Le 3 Allune 1100 à Mornepierre (bord de la chaîne des Alles), place du village
L'on n'avait jamais vu un informateur aussi performant que Xenos Stelar. Une lettre marquée du tampon de l'Académie, et l'homme se mettait à la recherche du moindre renseignement pouvant se révéler utile dans une enquête historique sur les Temps Oubliés. Sans compter les quelques pièces qui avaient délaissé la bourse de Daud, mais cela relevait du détail... Le chercheur était particulièrement enthousiaste, car le nom que lui avait confié Stelar semblait fiable. Davantage que les précédents en tout cas – de vulgaires charlatans prétendant connaître l'impossible. L'un d'eux avait même créé une preuve de toute pièce en espérant tromper sa vigilance ! Par chance, Daud était assez méticuleux pour reconnaître une supercherie aussi grossière. Pour qui le prenaient-ils ? Un débutant ? L'enjeu était assez important pour faire preuve de prudence, même excessive.
Aussi, lorsque Stelar lui avait parlé de ce conteur, exerçant, dans un village au sud du Gravorn, Daud s'était efforcé de cacher sa joie.
« C'est un homme très fiable ! avait protesté Stelar.
Vous ne trouverez pas d'histoire plus vraie que la sienne ! Ses contes tout ce qu'il y a de plus convenable !– Je crois que vous n'avez pas tout compris à la méthodologie des sciences humaines, monsieur Stelar… » avait fait Daud d'un air peu convaincu.
– C'est vrai, j'ignorais que les historiens étaient à ce point désespérés qu'ils affichaient des petites annonces dans les boulangeries pour recueillir des sources. »Comme Stelar n'avait pas tout à fait tort, Daud s'était contenté de grommeler avant de le payer. Puis il s'était mis en route pour Mornepierre, la bourgade où cet homme si respectable racontait ses vieilles légendes.
C'avait été un voyage sans histoire – celles-ci attendaient sans doute de rencontrer le conteur pour se montrer. Il lui fallut un peu plus de six jours pour arriver à destination. Ce fut un périple fort solitaire : en-dehors de sa monture, Daud n'avait guère de compagnie avec qui parler. Et Filip, le brave cheval qu'on lui avait loué à Albatra, n'était pas très bavard. La location d'une monture sur une si longue durée était onéreuse, et il n'aurait jamais pu se le permettre sans le soutien financier de l'Académie, qui couvrait ses frais de déplacement.
Tous deux, cavalier comme destrier, furent soulagés en apercevant les toitures du village après avoir gravi une dernière colline. Mais leur déception fut de taille : Mornepierre n'était pas un endroit très intéressant. Son nom lui allait comme un gant – baptême malheureux, ou surnom tardif des plus appropriés ? La question resta en suspens tandis qu'ils traversaient le bourg à la recherche d'une auberge où passer la nuit.
Avant de le quitter, Stelar avait précisé que le conteur apparaissait souvent les jours de marché pour partager ses histoires avec un plus large public. Par chance, Daud n'eut à patienter qu'un jour de plus dans cette ville si ennuyante, ce qui lui parut quand même une éternité. Le jeune homme se leva à l'aube et arpenta la place où se tenait le marché, scrutant le visage du moindre passant, espérant y reconnaître la description que lui avait faite Stelar : « un homme de grande taille, à la peau brune, aux yeux verts, portant souvent quelques livres de contes sous son bras ». Pour l'heure, aucun conteur en vue. Daud guettait également un quelconque attroupement, se disant qu'en raison de la renommée du narrateur, son public l'attendrait certainement de pied ferme.
Il tourna en rond une heure, deux heures… jusqu'à connaître la disposition des étals par coeur. Soit il était en avance – ou le conteur en retard, soit ce dernier ne ferait pas son apparition aujourd'hui. Daud alla jusqu'à interroger les marchands, qui hélas ne lui apprirent pas grand chose : le conteur se nommait Al, juste Al, et possédait un sourire qui ravissait le coeur des dames en un claquement de doigt. Daud n'avait pas spécialement besoin de ce genre de détail, et il interrompit vite sa petite enquête. Alors que midi approchait, l'historien allait rentrer à l'auberge, résigné à l'idée de ne pas croiser son conteur aujourd'hui.
Il tourna les talons subitement et se retrouva nez à nez avec un inconnu, à deux doigts de lui rentrer dedans. Celui-ci n'avait malheureusement ni la peau brune ni un sourire ravageur, mais quelque chose dans son visage lui semblait familier. Daud fondit aussitôt en excuses :
« Oh ! Je vous demande pardon monsieur ! Je suis d'une rare maladresse. »Il s'apprêtait à le saluer et passer son chemin, mais un détail retint son attention. Un certain regard assombri par des cernes, dans lequel brillait toutefois une vive intelligence. Fronçant les sourcils, Daud ajouta :
« Excusez-moi… on ne se serait pas déjà vus quelque part ? Parce que j'aurais juré que... »Tout lui revint tout à coup. Rare exploit, car Daud n'avait pas pour habitude de se rappeler les visages. Encore moins quand ceux-ci n'étaient pas ceux des proches. Mais ce regard à la fois maladif et passionné ne pouvait le tromper, et maintenant qu'il y faisait attention, le nez de l'inconnu était identique, de même que l'implantation de ses cheveux – bien que leur couleur ait changé. Daud se remémora la conversation qu'il avait eu dans son bureau à l'Académie avec l'adolescent – maintenant un jeune homme ! Un garçon beaucoup trop passionné, qu'il avait tenté de mettre en garde contre ses propres jugements trop hâtifs, et peu scientifiques. Il avait son nom sur le bout de la langue. Quelque chose avec un chien… non, un rapport avec la forêt… un loup ?
« Ca risque de paraître un peu fou, mais… vous n'étiez pas l'apprenti de Madame Clair ? L'érudite ? Rehan… Rehan Renard ! Ca pour une surprise ! » s'exclama-t-il, satisfait d'avoir retrouvé le fil de ses souvenirs.
Information lancers de dés : | | Information hors-RP : |
Rien à signaler sur mes lancers de dés
| | Je le précise ici, mais Daud ignore tout des conditions du renvoi de Rehan. Il ne sait même pas qu'il a quitté l'Académie à vrai dire, la nouvelle ne lui est parvenue (ou il n'y a pas fait attention) ! |