[12 Dollune 1100] Des pas dans des pas - Elie Boisauges

Cela faisait déjà plusieurs heures. Cela faisait même surement un ou deux jours maintenant. Elie errait dans Lackness, cherchant la moindre trace, le moindre indice.

*Pourquoi as-tu fais ça ...*

Cette question résonnait, rhétorique, dans sa tête. Bien sûr, elle n'aurait pas la réponse. Cette recherche était sûrement vouée à l'échec, d'ailleurs. S'il avait voulu être retrouvé, il ne serait déjà pas parti, dans un premier temps. Des déclinaisons de cette même question se faisaient présentes dans l'esprit de la jeune chasseuse. Pourquoi maintenant ? Pourquoi ainsi ? Pourquoi n'avoir rien expliqué ?

*Pourquoi ...?*

Elle était comme dans un état second. Ses jambes la portaient, bien sûr ... Mais elle n'aurait su dire comment. Elle n'avait rien mangé et rien dormi depuis qu'elle avait lu ce bout de papier qu'elle tenait maintenant froissé et serré dans sa main. Des traces de larmes se lisaient sur ses joues mouchetées de tâches de rousseurs discrètes. Les sillons étaient régulièrement renouvelés par d'autres larmes silencieuses venant s'ajouter à cette moue triste et désolée. Le blanc de ses yeux était rougi, et faisaient donc ressortir d'autant plus le vert de ses iris. La jeune femme, qui d'habitude n'a déjà pas grande confiance dans ses capacités à se repérer dans des espaces urbains, était pour de bon complètement perdue, assurément.

Certains passants l'observaient bizarrement. Elle n'en avait que faire bien sur. Elle continuait de parcourir des rues au hasard, à la recherche d'un signe du destin ... Elle se maudissait d'arriver si bien à pister quoi que ce soit en forêt mais d'être tout à fait incapable de garder le moindre repère correct en ville.

Le bruit des gens, des pas sur les pavés, des conversations exacerbées, des enfants jouant. Tout cela lui était particulièrement insurmontable à cet instant même. Elle s'arrêta pour reprendre un peu son souffle ...

Son regard tomba sur sa main et toujours ce morceau de papier ... Une goutte vint le mouiller.

Puis en se relevant, après avoir encore une fois essuyé ses joues, tout à coup, elle la trouva. Cette personne qui n'avait pas le même rythme.

Elle se détachait du patron général... il y avait quelque chose. Elle marchait en longeant les murs. Elie se redressa, se frottant le nez sûrement un peu grossièrement, et tout en continuant de l'observer. D'un coup elle éprouvait une sensation familière : un peu celle qu'elle éprouve souvent en observant la nature faire sa vie. Plongée dans son décor, cette jeune femme ressemblait à un papillon virevoltant, à l'aise dans un environnement malgré cette envolée tatillonne et troublante. Sans doute beaucoup de gens n'auraient pas fait ce rapprochement, mais pour Elie, voila ce que la situation évoquait.

Elle s'avança doucement. La dame se tourna également légèrement vers elle, comme si elle avait perçut ce regard insistant sur elle. Elie ne savait pas vraiment ce qu'elle faisait à vrai dire, elle suivait son instinct. Comme toujours.

"- Hum .... B... Bonjour." bredouilla-t-elle.

Elle faillit directement détourner les talons maintenant qu'elle réalisait qu'elle venait d'interpeller une parfaite inconnue. Mais ses pieds étaient presque ancrés au sol ; était-ce un signe du destin ?

"- Je ..."
Quelles étaient les expressions qu'il était poli d'employer dans ce genre de cas déjà ? Elie avait l'impression que ses mots s'échappaient.

"- Vous pourriez m'aider ?", finit-elle par demander toujours aussi maladroitement ...

Le “papillon” lui avait répondu. Sa voix était douce. Ce premier contact était rassurant.
Mais, sans qu’Elie ne devine tout de suite pourquoi, il semblait que la gestuelle de cette jeune dame était … différente. Et puis, maintenant qu’elle la voyait mieux, la chasseuse se rendait bien compte que cette jeune femme était un peu spéciale.
Il y avait un espèce de masque sur ses yeux. C’était un masque assez spécial, en argent, un bel objet. Mais sur ses yeux … Cela ne ressemblant donc ni à une couronne, ni à un bijou quelconque … Cette inconnue continuant de se tenir au mur … Elie comprit assez vite qu’elle devait être aveugle ou malvoyante.

"- Je suis désolée. " C’était bizarre de sortir ça comme ça. Mais Elie venait de réaliser que la seule personne qu’elle avait dérangée pour lui demander de l’aide était probablement non voyante …

*Bravo, c’est malin …* lui fit une petite voix plaignante à l’intérieur.

Elle se sentit terriblement mal et hésita encore une fois à se défiler. Mais elle avait besoin d’informations, et son interlocutrice avait l’air de pouvoir lui venir en aide, vu la réponse rapide qu’elle lui avait apporté. Elle lui avait même demandé si ça n’allait pas … Elle avait donc dû le sentir, dans le ton de sa voix.
Encore une fois Elie se sentit intimidée voire gênée.

"- Je … Je crois que je suis un peu perdue dans cette cité. Je n’ai pas l’habitude de la ville alors … ".

Elle ne savait pas trop par où commencer ni comment aborder le problème, à vrai dire. Elle ne cherchait pas un lieu … Elle cherchait quelqu’un mais ne savait pas où chercher. Elle devait sembler particulièrement confuse à cet instant et d’ailleurs elle commença à se dire que quelqu’un de censé ne perdrait pas de temps à essayer de comprendre ce qu’elle était en train de traverser.

"- Où … Sommes-nous ? ", demanda-t-elle en essayant encore une fois de retrouver des repères.