[28 Dollune 1100] Les catins, c'est trop bien !

Les catins, c'est trop bien ! Information hors-RP :
Alà, j'espère que ça t'ira o/ (dis-moi si You est trop occupée pour se balader comme j'ai dit qu'elle le faisait, j'aime pas Pnjiser les autres ^^')
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Il y a des endroits qu'on veut fermer à ceux que l'on ne considère pas comme bienvenus. Le nombre de portes verrouillées dépend de l'ampleur de la haine qu'on vous voue. Tuez un brigand, les gens de "vertu" vous ouvriront. Tuez un innocent, ce sont les brigands qui vous ouvriront. Massacrez une arène et vous ne pourrez plus bouger. En tout cas, c'est ce qu'on espère vous faire avaler, histoire de vous faire vous sentir en sécurité. La vérité, c'est qu'avec un peu de contacts et beaucoup de réputation, on acquiert les clés de toutes les serrures.

Le monde commun détestait Skadi, mais la décoration de la Grande Prêtresse lui offrait les clés de chaque Masque qui se respecte. Pratique, cette babiole. Dans le sanctuaire de Borderoc, terré sous le sol, un accès pouvait se faire depuis l'extérieur en tordant la bonne grille d'égout. Mais pour rentrer dans la ville, c'était plus compliqué. L'aide d'un local s'avéra très utile pour traverser les murs sans emprunter les grandes portes, même si l'odeur des canalisations était à peine supportable ... et dire que la rouquine se croyait de repos après ses efforts. Pfeh ...

Maintenant, elle avait le respect d'une majorité du culte, elle n'avait plus besoin de faire ses preuves. Elle en avait fini avec la maâliste irréprochable, il était temps qu'elle redevienne humaine, l'espace de quelques temps. Juste le temps de se faire arrêter, sans doute, mais il fallait qu'elle réfléchisse à la suite des événements. Ni la Reine, ni la Grande Prêtresse ne devaient vivre, mais laquelle tuer en première ? Il lui fallait une nouvelle lance, aussi, oh, peut-être qu'un peu d'armure serait bien, aussi. Un couteau entre les côtes, c'est pas quelque chose qu'on veut revivre.

... "Maison close".

Un panneau dans la rue, tombant d'une façade fit geler les talons et les pensées de Skadi. Est-ce qu'elle avait vraiment le temps pour ça ? Il faisait nuit, il n'y avait personne dans les rues et aucune autre lumière dans l'allée ne brillait, hormis celle du bâtiment ainsi mentionné. Huh ... après tout, pourquoi pas ?

Elle se permit d'entrer sans frapper, dans ce genre de lieu de bassesses, elle pensait bien qu'on la pardonnerait pour cet écart. Non pas qu'elle se soucie qu'on la pardonne de quoi que ce soit, en fait. Ce qui sautait aux yeux, et Kamaâl soit loué, pas littéralement, c'était que tout le monde était assez focalisé sur autre chose pour lui laisser un peu de temps avant que quelqu'un ne la reconnaisse. Quant à la personne qui s'occuperait d'elle, il fallait mieux espérer qu'elle ne mette pas énormément le nez dehors. Ce n'était pas une soirée pour faire couler du sang, Skadi n'avait pas la tête à ce genre de choses.

Personne ne regardait dans sa direction, tout le monde était trop occupé à ... des choses. La dévote, elle, jetait des oeillades partout, sauf là où l'on regarderait normalement. Remarquant la chaleur, cette fois littérale, de l'endroit, Skadi se permit d'ôter son manteau en faveur des vêtements on ne peut plus classiques qu'elle portait en-dessous. Au bout d'un moment, elle héla la première employée venue, une fille aux cheveux noirs qui semblait faire ses aises, ici.

- Hé, toi. Vous servez à boire ou toutes vos mains ont trouvé quelqu'un à lustrer ?

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Pft ... cette mimique de la jeune femme était celle d'une idiote coincée, peu importe la réputation qu'on attribue aux catins, à l'instant même et face à une réponse qui paraissait presque mécanique, Skadi baissa un sourcil, levant l'autre, se permettant de juger sans aucun égard la personne en face d'elle. Incroyable qu'une prostituée puisse lui rappeler les bibliothécaires d'Albatra, quoique l'un était tout de même plus austère que l'autre. Mais bon, un impie reste un impie et la rouquine ne pouvait pas se permettre d'apporter sa lance, alors elle allait devoir prendre sur elle-même pour ne pas étrangler qui que ce soit.

Bon, la dévote avait des courbatures, une plaie fraîchement pansée et un peu trop d'avis de recherche. Qu'est-ce qu'elle foutait là, au juste ? Remarque, si elle-même se posait la question peut-être que personne ne penserait qu'elle aurait osé venir en pleine ville. Surtout dans un bordel, au final, c'était certainement le refuge idéal. Enfin, pourvu qu'elle puisse se mettre du bon côté des gérants. Et merde, elle ne se sentait vraiment pas d'humeur aimable, c'était vraiment pas l'idéal pour mentir. Si seulement elle était aussi douée qu'avant pour enjôler la plèbe, elle s'en serait tirée. Elle avait échangé de la compétence à l'arme contre ses capacités de manipulation, mais bon, elle pouvait toujours essayer de se rattraper.

- ... quelque chose d'assez fort pour me rendre amnésique. Et la compagnie qui va avec.

Elle leva les yeux vers la proxénète présumée, lui offrant un regard neutre, libre d'interprétation, mais visiblement fatigués. Comment ne pas l'être ? Elle avait croupi pendant elle ne savait combien de temps sous la terre, marché dans les égouts, évidemment qu'elle était épuisée. Skadi reprit immédiatement.

- Et cette compagnie, ce sera toi. Qu'en dis-tu ?

La rouquine n'avait aucune idée des coutumes qui englobent les maisons closes, mais elle savait parfaitement que l'homosexualité était un sujet ardent dans la majorité des Trois-Lieues. Quitte à apprendre la vie, autant la faire frapper sans se retenir. Alors, la dévote avait choisi de laisser le raisonnement de la personne en face d'elle se dérouler librement. Skadi connaissait sa place en matière d'amour, mais jamais elle ne s'était intéressée à celle des autres.

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Oh, quel accueil charmant, en tout cas. Non contente d'en plus se sentir jugée, la dévote semblait avoir touché un point sensible. Mais qu'est-ce qu'elle foutait, exactement ? Même maintenant, elle se demandait pourquoi elle avait posé les pieds dans cet établissement ... ah oui, la chaleur et le style. Elle n'avait pas envie de ... ce genre de choses alors pourquoi est-ce qu'elle était seulement rentrée ? Un moment d'égarement, sans doute, la fatigue. Dire qu'elle se croyait claire avec elle-même en matière d'amour ...

Enfin, lorsque l'autre disgracieuse eut esquissé son mouvement de recul, la rouquine avait les lèvres au bord du verre. Levant les yeux jusqu'à ceux de sa "serveuse", elle but tout en la fixant, clignant deux-trois fois des paupières. Son visage était plutôt neutre ... ce qui la surprit elle-même, en son for intérieur. On lui avait souvent fait la remarque qu'elle avait toujours l'air en colère, elle-même s'était dessinée des rides au front à force de froncer des sourcils. Elle s'était peut-être sentie plus ... volage, ces derniers jours.

Elle sourit néanmoins avec un regard suffisant, presque blasé. Il y avait quelque chose qu'elle avait envie d'essayer ... un genre d'épreuve comme elle aimait les soumettre.

- Je te l'ai demandé à toi pour une raison, de toute évidence tu es une employée ici et ton devoir est de satisfaire la clientèle, n'est-ce pas ?

Détournant le visage avec dédain, Skadi se mit à se gratter le cou du bout des ongles, comme si elle se fichait éperdument de l'opinion de son interlocutrice. Remettant ses pupilles seules sur le visage de cette dernière, elle insista avec très peu de subtilité.

- Plus qu'un manque de temps, tu dois certainement haïr la compagnie des femmes ? Comme si elle n'avait pas rendu la chose évidente. Pourtant, je n'accepterais aucune autre personne que toi.

La rouquine ne pouvait pas croire ses propres paroles. Mais plus que quiconque, elle savait que pour pousser quelqu'un dans ses retranchements, il fallait soi-même se positionner au bord du gouffre. En bref, elle avait vraiment hâte de voir ce qu'il en était vraiment de ce "refus".

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C'était décevant, elle gardait son calme, au vu de son dégoût visible pour l'homosexualité, Skadi aurait pensé faire tiquer quelque chose qui aurait pu éventuellement lui servir une réaction intéressante, peut-être même un peu de violence. Bref, la rouquine était déçue, à force, elle sentait que tout ce qu'elle gagnerait c'était un "veuillez sortir, s'il vous plaît" et elle perdrait l'heure hypothétique de couvert de la nuit qu'elle avait prévu. Mais il faisait chaud, ici, et elle n'avait pas l'impression que sa pierre lui viendrait en aide à l'extérieur.

Alors, que faire ? Même si c'était une insolente petite chienne, c'était une insolente petite chienne avec du tempérament, et la dévote aurait été bien malhonnête de dire que ça ne lui plaisait pas, au sens platonique. Au final, une personne comme elle n'avait rien à faire dans ce genre d'endroit, mais une petite intuition vint lui faire plisser les paupières, comme essayant de lire au travers des yeux faussaires de la jeune femme. Tout n'était qu'aspect chez elle, il était compliqué de déchiffrer ce genre de personne. Alors, Skadi ne comptait s'embêter à trop creuser.

- Un caractère aussi tranchant ne saurait appartenir à une naâmiste.

L'estime de soi, l'ego, les arguments, le dédain, l'absence de honte, un peu plus de stature et de dignité et la rouquine aurait pu croire qu'elle regardait au travers d'un miroir. Un miroir très ingrat, oui, mais une réflexion ... approximativement correcte quoique trouble. Ce genre de personne ne pouvait qu'être en colère, d'être ainsi enchaînée, de ne pas s'appartenir.

- Dis-moi, quel effet ça te fait d'ainsi changer de propriétaire tous les soirs ? Ne hais-tu pas tous les porcs qui se présentent à ta porte pour s'adonner à leurs pires bassesses ?

Elle avait néanmoins bien dit qu'elle était une catin de luxe.

- Et même si toi ça ne t'affecte pas, tous les garçons et toutes les filles ici travaillent-ils vraiment par pur plaisir ?

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Oh, mais si, c'était le genre de sujet que l'on pouvait aborder avec tout le monde. Qu'importe à quel point c'était déplacé, tout le monde avait une position sur la religion, tout le monde avait son avis à soi. On dit que chaque personne a son propre ragoût, exactement tout comme chaque personne agrémentait ses pensées religieuses de quelques menus détails qui leur sont propres.

Skadi était plutôt satisfaite de son travail d'emmerdeuse, elle avait finalement réussi à lui faire péter les plombs à cette gourde bouchée. Franchement, quelle belle connerie que cette idée de devoir rester "professionnelle", les gens seraient bien plus tentés par une poupée humaine, plutôt qu'une simple poupée. Enfin, la rouquine imaginait que la fille de joie ne désirait pas exactement la tenter. Tant mieux, elle avait beau s'avérer être quelque peu amusante, la dévote ne la trouvait aucunement désirable. De toute manière, qui peut bien vouloir de ce que tout le monde peut avoir ?

Et "pires bassesses" ... laquelle des deux parlait sans rien savoir ? La rouquine se permit de bâiller, histoire d'accentuer un peu plus à quel point elle se foutait des propos. Non, c'était la réaction qui pour elle, avait du sens, pas les mots. Jusqu'à ce que ces derniers touchent droit au but, même s'ils ne parvinrent qu'à faire soulever les sourcils de Skadi, alors qu'elle délivra finalement un fin sourire à la mention de son éventuel avis de recherche.

- Oh, alors ils m'ont recrée avec plus de fidélité que je ne le pensais. Je trouve qu'ils ont élargi mon nez sur les affiches et ça n'est jamais un compliment, ce genre d'erreurs.

Enfin, elle se fichait pas mal qu'on la reconnaisse, si elle devait se faire capturer, alors elle se ferait capturer. Kamaâl avait bien pris soin d'elle jusque là, il continuerait certainement à bien la guider. Elle continua à siroter son verre, comme s'abreuvant à la fontaine du non-remords.

- Je n'ai aucune envie des putains de cet établissement, je n'ai aucune envie de toi. Un verre ça me suffisait, mais maintenant que j'ai trouvé une petite perle de caractère, j'ai bien moins l'intention de partir.

Derrière cette façade, derrière ce professionnalisme, cette fille se protégeait, car c'est ce que tout le mode fait. En milieu de travail, c'est bien normal.

- Je ne connaissais rien à la prostitution en venant ici, mais maintenant j'ai une idée plus claire. Je ne juge pas ceux qui obéissent à leur propre esprit, mais parfois on appartient à quelque chose sans même s'en rendre compte.

Même après avoir terminé sa phrase, jamais elle ne s'était attribué ce propos pour elle-même.

- Mais maintenant, tu viens d'avouer à une criminelle recherchée que tu l'avais reconnue ... ce n'est pas très futé. L'avantage, pour nous deux, c'est que je ne suis pas venue ici pour causer des ennuis ou ... faire ce que les gens s'attendent à ce que je fasse. C'est à peine si je me cache, en vérité ...

Mais il faisait si chaud ici, c'était tellement mieux qu'au-dehors.

- Eclaire-moi donc, tu es venue ici en sachant sciemment que tu allais baiser, baiser et baiser à longueur de journée ?

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L'intimider ... en voilà un joli mot, bien qu'il ne s'accorde aucunement aux intentions de la rouquine. En fait, elle avait l'impression, sans trop s'en plaindre, d'être victime de sa réputation, que peut-on attendre de plus lorsque l'on est une criminelle recherchée, après tout ? Depuis son passage entre les portes de la mort, rampante dans la poussière, Skadi avait eu un temps généreux mis à sa disposition pour réfléchir au sens de sa vie. Et bien que Kamaâl demeure la figure de proue de son chemin, elle s'était accordée le droit d'avoir l'insolence de vivre pour elle.

En bref, si elle était entrée dans cet établissement, c'était surtout pour la chaleur, pas pour causer des ennuis. Chassez le naturel, il revient au galop, maintenant la rouquine avait envie de foutre la merde, pour fleurir le vocabulaire. Quoi ? Même si elle était venue avec les plus grandes intentions pacifiques, on la traitait tout de même comme une vipère prête à mordre. Alors, quelle différence si elle se mettait à siffler ? Elle se fichait pas mal de la présence de gardes, ils n'étaient même pas dans la même pièce et la rouquine avait toute confidence qu'elle pourrait faire taire cette insolente avant même que quiconque ne l'entende crier. Après tout, entendre une fille hurler, n'est-ce pas le quotidien de ce genre d'établissement ?

Alors, Skadi soupira

- C'est bien pour la chaleur que je suis là, mais celle des murs me suffit ... quoiqu'un peu de chauffage pourrait bien me satisfaire. C'est si facile de renverser une lanterne. Tu t'y connais en affaires ? J'ai déjà négocié avec un abruti propriétaire d'arène, je peux bien prendre le temps d'expliquer mes intérêts à une catin. Et par la même, lui exposer les siens.

De sa botte, elle tira un petit couteau élargi, le genre de lame qui se lance aussi facilement que l'on brise une nuque ... avec le temps de la pratique, ça devient extrêmement accessible. A force, c'était comme si Kamaâl lui-même guidait ses doigts. Elle avait eu du temps pour s'entraîner, beaucoup de temps, particulièrement depuis que son père l'avait jetée de chez lui. Mais même sous le tutorat de son géniteur, elle avait appris à manier les armes qu'elle forgeait.

- Je peux vite devenir mesquine, très vite. S'il le faut, je te tuerai, puis je brûlerai ce bâtiment et dans la confusion, je m'en irai aussi simplement qu'au travers d'un rideau. Personne ne reconnaîtra ton cadavre, calciné par le feu et ton nom sera oublié de tous, au fil du temps. Là, je te menace.

La soie brûle bien et les couvertures des sièges n'étaient sûrement pas faites en graviers. Tout ça prendrait feu très vite et avec beaucoup de générosité.

- Ou alors, je reste ici pendant quelques minutes supplémentaires, le temps que tu me racontes comment une fille peut atterrir ici, je finis mon verre et je m'en vais. Ce après quoi tu auras tout le temps du monde de raconter à quel point je suis vilaine et méchante, et comment j'ai menacé ta vie à multiples reprises comme l'horrible femme que je suis.

Elle siffla un filet de boisson dans son verre, dégustant le breuvage sans ôter ses yeux de la fille de joie. Le sarcasme psalmodiait d'entre ses lèvres comme pleurent des violons, en continu, mais sur des tonalités différentes. Avec un regard indifférent, elle haussa les sourcils.

- Alors, cette histoire ?

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Oh, alors cette petite était la propriétaire de l’établissement ? Clairement, ça ne se voyait pas, elle avait la même allure frivole et facile que toutes celles qu’elle avait vu en entrant dans les locaux. Aucune dignité, par ici, l’ambiance décadente et emplie de bassesse qui émanait des lieux faisaient définitivement savoir à Skadi que sa place n’était pas ici. C’était bon signe, passer une vie à écarter les cuisses … elle préférait largement en écouler une à écarter des viscères. Et cette fille, qu’importe son nom, témoignait d’à quel point ce milieu était hypocrite. Pas d’amour, pas d’affection, rien d’autre que du mépris dissimulé derrière une douceur factice. Il fallait être idiot pour vouloir se satisfaire uniquement de chair, et non d’âme, concept bien naâmiste, s’il l’était, aussi superficiel que son dieu.

Elle était têtue, cette faiseuse de rêves, elle enchaînait les réponses sans même répondre à la seule requête que la rouquine lui soumettait. Comment pouvait-on connaître le besoin d’un client sans l’écoute appropriée, ça, la dévote l’ignorait, mais elle se doutait bien que son sexe et sa nature faisaient d’elle le vilain petit canard à ses yeux. Ce n’était pas la première, ce ne serait pas la dernière, mais son insolence était irritante, il n’y avait pas moyen que Skadi ne parte sans laisser un souvenir, elle y tenait.

En fait, lorsque la catin s’approcha plus près, articulant des mots qui faisaient se serrer les dents de la maâliste, cette dernière était tout juste sur le point de cercler une fente au travers de sa gorge. Ce serait une chose inédite que de tuer une femme dont la foi ne semblait pas appartenir à l’usurpateur, mais les exceptions forgent les règles. Et cette fierté idiote, mal placée, inutile, quel usage en faisait-elle ? La rouquine n’avait pas la moindre intention malsaine envers elle en posant le pas dans ce bâtiment et même malgré ça, elle se faisait traiter comme la pire des ordures. A croire que la rancune de la reine s’était propagée à tous ses laquais, au travers de tous les Trois-Lieux … moutons.

Mais un charme étrange enveloppe les mots de la jeune femme, comme une corde que l’on accroche au poignet et que l’on tire, que l’on force. Cette corde-ci, c’est vers la sortie qu’elle semble se tendre, vers la sortie et plus loin encore. C’est à peine si Skadi distingue les mots, mais elle en saisit le sens comme s’ils étaient d’instinct liés à ses décisions. Partir … mais partir sans rien ? Non, il fallait faire quelque chose ! Au moins un signe, un détail qui aurait signé son passage, non pas pour laisser des traces, mais pour rappeler à cette chienne qu’aucun endroit, encore moins une maison close n’était sauf. L’envie de s’en prendre à elle était palpable, mais elle n’y avait pensé à aucun moment, comme si l’entreprise même de cette action n’était pas envisageable.

La main de la rouquine adoucit son emprise sur le manche du couteau et, avec une gestuelle calme, le rangea dans les plis de son haut. La lame glissa au creux de sa poitrine, passant sous les bandes qui cachaient la cicatrice de sa plaie à peine fermée. Cherchant la sortie du regard, elle se leva, marchant sans véritable entrain vers la porte. Du coin de l’œil, elle repéra un chandelier à pied, juste devant elle, allumé et posé au sol, pas accroché. Lorsqu’elle passa entre les murs, elle poussa la décoration, renversant les bougies sur l’un des canapés.

Elle avait retenu son envie de dire son nom jusque-là, rester cachée était essentiel pour elle, mais une certaine partie de son orgueil la tirait hors de cette sécurité. Elle était la Porte-Flamme pour les maâlistes, n’était-il pas temps, après tout, que le monde naâmiste connaisse son nom véritable ? Sans s’arrêter de marcher, la rouquine jeta un regard par-dessus son épaule, avant d’articuler lentement, distinctement et sans aucun raccourci.

- Skadi Meyelfeïn.

Et elle quitta les lieux, avec une démarche plus pressée, obéissant à l’ordre de la moins-que-rien et s’écartant à trois kilomètres approximatifs de la localisation de la maison close. Dans la nuit, personne ne vint déranger la silhouette à peine distinguable de la jeune femme. Au final, en y repensant, son nom ne la trahissait pas, de toute manière, elle n’avait personne à protéger et son seul proche encore vivant, son père, avait depuis longtemps détourné son amour d’elle.

Arrêtée devant une porte close, une simple maison entourée d’un beau jardin et perdu dans l’amas de bâtisses, elle soupira de frustration. Une respiration nasale dérangée vint trahir la colère de la maâliste qui n’oublierait pas cette humiliation et cette leçon. De l’humilité et de la précaution, voilà ce qu’il lui manquait, voilà ce qu’il manquait à la Reine. Pour se différencier des tyrans, elle devait se montrer sous un autre aspect, un aspect vrai, un aspect fidèle aux idéaux qu’elle défendait. La cruauté et la haine n’incarnaient qu’un moyen, non un but, peut-être qu’elle l’oubliait trop souvent …

Elle frappa à la porte, cachant son poignard derrière sa cuisse. Un homme lui ouvrit. Il lui offrit un sourire, elle rendit un silence. Son pas se posa dans la pièce, sa main poussa la porte, sa lame ouvrit la gorge de l’hôte et elle ferma le battant. Repoussant l’habitant de son pied, Skadi vit une femme assise qui vit son mari choir. Remontée, elle prit un hachoir en un hurlement qui rebondit contre les murs épais. Son coup n’était pas militaire, pas plus qu’il était maîtrisé, le tranchant de l’aimée se logea dans le corps du regretté, levé par son assassine, tandis que le fil de sa lame trouva refuge dans son diaphragme. La rouquine le laissa reposer là, elle n’en avait plus besoin.  

Désormais seule, ou en tout cas bientôt, dans la pièce, la « Porte-flamme » essuya le sang de ses mains sur le torchon qui se destinait à la nourriture seulement. Eh bien … voilà qui était charmant, dire qu’elle s’était emmerdée à dormir dans la rue quand il suffisait de tuer un couple de culs-terreux. Elle s’assit à la table, piquant dans les plats qui étaient destinés à la femme qui agonisait au sol … trois assiettes. Il y avait trois assiettes de posées sur cette table. A sa droite, une porte entrouverte, pas de bruit … mais trois assiettes. Skadi prit le sceau et la corde qui servaient à prélever l’eau des puits, et, emportant la troisième coupole, s’avança jusque dans la pièce.

Une lamentation criarde retentit, s’étouffa et le silence revint dans la maison, perturbé seulement par les chutes de quelques gouttes qui n’étaient pas de l’eau.