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 [8 Kallune 1082] A ceux qui ne craignent pas d'ignorer

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Je suis : Daud Emerat,
historien et chercheur, itinérant

Daud Emerat

Crédits avatar :
Faramir, par Magali Villeneuve

État d'Advictâme :
État éveillé

Informations sur le personnage :
Historien itinérant, mène des recherches sur les Temps Oubliés. Appel aux sources fiables et aux témoignages, non sérieux s'abstenir !

- Présentation
- Fiche d'avancement

Inventaire de dés :
➔Dés d'éveillé : 4 [10 max]
➔Passage à la Transcendance : 5 [6 max]
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Reserve de point(s) :
478


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MessageSujet: [8 Kallune 1082] A ceux qui ne craignent pas d'ignorer   [8 Kallune 1082] A ceux qui ne craignent pas d'ignorer EmptyVen 29 Juin - 21:26

Le 8 Kallune 1082 dans le Duché du Marvier aux abords de l'Arche de passage
RP solo et Flashback


Le courte vie du jeune Daud avait été suffisamment remplie de découvertes et de lectures pour qu'il n'ait guère le temps de penser au moment où il devrait obtenir sa pierre de vie. Mais le temps était venu de mener son pèlerinage et sa curiosité, toute enfantine qu'elle soit, n'avait eu alors plus qu'un seul objet : les mystères de l'Arche, et le monde caché auquel elle permettait d'accéder.
C'est accompagné de sa mère et de son mentor que le garçon commença ce voyage. Alfons Belaldur avait tenu à les accompagner, insistant pour être présent lors de ce moment si important dans la vie de son jeune élève. Madame Emerat n'avait eu d'autre choix que d'accepter : après tout Belaldur veillait sur son fils, et tous deux entretenaient une relation que l'on aurait pu qualifier de fusionnelle. Daud n'aurait pu rêver meilleur professeur, et il s'était réjoui à l'idée que son mentor soit de la partie. Les deux adultes avaient commencé à planifier ce périple plusieurs mois en amont pour s'assurer qu'ils seraient bien aux portes de l'Arche la veille de l'anniversaire du garçon, qui jugeait les adultes bien ridicules de faire toute une montagne d'un si événement si insignifiant. Comme il se trompait ! Mais les jours lointains sont peu de chose pour un adolescent, aussi prévoyant soit-il.
Daud n'avait jamais été un enfant tête en l'air, au contraire : considéré comme particulièrement éveillé pour son âge, sa maturité surprenait les adultes qui le rencontraient pour la première fois. Aussi, lorsque quelques camarades plus âgés de l'Académie lui avaient raconté les jours qui avaient précédé leur passage sous l'Arche, Daud s'était contenté de lever un sourcil peu convaincu. Il doutait fortement que quoi que ce soit puisse lui faire perdre la tête au point d'en oublier de se nourrir ou d'aller aux toilettes – ce détail en particulier l'effrayait un peu, mais il soupçonnait ses pairs d'avoir un peu exagéré ce point. Sur cela aussi, il se trompait.
Quand Belaldur revint d'un déplacement professionnel après deux jours d'absence, il retrouva son élève au teint blaffard et amaigri. Difficile de dire lequel des deux fut le plus surpris !

« Je crois qu'il est temps de rentrer chez tes parents, mon garçon », avait fait le sage en caressant sa barbe grise, l'air embarrassé. « C'est tout de même pas croyable que personne n'ait pensé à te faire manger ! »

Daud, qui n'avait même pas réalisé son jeun, n'osa pas lui dire qu'il avait pris l'habitude de manger chichement lors des repas communs à l'Académie. Il subtilisait quelques denrées qu'il mangeait seul, ou avec un bon livre pour unique compagnie. Le garçon jugea plus raisonnable d'attendre un autre moment pour annoncer cela à son mentor : ce dernier n'apprécierait probablement pas autant que lui la mauvaise habitude développée en son absence.
Ils quittèrent donc l'Académie pour rejoindre le domicile de la famille Emerat, à Forpuy. La mère de Daud passa par toutes les émotions en ouvrant la porte aux visiteurs. La joie de revoir son fils, tout d'abord, très vite remplacée par la colère en le découvrant si pâle. De base, Daud n'avait rien d'un athlète, il était même plutôt chétif. Mais son jeun forcé l'avait amaigri et lui donnait l'air malade qui n'échappa pas à sa mère. S'ensuivit un échange houleux entre madame Emerat et Belaldur, auquel le garçon n'assista pas. Mais quand son professeur vint le retrouver dans le salon, ses oreilles étaient étonnamment rouges, et il ne semblait pas en mener très large.
Le départ pour l'Arche n'étant prévu que pour le surlendemain, il fallut veiller sur l'adolescent entre temps. Sa mère ne le quittait plus des yeux, laissant son mari se charger de l'épicerie et des clients. En plus d'oublier de manger, Daud ne dormait plus : il passait la nuit éveillé, trop occupé à arpenter sa chambre de long en large.

« Arrête un peu de faire les cents pas, gamin, tu vas faire un trou dans le plancher ! »
s'écria Belaldur en le surprenant à une heure indue.

Mais rien à faire : Daud ne pouvait tout simplement pas s'en empêcher. C'était plus fort que lui. Il ne parvenait pas à l'expliquer, et cela le perturbait beaucoup quand il y réfléchissait une minute, mais les adultes ne semblaient pas trouver cela si bizarre. Cela le rassurait un peu, même si sa mère s'aperçut vite de son trouble :

« Ton père a passé cinq jours assis sur une chaise à fixer l'horizon sans bouger ni parler. Personne n'a l'air très futé quand ça arrive c'est sûr, mais on ne peut rien faire sauf attendre que ça passe. »

Le garçon s'efforçait de se réconforter comme il le pouvait : au moins, il ne mouillait pas son pantalon.

Ils ne mirent que quelques jours pour rejoindre la forêt où se trouvait l'Arche. En chemin, leur petit groupe croisa une poignée de voyageurs, dont quelques adolescents du même âge que Daud. Ceux-ci revenaient probablement de leur pèlerinage. Le garçon tenta de lire quelques informations sur leurs visages – même s'il n'avait jamais été très bon à ce jeu là – mais tous étaient encore plongés dans leurs pensées. Le souvenir des visions s'étant offertes à eux sous l'Arche devait encore être très fort. Daud se demanda s'il serait dans le même état léthargique, une fois qu'il reprendrait la route lui aussi. Il espérait que non, estimant avoir eu son lot de situations gênantes pour un moment.
Madame Emerat étant une fine organisatrice, ils atteignirent la forêt le jour où ils l'avaient prévu, soit la veille de l'anniversaire du garçon. Belaldur suggéra de dresser leur campement non loin de l'Arche, afin qu'ils n'aient pas à marcher trop longtemps le lendemain matin. Cela ne tomba pas dans l'oreille d'un sourd : sous prétexte d'aller chercher du bois, Daud en profita pour partir en reconnaissance des lieux. Sa curiosité restait sans limite, et il avait assez vadrouillé avec Belaldur pour savoir que l'installation d'un campement n'était de loin pas la tache la plus passionnante d'un voyage.
Par le plus grand des hasards – du moins c'est ce qu'il avait décidé – ses pas le menèrent jusqu'à l'Arche. L'inexplicable attirance qu'il ressentait malgré lui pour ce lieu mystérieux se faisait toujours sentir.
Tout autour, le sol était tassé, preuve que de nombreux adolescents s'étaient relayés au fil des siècles pour l'approcher. Daud émergea des fougères et leva le nez pour observer plus attentivement la structure de pierres, recouverte de lierre et d'autres plantes grimpantes. Il fut un peu déçu par sa taille, l'ayant rêvée gigantesque, écrasante. Mais cette arche-ci ne différait guère de celles qui soutenaient les ponts enjambant la Draine. Elle n'avait rien de spécial. Belaldur et Maman étaient-ils bien sûrs d'être au bon endroit ? Peut-être qu'ils s'étaient trompés d'arche, après tout. Jugeant cela peu probable, Daud rejeta cette hypothèse aussi vite qu'elle lui était venue, et décida de se faire une raison. Peut-être que l'Arche lui paraissait banale aujourd'hui, mais qu'elle aurait l'air vraiment extraordinaire demain.
Il en était là dans ses réflexions quand une voix familière le tira de sa torpeur :

« Je me doutais bien que je te trouverais là !
– Belaldur !
s'écria Daud, paniqué à l'idée d'être grondé. Je… je voulais juste voir un peu à quoi ça ressemblait. »

Mais le visage de son mentor s'éclaira tandis qu'il souriait. Il semblait pensif, et triste, un peu. Nostalgique, songea Daud. Qu'est-ce qui pouvait à ce point lui manquer ?

« A ton âge, j'étais au moins aussi têtu et impétueux que toi. Quoi que tu voies demain, grave ces images dans ta mémoire. C'est l'un des plus beaux cadeaux que Naâme puisse te faire.
– Pourquoi ces visions sont-elles si importantes ? Et comment ça marche, d'abord ?
demanda Daud sans pouvoir s'en empêcher. Est-ce que l'autre monde existe vraiment ? Ou est-ce que tout se passe… dans notre tête ? D'où sort la pierre de vie ? Est-ce qu'elle apparaît juste comme par magie ? Est-ce qu'elle se génère à partir… du vide ? Parce que si oui, ça n'a aucun sens.
– Toujours aussi curieux, pas vrai ? Je n'ai pas de réponse à t'apporter. Personne n'a percé ce mystère à jour »
, fit l'historien en lissant sa barbe, l'air songeur. « Enfin, pas encore. Mais certaines questions ne peuvent trouver de réponse qu'en cherchant en soi-même. Réserve tes interrogations pour l'instant, petit, attends de voir ça par tes propres yeux demain. Si tes doutes persistent, je te promets de les combler du mieux que je le peux. »

Cela semblait un marché équitable, aussi Daud n'insista-t-il pas.

« On devrait rentrer maintenant, ta mère va se demander pourquoi deux grands gaillards comme nous tardent autant à ramasser quelques brindilles. »

Daud éprouva toutes les peines du monde à s'endormir cette nuit-là. La proximité de l'Arche renforçait son attirance envers celle-ci. Il la sentait dans tous les os de son corps, dans le moindre de ses battements de coeur. Une excitation inexplicable l'empêchait de trouver la sérénité propice à l'endormissement, le contraignant à veiller jusqu'à très tard après que les adultes se soient assoupis. Le garçon, lui, resta assis face au feu de camp, les genoux remontés sous le menton, des questions et des rêves plein la tête.
Il dut toutefois finir par céder à l'appel du sommeil, car la voix cajolante de sa mère le réveilla à l'aube.

« Bon anniversaire, petit Daud », fit-elle en le serrant dans ses bras. « Il est temps. »

En d'autre occasion, Daud se serait levé avec la certitude de passer une excellente journée, car les anniversaires sont faits pour être joyeux. Mais l'excitation de la veille avait laissé place à une inquiétude poignante. Des tas de questions se bousculaient dans sa tête, et la plupart d'entre-elles n'avait aucun sens. Même les paroles sages et réconfortantes ne parvenaient à l'apaiser.
Rejoindre la clairière où se trouvait l'Arche lui demanda un effort considérable, en même temps qu'il n'attendait que cela. C'était comme si on lui donnait enfin la permission de réaliser ce qu'il avait attendu de faire toute sa vie. Terrifiant à l'idée de tout gâcher, mais aussi un véritable soulagement.
Comme prévu, l'Arche lui parut bien plus intimidante que la veille. Les premiers rayons du matin perçaient à travers la frondaison des arbres, allongeant les ombres, rendant les couleurs plus vives. Tout en sachant très bien que sa perception lui jouait des tours, Daud trouva l'Arche grandie, et plus austère aussi. Il déglutit péniblement alors que Belaldur le poussait gentiment pour le faire avancer.

« Qu'est-ce que je dois faire, maintenant ? demanda le garçon d'un air inquiet, fixant l'Arche sans pouvoir la quitter des yeux.
– Passer dessous », répondit l'historien sur le ton de l'évidence. « Aussi simple que ça.
– Ca n'a aucun sens ! Si je passe dessous, je vais juste arriver de l'autre côté.

– Passe juste dessous, mon chou », intervint sa mère. Elle ajouta avant qu'il puisse rétorquer quoi que ce soit : « Nous ne bougeons pas d'ici, tu nous retrouveras dès ton retour. »

Cela le rassura un peu. Prenant son courage à deux mains, le garçon fit un premier pas vers l'Arche. Comme cela ne lui avait pas fait mal, il décida de recommencer, encore et encore, jusqu'à ce que le bout de sa bottine heurte le bas du vieil escalier que surmontait la structure de pierre. Il se retourna pour chercher l'approbation de ses proches, qui l'encouragèrent en souriant. Sa mère semblait un peu tendue, mais cela devait venir de son imagination. Daud ignora son coeur qui battait la chamade et grimpa les marches. Là, il leva les yeux et se sentit minuscule au pied de l'Arche qui le surplombait. Comme il s'y était attendu, il n'y avait rien de l'autre côté : rien hormis la forêt, les arbres. Les mêmes que ceux qui se trouvaient derrière lui. Daud était désormais convaincu que Belaldur et sa mère avaient oublié une étape, comme réciter une prière pour Naâme, ou ce genre de chose. Mais pour ne pas les vexer, il fit le dernier pas qui le séparait de l'Arche.
Tout à coup, l'obscurité. Brutale, terrifiante, comme si quelqu'un avait soudainement soufflé l'unique bougie d'une pièce plongée dans le noir. Les rayons du soleil avaient disparu, de même que le feuillage des arbres,  l'Arche et l'estrade. Ainsi que sa mère et Belaldur. Il n'y avait plus un bruit. Plus rien. Non, songea Daud en s'efforçant de réfréner la panique qui grandissait dans sa poitrine. Il n'y a rien que je voie, ou que je puisse voir. Mais il ne peut pas n'y avoir rien du tout. Et puis, si j'ai conscience qu'il n'y a apparemment rien, c'est que moi, au moins, je suis là.
L'idée d'être seul au milieu de ce « semblant de rien » n'était pas très rassurante. Ne sachant trop que faire, Daud hésitait à essayer d'avancer, mais redoutait de ne sentir aucun sol sous ses pieds. Si au moins il avait encore des pieds à poser quelque part, ce dont il n'était même pas sûr. Si ses pensées semblaient plus réelles et vivaces, son corps, lui, paraissait étrangement lointain. Exactement comme quand il avait eu de la fièvre après avoir attrapé froid, l'hiver dernier.
Il hésitait encore, lorsqu'un crépitement le fit sursauter. Il y avait donc bien quelque chose, dans ce vide infini ! Le crépitement s'accompagna d'une lueur faible, à ses pieds – enfin, là où auraient du se trouver ses pieds. Daud s'accroupit pour chercher cette lumière, mais elle avait disparu. D'autres crépitements et d'autres lueurs fusèrent ça et là, trop fugitives pour éclairer assez les lieux. Il fallut attendre une poignée de secondes pour que le garçon puisse distinguer une espèce de brume opaque tout autour de lui. Les crépitements venaient de minuscules gouttes de pluie qui tombaient et s'écrasaient au sol en libérant une myriade d'étincelles. Mais cette pluie ne mouillait pas, de même que ces étincelles ne brûlaient pas le moins du monde. Fasciné, Daud tendit les mains – qu'ils voyait maintenant très bien – et remarqua que les gouttes d'eau – mais était-ce bien de l'eau ? – ne trempaient pas ses vêtements ou sa peau. Si ce n'était pas de l'eau, cela y ressemblait beaucoup. La lumière des gouttes éclatant se réverbéraient dans la brume, formant comme un cocon chaud et duveteux parcouru de milliers de constellations étoilées. C'était sans doute le phénomène le plus joli que Daud ait pu voir jusqu'à présent. Il aurait beaucoup aimé pouvoir mettre un nom sur quelque chose d'aussi magnifique.
Une goutte d'or tomba sur son front, et le garçon fronça le nez en grimaçant, aveuglé par la lumière étincelante. Quand il rouvrit les yeux, quelqu'un se tenait devant lui. Assez loin pour qu'il ne puisse pas clairement voir son visage, assez proche pour distinguer sa silhouette à travers l'épais brouillard.

« Bonjour, Daud. A ceux qui ne craignent pas d'ignorer, la connaissance sied toujours. Accepte ce voeu de sagesse.
– Je vous demande pardon ? fit le garçon, plus étonné qu'inquiet.
– Si l'échec barre ta route, redouble d'effort. La difficulté n'est jamais un obstacle : elle est la clé pour atteindre l'excellence. »


Le fantôme avait à peine fini de prononcer ces mots surprenants qu'il disparut aussitôt, laissant Daud un peu perdu. Cette silhouette dans la brume n'avait pas l'air menaçante, mais il n'était pas certain de bien comprendre à quoi tout cela rimait. Il manquait quelque chose, c'était obligé !

Ces figures inconnues se succédèrent pendant un temps qui lui parut infini. Dès que l'un de ces curieux visiteurs disparaissait dans la brume, un autre prenait sa place. Tous le saluaient de la même manière : « Bonjour Daud. A ceux qui ne craignent pas d'ignorer, la connaissance sied toujours. Accepte ce voeu de sagesse. » Ces gens semblaient le connaître, mais lui-même n'avait aucune idée de leurs identités. Si seulement il avait pu mieux voir leur visage !... Toutefois, passé un certain temps, Daud fut intrigué par quelques détails. Il était presque absolument convaincu d'avoir déjà entendu certaines des phrases prononcées par ces étranges silhouettes. Entendu, ou... lu ?

« Vous êtes l'auteur des Méditations Ontologiques », fit Daud après que l'un des inconnus ait parlé un moment. « Vous êtes Phineas Arnam ! »

La silhouette de l'écrivain resta muette, avant de disparaître dans la brume. Le schéma fut le même pour l'auteur suivant, et ainsi de suite : ayant compris de quoi il retournait, Daud était à l'affût du moindre indice. Il n'eut aucun mal à identifier les voix suivantes. Chacune d'elle appartenait à un auteur dont il avait lu le travail à l'Académie. Et tous lui délivraient l'un de ces « voeux de sagesse ». Certains relevaient du bon sens (« Un bon explorateur a toujours une carte ou une boussole dans sa besace »), d'autres étaient franchement farfelus (« Veille à plier tes vêtement pour ne pas qu'ils se froissent »). Mais une poignée d'entre eux résonnaient d'une manière étrange dans sa tête. C'était sans doute de ceux-ci qu'il était censé se rappeler une fois sorti de l'Arche, aussi le garçon veillait-il à se rappeler de chacun des mots.
C'était plaisant et intimidant à la fois de faire la rencontre – même très brève – de ces auteurs, de ces héros et chercheurs des temps passés. Tous s'adressaient à lui avec philosophie, et tous avaient donné leur temps – parfois leur vie pour les plus malchanceux – pour écrire. Les livres que les élèves insouciants et parfois négligents parcouraient à l'Académie en soupirant étaient le résultat de leur travail. Au-delà de sa fascination, Daud ressentait un grand respect pour ces personnes.
Combien de temps dura cet étrange balais ? Nul ne saurait le dire. Daud avait le sentiment que le temps s'était figé. Les rythmes des battements de son coeur étaient réguliers, lents, comme s'il venait de s'assoupir. L'inquiétude et le soucis de bien faire qui l'assaillaient auparavant avaient laissé place à un calme paisible et sans nuage. Il n'avait jamais été aussi conscient de lui-même, et du monde qu'en cet instant, tout en sachant que ces visions n'étaient probablement que le fruit de son imagination. La partie incrédule et rationnelle de son esprit se refusait à croire, ou admettre, que ces auteurs morts il y a des siècles pouvaient réellement s'adresser à lui.
Daud n'osait plus parler. Écouter et accueillir les paroles des Sages lui prenait toute sa concentration.
L'un des Sages l'intrigua particulièrement. Daud le reconnut comme étant Circée Organa, érudite et historienne de renom. Elle lui parla de l'humanité, du devenir des Hommes Elle décrivit un avenir radieux, placé sous le signe du progrès, autant technique que social. Mais cette promesse était menacée par la peur et le doute.

« Le progrès de l'humanité ne pourra se faire paisiblement que si les Hommes savent d'où ils viennent. La tâche qui incombe aux maîtres d'histoire est d'enseigner à leurs pairs les erreurs de ceux qui les ont précédés sur cette vieille terre. »

Après que Circée ait disparu, la brume tournoya un instant tout autour du garçon, faisant scintiller la pluie. Quand elle s'immobilisa, une autre silhouette était apparue, plus proche et palpable que jamais. Vêtu d'une cape de voyageur rapiécée, l'homme devait avoir passé beaucoup de temps sur les routes. Le visage de l'inconnu, bien visible, lui semblait étrangement familier. Une épaisse barbe brune mangeait sa mâchoire aux traits malgré tout reconnaissables. La même curiosité, la même passion brillait dans ses yeux. La même soif de savoir, inextinguible, qui lui avait permis d'entrer à l'Académie et d'apprendre aux côtés de Belaldur.

« Eh bien, et moi ? Tu ne me reconnais pas ? fit l'homme d'une voix grave.
– Tu es moi. »

Daud – le Daud adulte – pencha la tête pour toute réponse. Le garçon, lui, restait immobile face à son double, fasciné.

« Et cette pluie ?
– C'est le savoir »
, répondit le jeune Daud aussitôt.

Il ne savait comment l'expliquer, mais il avait suffi qu'on lui pose la question pour que la réponse lui vienne immédiatement. L'avait-il deviné à l'instant, ou l'avait-il toujours su ? Le garçon balaya la brume du regard, observant la connaissance tomber en pluie tout autour d'eux. Ou de lui ? Cet adulte n'était que lui-même, mais bien plus âgé, après tout. Étaient-ils une même personne ? Il n'était pas très sûr de la sémantique à employer.
Son double lui tendit quelque chose, le tirant de sa contemplation, et le garçon s'en saisit instinctivement. Leurs regards se croisèrent. Le Daud adulte lui sourit, et prononça quelques mots qui résonnèrent dans sa tête. Comme s'il l'avait pensé lui-même.

Souviens-toi, Daud.

Une lumière aveuglante perça soudainement la brume, obligeant le garçon à protéger ses yeux de son bras. Quand il cligna des paupières, les yeux larmoyants, il vit que la pluie avait cessé et que le brouillard s'était dissipé, révélant la forêt. L'avait-il jamais quitté ? L'Arche était de retour, elle aussi. La géante silencieuse avait-elle été témoin de ce qui s'était déroulé en son sein ?
Quelqu'un le serra soudainement dans ses bras, et Daud reconnut l'odeur de sa mère. Une main amicale lui donna l'accolade – Belaldur, sans doute. Les adultes se réjouissaient de le retrouver, mais le jeune garçon était encore trop sonné pour partager leur gaieté.
Une chaleur étrange attira son attention. Quand il baissa les yeux et ouvrit la main, il découvrit sa pierre de vie, rouge, palpitante comme le sang dans ses veines, diffusant une tiédeur agréable entre ses doigts. Daud se rappela comment elle était arrivée là, et il enfila le pendentif autour de son cou avec naturel. Ce n'était sans doute que le fruit de son imagination, mais il croyait sentir la pierre battre contre sa peau au même rythme que son coeur. De toute façon, il n'était plus vraiment très sûr de pouvoir encore déterminer ce qui était réel, et ce qui ne l'était pas. L'écho des paroles que son double avait prononcé dans la brume restait très fort sous son crâne.

«  SOUVIENS TOI, DAUD. »



Sa soif de savoir n'en était plus vive encore.


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