[25-26 Cellune 1100] Drôle de colocation

25 Cellune 1100
avec Ilclaste Sang-Blanc & Aubrien Ceadan

Athina ignorait depuis combien de temps elle se trouvait là, à genoux dans le caniveau, le flot de ses sentiments roulant le long de ses joues. Elle n'était plus qu'une ombre dans la nuit, vidée de toute énergie, las de tant de secrets, de tant de mensonges et choquée de la violence dont elle avait pu faire preuve. Elle, d'habitude si douce et tolérante, comment avait-elle pu en arriver là ? Était-ce encore une fois son passé qui la rongeait bien plus qu'elle ne l'avait imaginé ? Elle avait reproché à Iclaste de ne pas avoir été honnête avec elle, mais on ne pouvait pas dire qu'elle l'avait été avec lui.

Le regard perdu dans le vide, elle fixait la porte de la taverne. Quand elle s'ouvrit finalement sur Ilclaste, ils restèrent tous deux de longues minutes à ne rien dire, ne pas bouger, se regarder vaguement. Des instants comme figés dans le temps, impossible de savoir quoi faire, impossible de savoir que dire. Elle voyait son ami, planté là, devant elle, avec cet air de vouloir fuir. Allait-il vraiment la laisser là ? Ce ne serait que justice, elle l'avait abandonné avant lui. Oh non, il ne fallait pas qu'il la laisse, elle ne le supporterait pas. Et puis finalement, son comparse prononça quelques mots à son intention, mots que la jeune femme ne compris pas, ses oreilles bourdonnaient encore, mais qui eurent un impact sur le chasseur.

Athina s'essuya le visage du revers de sa manche. Les larmes semblaient commencer à se tarir, malgré ses yeux gonflés, sa vision était plus nette ainsi, elle vit Ilclaste pleurer à son tour.
Jamais encore elle ne l'avait vu pleurer, et cette vision serra son coeur bien plus qu'elle n'aurait pu l'imaginer. Il n'avait jamais été question de quelconque relation sentimentale entre eux, leur attache était devenu bien plus importante que cela, finalement, et bien moins éphémère. Elle comptait sur lui, il comptait sur elle, elle l'aimait profondément mais pas de cet amour qui rempli des ouvrages, qui inspirent des mythes et dont on conte les histoires. Non, point de sentiment amoureux, simplement de l'amour, quelque chose de brut, de profond et de primaire, comme un instinct de survie. Il était son phare, son point de repère, même si elle craignait lors de son séjour à Albatra que ce lien ne se soit définitivement brisé. Ses craintes, envolées. Les larmes de son ami la touchaient bien trop, il était impensable que leur relation ne disparaisse.

Elle l'écouta parler, du moins, elle tendit l'oreille pour essayer de décrypter ses paroles. Il semblait absent, comme s'il parlait pour lui même. Elle pu tout de même comprendre la majorité de ce qu'il lui disait, son coeur s'emballa un peu plus lorsqu'il évoqua la griffière. Cette foutu griffière... Elle se souvint que ce jour là, lorsqu'elle avait lu la lettre qui était destiné au chasseur, il était venu quérir son aide pour partager un contrat sur la tête de l'une de ces créatures. Il y était donc allé seul, pire encore, il avait failli y laisser la vie. Comment aurait-elle réagi s'il avait péri lors de son absence ? Elle senti à nouveau ses larmes monter alors que lui tombait à genou à ses côtés, plongeant ses yeux dans le regard vairon de la trappeuse. La tristesse  d'Ilclaste faisait écho à la sienne, si bien qu'elle se demanda comment ils avaient pu en arriver là. Leurs histoire étaient différentes, mais ils s'étaient retrouvés dans leurs blessures. Sans jamais se confier, sans jamais poser de question. Le voir ainsi vulnérable bouleversait Athina, impossible de retenir plus longtemps ses larmes.


La main d'Ilclaste venait de se poser sur celle de la jeune femme. Elle posa son regard dessus, ne cherchant pas à se défaire de ce contact. Elle n'avait encore prononcé aucun mot, elle se contentait d'écouter. Ecouter ces paroles si chaudes, des mots qui la touchaient au plus profond de son âme. Sans trop y réfléchir, elle essuya une larme le long de la joue du chasseur avec sa main libre, prolongeant ensuite son contact en gardant cette main sur son visage, un contact doux, réconfortant, qui voulait dire "je suis là, ne t'en fais pas". Et puis elle approcha son visage de celui d'Ilclaste et déposa un furtif baiser sur ses lèvres. Doux, chaste. Rien à voir avec la manière dont on pouvait embrasser son amant. Un baiser pour lui signifier son affection, elle ne lui avait encore jamais dit combien il comptait pour elle, le moment était peut être venu finalement.

La voix cassée et chevrotante, elle pris finalement la parole, en un murmure.


Cela n'avait rien d'une déclaration romantique, simplement un fait, une vérité générale. Elle aimait cet homme, comme elle aimait Echo, comme elle aimait sa mère. Comme quelqu'un de la famille. Non, plus que ça, en réalité. Comme s'ils étaient les deux faces d'une même carte, comme quelqu'un d'essentiel, une partie de son âme.

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avec Ilclaste Sang-Blanc & Aubrien Ceadan

Ce contact nouveau avec Ilclaste était appréciable mais quelque peu étrange. Si elle avait esquissé sa douceur naturellement et qu'elle ne regrettait en rien cet acte d'affection, Athina restait Athina. Elle ne pu réprouver un rougissement, elle espérait que l'obscurité de la nuit le cacherait quelque peu. Il faut dire qu'elle n'avait pas réfléchi à la manière dont son baiser et sa déclaration allaient être accueillis par le jeune homme même s'il ne sembla pas tiquer. Ainsi, lorsqu'il proposa de la raccompagner à la chaumière, elle acquiesça d'un hochement de tête, non sans une appréhension : elle savait qu'elle allait devoir se justifier sur sa violence, sur son départ. Il était temps, mais ses vieilles craintes perduraient.

Le trajet du retour jusqu'à la lisière de la forêt fut silencieux, calme. La tanneuse préférait attendre d'être arrivée chez elle pour amorcer la discussion qui s'imposait, elle n'avait confiance en personne en ville, et de toute façon elle ne savait pas encore comment aborder les choses. Rien de dramatique à avouer, du moins rien d'aussi perturbant que ce qu'elle avait découvert sur le passé d'Ilclaste, mais elle n'avait évoqué Lothaire qu'une ou deux fois dans toute sa vie. Son viol, en revanche, était encore son plus enfoui de tous les secrets, elle ne savait pas encore si elle était prête à révéler les origines de sa petite Echo. Elle aimait son petit ange plus que tout, mais les circonstances de sa conception hantaient encore ses nuits.

Epuisée par ses émotions, Athina ne vit pas passer le temps de marche entre l'auberge et la lisière de la forêt, pourtant, déjà le puits de la demeure se dessinait dans l'obscurité. Ils étaient arrivés. Toujours en silence, Athina déverrouilla sa porte d'entrée. Yeuyeur n'était pas dans le coin, il devait probablement squatter le porche de la maison d'Hestia comme à chaque fois qu'Echo y séjournait. Quel pot de colle ce veilleur, mais au moins ils étaient tranquilles. Elle laissa Ilclaste entrer et fermer la porte, tandis qu'elle se dirigeait toujours en silence vers la cheminée qu'elle alluma. Cela leur apporterait de la lumière et une douce chaleur qui serait sans aucun doute la bienvenue. C'était apaisant, salvateur.


N'attendant pas la réponse de son ami, elle leur servit deux verres d'eau de vie de framboise artisanale, elle était produite par l'un des clients de la jeune femme qui la payait parfois avec ses bouteilles. Ils y trouvaient tous les deux leurs comptes, Athina ayant un véritable faible pour ce breuvage. Elle tendit son verre à Ilclaste tandis qu'elle s'installait sur un coussin, à même le sol, devant la cheminée. Elle resta ainsi quelques instants. Silencieuse, fixant les flammes qui dansaient dans l'âtre. Elle tourna la tête vers Ilclaste et fut soulagée de se sentir à nouveau en sécurité à ses côtés. Pour autant, elle n'osait pas prendre la parole en premier, elle préférait le laisser faire, il allait surement lui demander des comptes, elle y était préparée. Elle l'attendait, elle voulait envoyer au diable cette barrière qu'ils s'étaient imposés. Pour ce soir, elle voulait qu'il la bouscule, qu'il la fasse parler. Briser cette chaîne qui les entravait.

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avec Ilclaste Sang-Blanc & Aubrien Ceadan

Ilclaste pris place à ses côtés, sur le deuxième coussin à disposition, et Athina le regarda faire du coin de l'oeil. Maintenant qu'ils étaient là, elle se sentait légèrement pudique, comme si la conversation qui allait forcément suivre lui faisait peur, elle ne s'était jamais mise à nu devant lui. Devant si peu de personnes, en fait. Et elle était intimidée. Heureusement, c'est le jeune homme qui rompit le silence, se confiant alors sans préambule sur une petite tranche de son passé. Rien de bien spécifique, mais depuis ces années qu'ils se fréquentaient, Athina n'avait jamais imaginé d'où il pouvait venir, pourtant, lorsqu'il évoqua le Gravorn, Athina eut un frisson. Elle n'avait été au courant de rien, pas même des détails les plus élémentaires. C'était en train de changer, et lorsqu'il lui demanda à son tour de se confier, elle laissa un léger silence avant de finalement se prononcer, la voix légèrement chevrotante.


Elle marqua une pause. Son père lui manquait parfois, bien sûr, mais c'était un homme malade qui souffrait chaque jour, alors la mort avait été salutaire pour ce pauvre homme. Elle avait été soulagée qu'il ne souffre plus, même s'il avait laissé un vide immense, évidemment. En fait, c'était surtout pour Hestia que c'était difficile, le grand moulin était bien vide sans lui. Elle avait plus ou moins cessé son commerce, c'était trop à gérer pour elle. Et puis elle s'occupait quotidiennement d'Echo lorsque Athina devait partir à la chasse.

La jeune femme ne savait pas si elle devait poursuivre, ou si elle pouvait poser une question à son tour. Mais après tout, il fallait en passer par là.


Elle ne pouvait se résoudre à prononcer le nom de Vissomort, elle en avait des sueurs froides rien qu'à imaginer ce qui avait pu se passer là bas.

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avec Ilclaste Sang-Blanc & Aubrien Ceadan

Athina apprécia l'attention d'Ilclaste, même si elle n'était pas encore assez habituée à parler d'elle pour lui préciser spontanément que son père avait succombé d'une longue maladie et que c'était bien mieux ainsi. Non, elle resta silencieuse, se contentant de contempler les flammes qui dansaient dans l'âtre.

Et puis Ilclaste commença son discours, et alors elle le regarda. Elle voulait voir les expressions de son visage lorsqu'il lui raconterait son histoire, ce moment était unique, elle ne voulait pas être impolie ni sembler détachée car elle voulait réellement connaître le passé de son ami. Elle ne voulait plus aucun secret entre eux, quand elle voyait ce que cela avait amené récemment, il lui était impensable de continuer cette relation amicale sans être honnêtes l'un envers l'autre. Ainsi, ils se comprendraient mieux et même si elle espérait que cela ne changerait rien à leurs rapports, qu'ils parviendraient à retrouver leur complicité, cela permettrait sans doute de mieux comprendre leurs erreurs et la source de certains traits de leur caractère.

Elle l'écouta parler du Gravorn, non sans sentir son coeur se serrer à l'évocation du duché. Bien sûr, il ignorait encore qu'elle y avait vécu et qu'elle connaissait donc les vices de Borderoc. Pour sûr, le Creux-Lac lui correspondait beaucoup mieux, l'intolérance du Gravorn avait été presque insupportable à la fin, lorsque l'amour entre Lothaire et la jeune femme n'était devenu qu'une valse de coups et de reproches. Elle comprit aussi la raison pour laquelle Ilclaste avait menti sur son identité à leur rencontre et finalement, elle s'aperçu que malgré tout ce qu'il lui racontait, il n'avait jamais cherché à l'abuser. Du moins, elle n'en avait jamais eu l'impression. Il ne lui avait jamais rien volé, et lui avait remboursé jusqu'au dernier lieuton ce qu'elle avait pu lui avancer lorsqu'elle l'avait sorti de la rue. Elle était soulagée, plus que tout soulagée de constater qu'elle ne s'était pas trompée durant toutes ces années, que cette lettre interceptée n'avait fait que la fourvoyer. Et ce qui l'avait trompée, c'était avant tout ses propres démons, ses propres craintes. Oh, par Naâme, elle avait été si idiote. Sa peur des hommes avait failli lui faire perdre la personne la plus importante dans sa vie.

En parlant de Naâme, elle fut surprise de constater que son ami semblait investi personnellement en sa foi. Elle même n'était pas spécialement très pieuse, elle se contentait de croire en ce qu'elle avait toujours connu : sa protection, sa pierre de vie qu'elle avait récupéré sans se perdre dans l'arche. Elle ne l'adorait pas spécialement, elle préférait croire en la justice qu'en une quelconque divinité. Elle ignorait qu'Ilclaste, par contre, voyait certains aléas comme des signes d'une entité supérieure. Elle ne resta pour autant pas bloquée là dessus, mais ce détail la fit tiquer.

Evoquer Vissomort par contre, lui faisait toujours autant d'effet. Elle savait maintenant que l'essentiel de son aversion pour ce mot était dû au fait que cet enfoiré de Lothaire n'avait visiblement pas commis de crime suffisamment élevé pour y pourrir, mais elle constatait également avec effroi devant le discours d'Ilclaste que ses relations avaient probablement également joué en sa faveur. Pourtant, le souvenir des confessions du chasseur sous la colère lui revenait en mémoire. Elle espérait avoir la force d'en parler avec lui pour les soulager tous deux d'un poids qui devenait difficile à porter. Sans jugement aucun, l'amitié à son stade le plus profond.

Athina posa sa main sur l'épaule d'Ilclaste, le remerciant silencieusement de ses confessions, mais elle la retira bien rapidement lorsqu'il évoqua la scène qu'elle avait offert à la taverne, plus tôt dans la soirée. Ce qui était dur à entendre, c'était qu'elle lui avait rappelé le Gravorn. Parce que pour la tanneuse, le Gravorn c'était Lothaire, et Lothaire c'était la violence, le mal. Se voir comparée à lui - inconsciemment bien sûr puisqu'Ilclaste n'en avait encore jamais entendu parler - était difficile à accepter pour Athina. Non, en fait c'était tout simplement impossible à accepter. Mais à bien y réfléchir, elle l'aurait tué ce soir, si Ilclaste ne s'était pas interposé. Cette violence en elle... Est ce que cela venait de Lothaire, ou est ce qu'elle était vraiment comme ça ?


Son regard se perdit dans les flammes alors qu'elle prenait conscience de ce qu'elle avait pu faire.


Elle se tu, ravalant une larme et tournant de nouveau son visage vers Ilclaste. Ses petites mains étaient tremblotantes comme à chaque fois qu'elle se souvenait de ce qu'elle avait vécu.


Elle ne savait pas vraiment comment commencer ses propres confessions, les mots s'emmêlaient dans son esprit.


Elle inspira un grand coup.


Impossible pour Athina de retenir plus longtemps ses sanglots, ses émotions étaient trop fortes et elle avait besoin de laisser aller ses émotions. Elles courraient le long de ses joues alors qu'elle se remémorait ce que les mains sales de Lothaire avaient pu lui infliger.


Sa voix s'éteint sur ce dernier mot. Elle ne l'avait encore jamais prononcé à haute voix. Elle ne l'avait jamais dit à personne. Son plus douloureux secret, elle l'avait enfin confié.

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avec Ilclaste Sang-Blanc & Aubrien Ceadan

Athina était comme en transe, tout son corps était en train de trembler de nervosité, c'était incontrôlable. Son coeur battait à toute allure et elle devait boire son eau de vie pour garder de la contenance. Elle n'osait pas regarder Ilclaste, trop effrayée de croiser son regard. Elle avait peur d'y lire de la pitié, elle n'avait jamais été du genre à aimer ce genre d'attention. Elle avait vécu des choses terribles, oui, et elle en faisait encore des cauchemars vraiment atroces, pourtant elle ne supportait pas lire de la pitié dans les yeux des autres. De la compassion, pourquoi pas, mais surement pas de la pitié. Elle reprit une gorgée d'alcool qui lui brûlait légèrement la gorge tandis qu'elle laissait le jeune homme encaisser. Il l'écouta murmurer le prénom d'Echo et elle repris encore une autre gorgée. C'était difficile d'imaginer les circonstances de la naissance de sa fille, même si elle l'aimait plus que tout au monde. Elle n'avait aucune amertume pour la petite, et n'en avait d'ailleurs jamais eu.

Puis il lui posa LA question. L'avait-elle tué ? Non... Elle en rêvait pourtant régulièrement lors de ses meilleures nuits. A cette époque, elle en aurait été incapable, c'était certain, mais avec ce qu'elle avait montré à tous ce soir, peut être qu'aujourd'hui ce serait différent. Un frisson glaçant parcouru sa nuque alors qu'elle s'imaginait de nouveau face à cet homme. Elle ignorait comment elle pourrait réagir, elle espérait ne jamais avoir à le découvrir. Cela faisait cinq ans qu'il était enfermé, et la réalité la frappa en cet instant. Cinq ans. Par Naâme, sa peine se terminerait cette année. Ou peut être était-il déjà sorti, d'ailleurs ? Si c'était le cas, chercherait-il à la retrouver ? A lui faire payer ces années de taule ? Etait-elle en danger ? Et Echo ? Lothaire savait qu'Athina était originaire de Lackness, essayerait il de la traquer ? Cette idée lui donnait la nausée.


Finit-elle par déclarer


La colère de la chasseuse lui déliait soudain la langue, car c'était bien ça le plus difficile à admettre : son crime n'avait pas valu Vissomort. Elle aurait voulu le voir payer d'avantage. Elle tourna enfin la tête vers Ilclaste, les sourcils froncés.


Elle fit une pause, avalant difficilement sa salive tant la boule qu'elle avait dans la gorge était importante.


Elle posa sa main sur la joue du jeune homme, elle avait besoin de le rassurer, aussi bien pour lui que pour elle. Finalement, en se confiant, ses souffrances semblaient s'apaiser. Elle avait toujours pensé que cela les raviverait, mais pourtant en cet instant elle se sentait mieux, soutenue. Alors si elle pouvait apaiser celles d'Ilclaste à présent.

Après quelques minutes de silence, Athina plongea son regard dans les yeux d'Ilclaste.

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avec Ilclaste Sang-Blanc & Aubrien Ceadan

Difficile de déterminer à quel moment exactement l'atmosphère de la chaumière avait bien pu changer, pourtant elle s'était soudainement alourdi et allégée à la fois. Athina sentait le poids du regard d'Ilclaste, mais celui qu'elle avait sur le coeur depuis tant d'année semblait déjà plus léger. Un peu comme si elle avait transmit une partie de ce fardeau à son ami, qu'ils le portaient ensemble désormais. Perdu dans le regard d'Ilclaste, Athina n'arrivait pas à déterminer ce qui animait ses pensées, pourtant elle sentait quelque chose de changé. Puis il pausa à son tour sa main sur sa joue, et les battements de son coeurs s'accélérèrent quelque peu. C'était étrange comme sensation, elle était à la fois très bien mais également terriblement gênée par cette promiscuité et douceur soudaine. Il n'y avait jamais rien eu entre eux que de l'amitié, de la confiance et un lien unique, certes, mais qui ne ressemblait ni de près ni de loin à quelconque désir. Pourtant en cet instant, c'était comme si deux amants se retrouvaient enfin après des années de non dits. Lorsqu'il approcha son visage avec une lenteur insolente, Athina pria intérieurement qu'il renonce à prendre ses lèvres. Elle avait besoin de lui, prendre le risque de perdre ce lien en laissant leur relation prendre une tournure plus langoureuse n'était pas une option.

Heureusement, les lèvres d'Ilclaste se dirigèrent finalement vers son front et elle ne pu que fermer les yeux pour profiter de ce contact si doux. Son coeur n'avait pas ralenti la cadence alors qu'elle se surpris à avoir envie qu'il la serre dans ses bras. Les certitudes qu'elle avait eu quelques secondes auparavant semblaient déjà bien plus floues, en fait elle s'aperçu à cet instant que la douceur, les caresses et la tendresse lui manquaient terriblement. Pour autant, elle ne voulait pas les réclamer à Ilclaste, pas sans qu'il ne le lui demande en premier. Elle tenait trop à lui pour envisager autre chose d'elle même. Elle ne pu réprimer un sourire à sa remarque.


Elle se garda bien de lui dire que, même si la violence n'était pas dans sa nature, elle avait pourtant bel et bien accumulé tant de rancoeur et d'amertume au fil des ans sans pouvoir les défouler qu'elle n'était plus très sûre, à l'heure actuelle, d'être toujours la douce jeune Lackoise quelle avait été. Peut être lui faudrait-il trouver un exutoire à cette violence pour se redécouvrir.


Car après tout, cela aurait évité quelques déconvenues, n'est ce pas ? Malgré tout, elle ne pouvait pas s'en vouloir car elle ignorait si ses révélations auraient été aussi intenses si elle les avait confiées plus tôt. Elle ne regrettait pas cette ambiance, elle ne regrettait pas de se sentir à nue devant lui, à la lumière du feu. Elle se sentait bien, apaisée même. Presque vidée.

Pourtant, elle frissonna à la question d'Ilclaste. Le dire à voix haute, ça le rendait si réel. Elle qui tentait de renier totalement cette idée.


De nouveau mal à l'aise, elle se leva à son tour, cherchant à réchauffer les sueurs froides qu'elle tentait pourtant de contenir. Elle se rapprocha de l'âtre ainsi que d'Ilclaste et appuya son épaule aux pierres de la cheminée, sans quitter les flammes du regard.


Cette simple idée lui était insupportable, elle entoura ses bras de ses mains et se serra légèrement pour se rassurer. Une boule dans la gorge l'empêchait de déglutir correctement. Cet enfoiré avait vraiment fait de lourds dégâts, et pas seulement à son corps...


Elle marqua une pause, cherchant les yeux du jeune homme de son regard. Malgré elle, une lueur implorante transpirait de ses iris hétérochromes.

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Athina était déroutée, pendue aux lèvres de son ami. Elle espérait profondément qu'il ne la repousse pas, elle qui était si réticente à la chaleur humaine d'habitude... Un refus de la part de cet homme qu'elle appréciait tant aurait été insupportable, difficile à dire ce qu'elle en serait venue à faire pour apaises ses souffrances. Mais il ne la repoussa pas. Il tentait de la rassurer, en lui disant qu'Echo était en sécurité. Bien sûr, objectivement, elle ne craignait pas grand chose. Yeuyeur était déjà à deux doigts de lui sauter dessus lorsqu'elle même avait le malheur de la gronder, et puis Ilclaste... Il vivait près de leur chaumière, et il avait toujours été protecteur avec la petite. Elle même, elle aurait préféré donner sa vie ou la gâcher en finissant ses jours à Vissomort plutôt que de laisser cet enfoiré de Lothaire l'approcher à moins de dix mètres.

Athina eut un hoquet de peine et de soulagement devant l'attitude si tendre d'Ilclaste. Avaient-ils gâché du temps à être aussi peu enclins à la douceur plus tôt ? Ce qui se passait devant cette cheminée en cet instant, est ce que son ami le vivait de la même manière qu'elle ? Mais d'ailleurs, comment le vivait-elle ? Elle se sentait inondée d'émotions, tant et si bien qu'il était difficile de poser un mot sur chacune d'elle. La tristesse, le soulagement, la crainte, la colère.. Le désir de fondre complètement et de s'abandonner dans ses bras. Etait-ce possible ? Ils avaient toujours été tellement platoniques.

Finalement, Ilclaste lui fit signe de venir dans ses bras, et la jeune femme ne se fit pas prier. Elle s'approcha doucement et n'arrêta sa course que lorsqu'elle fut tout contre son ami. Il était plus grand qu'elle, de presque une tête, ce qui la rassura d'autant plus. Ses mots également "tu ne seras pas seule, je serai là". Des mots qu'elle n'avait jamais entendu, pas une fois. Elle ferma les yeux, serrant la taille d'Ilclaste aussi fort qu'elle le pouvait. Ses larmes recommençaient à couler, et son coeur battait à tout rompre. Silencieusement, elle humait l'odeur des vêtements d'Ilclaste. Ils n'avaient jamais été si proches, pourtant dans ses bras elle avait l'impression que rien ne pouvait plus lui arriver de mal. Elle se sentait chez elle. En sécurité. L'espace d'un instant, elle oubliait tous ses soucis.

L'étreinte dura de longues minutes, Athina ne voulait pas le lacher. Son coeur semblait s'être légèrement apaisé tandis qu'elle entendait celui de son ami battre à vitesse rapide. Soudainement, elle se revit quelques instants plus tôt, lorsqu'ils étaient tous les deux dans cette ruelle sombre. Ce baiser qu'elle lui avait donné. Elle s'empourpra légèrement. Si sur le moment elle n'avait pas imaginé autre chose que lui exprimer sa peine et son regret, le chamboulement de ses sentiments lui donnaient l'impression que, peut être, c'était autre chose qui l'avait animée. Et si ...?

Son coeur se remit à battre à toute allure de manière désordonnée. Pour une fois, cette proximité ne lui était pas désagréable. Pour une fois, elle voulait exprimer sa tendresse envers un homme. Pour une fois. Et si pour une fois ...? Elle se défit très légèrement de son étreinte, suffisamment pour pouvoir se mouvoir et déposer un léger baiser dans le cou d'Ilclaste. Les battements de son coeur ne firent que s'intensifier. Elle s'écarta alors un peu plus, sans pour autant se défaire des bras du chasseur et plongea à nouveau son regard dans ses yeux. Puis son regard passa à ses lèvres. Elle ne s'y était jamais attardé, mais ce soir là, prise par l'émotion, l'ambiance agréable du feu de cheminée et l'ivresse de l'alcool, elle était terriblement attirée.


Elle ne finit pas sa phrase, sans plus de cérémonie, elle approcha son visage de celui de son ami et goûta à nouveau à ses lèvres. Mais cette fois, son baiser était différent. Cette fois, elle voulait le savourer, elle voulait le posséder. Cette fois, elle l'embrassait comme si rien d'autre n'avait d'importance. Et tant pis pour les questionnements, ils auraient le loisir de la tourmenter le lendemain...

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Qu'était-elle en train de faire ? Pour la première fois depuis une éternité, Athina lâchait prise et, à mesure qu'Ilclaste dévorait ses lèvres, elle prenait conscience du désir profondément ancré qui brûlait en son fort intérieur. Elle n'avait jamais pensé à Ilclaste de cette manière, n'avait depuis l'arrestation de Lothaire ne serait-ce qu'imaginé pouvoir se laisser aller de cette manière avec un homme. Son désir charnel avait réduit avec les années, jusqu'à devenir presque fossilisé, alimenté encore occasionnellement par les courbes divines de quelques jeunes femmes de passage. Mais un homme ? Plus un seul. Plus depuis longtemps.

Mais à présent, dans les bras de son plus proche ami, elle sentait un ardent désir se réveiller. Etait-ce réellement pour lui, ou était-ce simplement ces longues années d'abstinence qui revenaient d'un coup à la surface ? Probablement un peu des deux, en réalité. Elle aimait Ilclaste, elle l'aimait profondément et il était la personne la plus importante dans sa vie en dehors de sa famille. Elle avait toujours pensé que cet amour n'était qu'amical, mais en cet instant, alors que son regard hétérochrome croisait les pupilles verdâtre de son ami, un doute la pris. Etait-il possible qu'elle se soit méprise sur les sentiments qui les unissaient ?

Balayant ses interrogations, elle serra d'avantage Iclaste alors que son baiser se faisait plus profond, plus pressant, elle avait tellement envie de lui. Lorsqu'il desserra son étreinte, Athina eut beaucoup de mal à reprendre son souffle, pourtant elle n'avait qu'une seule envie : refondre immédiatement sur ses lèvres. Elle fut surprise cependant qu'il lui demande de rester, et fut touchée de cette attention. Elle appuya sa tête au creux de ses mains, fermant un instant les yeux, profitant de cette sensation nouvelle qui s'insinuait en elle. A nouveau, elle plongea son regard dans les yeux d'Ilclaste.


Elle avait conscience que ses mots étaient confus, elle voulait qu'il lui promette de ne jamais disparaître, de toujours être présent pour elle, pour Echo. Elle voulait être sûre de ne pas le perdre, sûre que ce qui était sur le point de se passer entre eux ne changerait pas leurs habitudes. Car si elle devait le perdre, elle préférait encore passer le reste de la nuit seule à mutiler ses cuisses avec son couteau de chasse. Oui. Plutôt saigner, plutôt souffrir physiquement que le perdre pour une étreinte.

A son tour, elle pris le visage du chasseur entre ses petites mains, caressant ses lèvres de la pulpe de son pouce. Il était si différent du jour où elle l'avait trouvé sale, puant et dépenaillé dans le caniveau. Il était devenu si beau qu'elle se demandait en cet instant comment elle avait pu manquer ce détail. Comme si ce soir, elle le voyait pour la première fois.


Elle embrassa furtivement ses lèvres. Son coeur battait à tout rompre, ils étaient en train de franchir une ligne, elle le savait très bien. Mais elle n'avait pas envie de faire marche arrière, elle avait trop envie de lui, envie de le sentir contre elle, de sentir sa peau s'éveiller sous ses caresses. Elle avait envie de laisser ses craintes et ses angoisses de côté, car plus que tout elle avait confiance en lui. Ca ne pouvait être que lui, à quel autre homme aurait-elle été capable de se donner après ce qu'elle avait vécu ?

Sans quitter Ilclaste du regard, elle recula d'un pas, puis d'un autre. Elle pris sa main et l'entraîna d'un pas timide vers sa chambre. Cette nuit allait tout changer entre eux, mais elle ne savait pas encore de quelle manière...