumée attira son œil et fit soudainement palpiter son cœur. Alors que Lucie lui demandait de décrocher le squelette pendu au plafond, il était totalement subjugué par la silhouette qui était en train de se découper dans les volutes de fumée de l’étrange chaudron.  

Faisant un geste de silence vers la jeune femme, il se mit à s’approcher lentement du chaudron – non sans attraper au passage l’épée du rocher qu’il n’eut aucun mal à retirer. Une autre personne était dans la pièce.

Foutre dieu ! lâcha le morgg Vous avez vu Maître Stithe ?! Il a retiré l’épée dans le rocher ! Vive le roi !

Mais le jeune prince ne l’entendit même pas, trop concentré, le cœur battant, continuant de s’approcher du chaudron – l’épée en garde devant son visage – pour passer le brouillard de vapeur et d’enfin voir la personne qui baignait – sans doute morte vu le bouillonnement de l’eau – à l’intérieur. Par acquis de conscience, Valérian piqua vivement le haut du bras qu’il voyait de la pointe de son épée.

Un clac raisonna fortement dans la petite pièce – faisant sursauter et couiner Valérian comme une fillette – avant qu’un sifflement tout aussi assourdissant vienne le remplacer. Sous ses yeux ébahit, la silhouette était en train de se dégonfler comme une outre qu’un assoiffé avale goulument ! Plongeant alors sa lame dans le liquide qui bouillonnait toujours, Valérian ramena l’objet – puisque s’en était un – jusqu’à lui et s’en saisit – du bout des doigts car c’était très chaud. La tête semblait être à part du reste du corps car elle n’avait en rien dégonflée.

L’étendant alors devant ses yeux en le tenant par les épaules, il s’aperçut que c’était un genre de mannequin, fait là encore d’une matière qu’il ne connaissait pas. C’était un corps féminin, entièrement nu, pourvu d’un sexe outrancièrement épilé et concave ainsi que d’une bouche aux lèvres extrêmement ourlées et entrouvert avec là aussi un trou. Pas le moins du monde gêné par la nudité de ce corps factice, il lâcha tout de même une exclamation de stupeur.

- Maître Stithe, c’est vous ! lâcha-t-il tout en montrant à la jeune femme la figure du mannequin qui avait – outre les grosses lèvres – les traits parfaits de Lucie, le mouvement rapide fit alors raisonner faiblement quelque chose dans la tête du mannequin Il y a quelque chose à l’intérieur ! s’exclama-t-il de nouveau avant de le lâcher au sol C’est ça votre énigme ! et d’un coup sec, perfora de nouveau l’objet de la pointe de son épée mais cette fois-ci à la tête

Un nouveau « clac », un nouveau sifflement mais le prince n’y prêta cette fois pas attention, s’agenouillant pour étirer le trou qu’il venait de faire et se saisir de ce que la tête à l’effigie de l’apothicaire contenait…

- Une clef… ! fit-il tout en brandissant l’objet D’apparence vielle et d’un métal doré… ! il se mit soudainement debout Je sais ce qu’elle ouvre ! et il se rua vers la table ronde pour ouvrir le coffre qui y trônait toujours


Sérieusement… ? Tu viens de trouver une clef et le premier truc que tu ouvres avec c’est ce coffre… ? Tu ne l’essayes même pas sur la porte ? T’es vraiment con mon pauvre… susurra la voix caverneuse

- La serrure de la porte est cuivrée, pas dorée. assena le prince sans se démonter, gonflé d’un certain orgueil alors qu’en même temps qu’il parlait, la serrure du coffre se déverrouillait entre ses doigts Et je ne vous permet pas de m’insul- mais, qu’est-ce que… ?!




Chanta soudainement une voix grave mais extrêmement mélodieuse qui fit relever brusquement la tête du prince vers les trois plantes elles-aussi sur la table.




Abasourdit, Valérian regardait se tortiller les trois gros calices verts qui ressemblaient à de grosses bouches et pourvue de crocs d’où s’échappaient trois voix merveilleusement chantantes dans un style musical étrange à ses oreilles mais qui lui donnait envie de taper des pieds et des mains en rythme et chanter avec elles – malgré leur allure sacrément inquiétante…

Cillant, il baissa de nouveau les yeux vers l’intérieur du coffre et son contenu pris alors tout son sens. Lâchant un grognement dégouté il plongea la main dedans – se disant qu’après les yeux, une poignée de mouches et insectes divers morts n’étaient pas plus répugnants…

D’un geste, il lança les petites bêtes que les plantes attrapèrent au vol en déployant leurs cous qui semblaient d’interminables lianes alors qu’elles grossissaient à vue d’œil. Reculant par réflexe, il tendit de nouveau son épée devant lui, prêt à couper feuilles et lianes.

Mais les plantes – maintenant assez longues pour se servirent elle-même dans le coffre – ne firent pas un seul geste agressif vers le prince. Mieux, elle se remirent à chanter.

Oh non, pas encore ces saloperies de plantes carnivores évangélistes… ! grogna le morgg qui s’était couché, pattes avant sur les oreilles ce qui eut le mérite de faire rire le prince qui se détendit alors, tout ouïe à la chanson qui paraissait importante




Complètement éberlué, Valérian resta totalement coi et présenta un visage comme figé alors qu’il se tournait vers Lucie qu’il espérait avoir compris de quoi parlait les plantes.

Mais qui pouvait donc bien être ce Sasha… ? Était-ce le grand manitou de toute cette mascarade… ?

La potion de sommeil

Toujours dubitatif, Valérian suivit des yeux la jeune femme qui – fort heureusement – avait l’air de savoir de quoi la chanson en retournait… Elle saisit une balle rouge et blanche et l’ouvrit puis s’enchaîna une scène qui fit reculer Valérian d’un pas – ayant frémit lorsqu’elle avait avalé d’une traite la petite fiole de potion.

Sous ses yeux estomaqués, Lucie était en train de rapetisser ! Elle disparue dans le tas que forma ses vêtements et le prince posa ses mains sur ses yeux par réflexe mais entrouvrit quand même deux doigts pour voir ce qu’elle allait faire. C’était comme regarder une fourmi, il ne distinguait pas tout mais assez pour voir qu’elle était monté dans la balle ouverte qui semblait être l’intérieur d’une minuscule maisonnée au mobilier étrange. Il la vit farfouiller, se vêtir avec de minuscule habits, prendre quelque chose sur la mini table – un bout de papier ? un nouvel indice ? – manger un bout de ce que contenait le bol qu’il distinguait à peine puis, quelques instants plus tard, elle se remit à grandir.

Il écarquilla de nouveau les yeux, rougit fortement puis se tourna d’un bond en synchronisation avec la demande de la jeune femme. Et il entendit de nouveau le télé faune intempestivement désagréable.

- C’est bon vous êtes vêtue ? Que dit le message ?

Mais il n’obtînt pas de réponse, à la place, Lucie lui tendit le minuscule bout de papier qu’elle avait récupéré dans la balle-mini-maison mais il eut beau plisser les yeux il n’en distinguait pas le moindre mot. Il se devra de faire confiance à l’apothicaire.

Hébété, il cilla à ses mots.

- L-le pourfendre… ? Mais, ce n’est qu’une statue impassible… !

Ah tu crois ça ? ricana Chire Réveilles-toi Zhizhi ! tonna-t-il en suivant et donnant un coup de griffe dans une cuisse de la statue

Le dragon s’anima alors d’un coup. S’étirant d’abord sous le regard éberlué du prince, il avala la tasse fumante puis darda vers le prince son regard rouge flamboyant avant de se mettre en position d’attaque et lâcher un rugissement dont le souffle fit voler les cheveux du prince, à deux doigts de faire valdinguer sa couronne.

- Baissez-vous ! hurla-t-il à la jeune femme tandis qu’il se précipitait de côté, voulant éviter un potentiel jet de flamme

Il se retrouva accolé contre un mur, se calfeutrant derrière une étagère que son regard inspecta rapidement pas réflexe. Sans réfléchir plus, il saisit l’arc et les flèches qui s’y trouvait et banda la corde. Mais rien ne se passe comme prévu.

Alors qu’il visait entre les deux yeux du dragon – une poussée d’adrénaline vertueuse gonflant ses veines – Lucie – pour une raison inconnue – se précipita sur lui et dévia son tire en poussant ses bras. La flèche alla alors se ficher avec fracas contre une étagère et en fit tomber le chat – qui avait semblé empaillé au prince – dans le seau d’eau juste en dessous.

- Pourquoi avez-vous fais ça ?! hurla Valérian, lui-même surprit de sa propre réaction

Miaouuuuu ! tonna une voix stridente tandis que le chat, à présent vivant, sortait aussi vite qu’il le pouvait du saut d’eau Je déteste ce moment du jeu ! s’ébrouant, il se mit à faire sa toilette sans même un regard vers les humains, le morgg et le dragon

Et tu n’aimes pas plus la suite ! fit le morgg alors qu’il fondait sur le chat, sa chaine étant juste assez grande, pour l’attraper violemment entre ses crocs

Nooooon ! s’étrangla le chat Pas aussi vite ! Lucie !! continua-t-il, haletant, du sang ruisselant déjà de son pelage Le vieux grimoire ! Il y a une potion ! Contre, argh… il ne bougeait déjà plus Chire… eut-il juste le temps de dire avant que le dit Chire ne finisse de le broyer entre ses crocs

Reculant de nouveau, Valérian fut prit d’une peur et d’une angoisse grandissante. Le morgg venait de prouver sa violence et derrière lui, le dragon fulminait toujours, prêt à bondir jusqu’à ce que le prince se rende compte que ses pattes arrières semblaient encore soudées à son socle. Mais, pour combien de temps… ?

- Maître Stithe ! darda-t-il, les yeux larmoyants de terreur

La potion de sommeil

Toujours apeuré – et frustré de sa déconfiture royale face au dragon qu’il avait pourtant bien en ligne de mire – il se rapprocha de l’apothicaire qui s’était emparée du grimoire cité par le chat – non sans surveiller d’un œil le dragon qui continuait de rugir.

Elle sembla rapidement trouver la page et lui demanda prestement de faire couler quelques gouttes de son sang dans le saut d’eau où était tombé le chat. Cinq gouttes pour être exact… Le jeune prince avait assez de connaissances en herboristerie pour savoir que les potions devaient être concoctées à l’ingrédient près, aussi fit-il bien attention lorsqu’il fit goutter son sang – non sans avoir réprimé une grimace de douleur après s’être piqué le bout d’un doigt avec la flèche donnée par Lucie. Une fois fait, il recula prestement et reconcentra son attention sur le dragon sans s’occuper de ce que pouvait faire Lucie.

Lentement, il fit plusieurs pas de côté – sans lâcher la bête mythologique des yeux – dans l’espoir de récupérer l’épée qu’il avait faite tomber plus loin. Mais il n’en eut pas le temps, se jetant ventre à terre pour éviter la gerbe de flamme draconique qui jaillit soudainement de l’immense gueule aux crocs acérés.

Restant visage à terre il se rendit bien vite compte qu’une épaisse fumée était en train de remplir la pièce. Relevant un peu la tête, il chercha Lucie des yeux et vit qu’elle se couvrait le visage – sans doute pour ne pas respirer les vapeurs – et Valérian fit alors de même. Puis il entendit le morgg et se redressa d’un bond.

- Sa chaîne ! Que s’est-il passé ?! Pourquoi disparait-elle ?! s’affola-t-il alors que son corps réagissait par instinct, le poussant à courir vers la porte qui les retenaient prisonniers

Un bruit de griffes qui crissent au sol, un rugissement presque maléfique comme il n’en avait entendu que dans ses pires cauchemars… A peine eut-il le temps de se retourner qu’il vit le morgg fondre sur lui à pleine vitesse.

Se recroquevillant par réflexe, il vit alors son cristal de vie se mettre à luire de l’intense lueur rouge caractéristique de son activation. Et il sut alors que pour les prochaines minutes il ne risquait rien du morgg…

Chire passa à pleine vitesse à travers son corps devenu intangible et alla se fracasser contre la porte derrière lui. Porte qui émit un bruit sourd au choc, un cliquetis puis un grincement…

Les oreilles de Valérian tiquèrent et il se redressa d’un bond, se tournant vivement vers la porte qui s’était – à n’en point douter par les bruits émis – ouverte…

- L-la porte… ! glapit-il E-elle n’était pas verrouillée !? Vous aviez pourtant tenté de l’ouvrir !!!

Totalement redressé à présent, il posa un regard entre courroux et mépris sur la jeune femme tandis que le morgg – assommé – mugissait faiblement sans pouvoir se relever. A côté, le dragon avait reprit sa position initiale, immobile, et tous les objets qu’ils avaient utilisés s’envolèrent dans la pièce, tourbillonnant, se réparant pour certains – dont le chat réduit en charpie – avant de reprendre leur place initiale… Seul le morgg resta inerte là où il était tombé, un objet que Valérian n’avait jusque-là pas vu dans les mains de l’apothicaire ainsi que le télé faune lui aussi toujours en possession de Lucie et qui refit son satané bruit…

La potion de sommeil

Valérian n’avait pas prêté attention à l’étrange musique qui s’élevait dans la pièce – pourtant il en aurait eu des choses à dire et surtout à questionner alors qu’il n’en avait jamais entendu de pareille... Il était trop obnubilé par la colère sourde qui montait en lui à l’égard de Lucie qui quant à elle affichait une expression surprise.

Putain, mais t’es qui toi ? avait-elle lâché, avant de passer devant lui l’étrange objet qu’elle avait toujours à la main

Protégeant son visage de ses mains par réflexe, le jeune prince fut tenté de courir pour reprendre l’épée – retournée dans son rocher – alors qu’à présent que le morgg était à terre, son ennemi se révélait – potentiellement – être la jeune femme avec laquelle ils s’étaient pourtant entraidés pour sortir de ce cauchemar…

Mais il n’en fit rien car l’objet n’était en rien une arme et Lucie n’avait aucune position d’attaque. Baissant alors les bras, il cilla, perplexe, d’autant que la jeune femme ne disait plus rien.

Elle regarda le télé faune – qui n’avait rien d’un faune pensa d’ailleurs le prince, bien qu’il ne sache pas ce que pouvait être l’adjectif « télé » –  puis il sursauta alors qu’une voix s’élevait de derrière la porte.

- Bonjour monsieur Valérian, il est 7h, votre petit-déjeuner est sur votre table.

C’était la voix de sa femme de chambre qui venait le réveiller comme chaque matin.

Incrédule, il voulu pousser la porte mais Lucie le devança, elle aussi avait-elle entendu… ?

- Attendez, maître Stithe !

Mais la jeune femme disparue soudainement, enveloppée par les ténèbres derrière la porte qu’elle avait franchit sans l’ombre d’une hésitation – tout du moins du point de vue de Valérian.

Cillant de nouveau, il resta coi un bon moment, perplexe de se retrouver seul, effaré par ce qu’il venait de vivre et tiraillé par l’envie d’attendre qu’elle revienne… Il avait tellement de questions à lui poser… ! Le monde d’où elle venait n’appartenait en rien au sien et il aurait tant aimé qu’elle lui dise au moins où la retrouver… Mais un grognement rauque le fit sursauter et, tandis que le morgg reprenait ses esprit, le jeune prince sauta à son tour dans les ténèbres mettant ainsi fin à son rêve, se réveillant dans ses draps de soie – trempés de sueur – par cette belle matinée de fin d’été du 5 follune 1100…

Et il ne savait pas encore ce qu’elle allait lui réserver…