[25-26 Cellune 1100] Drôle de colocation

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Suite du sujet du [9 Cellune]

Ilclaste avait survécu et presque quinze jours s'étaient écoulés depuis l'accident avec la griffière... Les quinze jours les plus improbables qu'il aurait imaginé.

Cinq jours après l'attaque, puisqu'il se remettait relativement bien, on l'avait rapatrié chez lui où l'attendait Aubrien. L'apothicaire avait en effet tenu parole et pendant les cinq premiers jours il avait veillé sur sa chaumière.

Quand le chasseur été rentré, Aubrien avait tenu à rester encore, pour veiller sur lui, et aussi lui donner ces cours de lectures dont ils avaient parlé. Pour un être aussi solitaire et secret qu'Ilclaste, faire entrer un quasi inconnu dans son existence n'avait été que difficilement envisageable. Mais, le fait qu'il soit grandement diminué physiquement ne lui avait pas donné vraiment le choix...  Cependant, il fut le premier surpris quand il réalisa, à l'aube du troisième jours, qu'il s'était déjà accoutumé au vieil homme.

Il fallait dire que l'apothicaire n'était pas difficile... Sa boiterie ne l'avait rien fait perdre de son autonomie et il avait réussi à intégrer l'espace sans le dénaturer.

De sa chambre, Ilclaste, encore alité, se sentait étrangement rassuré d'entendre ses pas claudiquant dans la cuisine. Aubrien continuait à faire vivre la chaumière, il comblait les silences de ses histoires ou de ses leçons, et surtout, se révélait d'une patience à toute épreuve pour supporter la mauvaise humeur récurrente du chasseur.

Rapidement, ils avaient trouvé une sorte d'équilibre et quand, enfin Ilclaste avait pu marcher de nouveau, supporté par des béquilles, il avait délibérément refuser de mettre sur le tapis l'idée du départ d'Aubrien.

Oh, il savait qu'un jour, il faudrait en parler, mais en attendant, il préférait jouer le malade pour attirer l'attention d'Aubrien. Il mit du temps à comprendre pourquoi cela lui plaisait tant, et quand enfin il en comprit l'origine, Ilclaste en ressentit un étrange émoi : Aubrien s'occupait de lui comme l'aurait fait un père. Il s'assurait qu'il prenne ses décotions, veillait à le divertir quand il le sentait morose, prenait plaisir à lui enseigner la lecture... Et toutes ces attentions touchaient chez le chasseur un manque dont il n'avait jamais vraiment prit conscience.

Le marlois n'avait pourtant même pas dix ans de plus que lui ! Et pourtant, dans ses manières raffinés, son calme improbable et sa patience légendaire, il possédait une sagesse qu'Ilclaste était loin d'avoir et que, secrètement, il admirait.

Le chasseur, de nature butée, s'était pourtant surpris à attendre l'avis d'Aubrien. Les cours de lectures et de botaniques aidant grandement car, rapidement impressionné par les nombreuses connaissances du vieil homme, Iclaste avait cherché à l'égaler.

C'était étrange, jamais il n'avait rendu quelqu'un fière, alors quand Aubrien le félicita pour ses progrès, le chasseur se sentit tout chose des jours durant, redoublant d'efforts au point où son mentor dû le contraindre à faire preuve de plus de patience dans l'apprentissage...

Depuis deux jours, Ilclaste avait constaté que sa blessure au mollet avait suffisamment cicatrisé pour lui permettre de boiter sans béquilles. La perspective l'avait secrètement effrayé : s'il pouvait de nouveau marcher seul, en boitant certes, alors on se rapprochait du moment où Aubrien n'aurait plus à faire le porte malade.

Il continuait donc à utiliser sa béquille, du moins dès que l'apothicaire était en vue. Etant le premier levé, il alla, ce matin là, chercher les oeufs. Il en profita aussi pour aller cueillir certaines fleurs qu'Aubrien lui avait présenté et qu'il pouvait utiliser de différentes manières.

Presque par automatisme, il emprunta le chemin qui menait à la chaumière d'Athina. C'est à mi-chemin qu'il réalisa ce qu'il était en train de faire... Se stoppant net, il se força à lever les yeux vers la chaumière...

Elle semblait toujours aussi vide... Athina n'était toujours pas revenue. Peut-être ne reviendrait-elle plus jamais... Cette pensée lui broya le coeur. Alors, il resta un long moment là, planté sur sa béquille de bois, le regard vers la chaumière plantée en haut du chemin, son panier d'oeuf et de plante pendant à son autre bras, suffisamment perdu dans ses morosités pour ne pas entendre Aubrien l'appeler et le rejoindre.  

 

 

Cinq jours se sont passés depuis sa rencontre avec Ilclaste et Ludivine. Cinq jours que l’apothicaire, comme promis, s’est occupé de la chaumière de son protégé. Chaque matin, il a briqué la maison, donné à manger aux poules et au cheval du chasseur. Assidu dans sa tâche, il ne s'est jamais absenté alors que sa sagesse le poussait vers Albatra. S'il ne permettait pas à ses clients de pouvoir accéder à ses fioles et onguents, il fermerait boutique. Issue qu'il ne désirait point.

Mais, il ne pouvait pas rompre sa promesse. Homme d'honneur, il faisait toujours en sorte de les tenir. C'est l'âme partagé, qu'il accueillit le retour d’Ilclaste. Sourire sur sa face, il vint à sa rencontre.

— Je vais m’occuper de vous et votre maisonnée jusqu’au jour où vous serez totalement rétabli, Ilclaste. Et pas de mais… Comment pourrais-je me pardonner si je vous laisse encore blessé, seul et avec un minimum de soin ?


 

Plusieurs jours se sont déroulés depuis le commencement de cette colocation. Ceadan prenait un malin plaisir, à s'occuper d'Ilclaste, de sa blessure, de sa maisonnée, de lui offrir son savoir par le biais d'apprentissage de la lecture et des plantes.

Sans surprise, son vis-à-vis apprenait vite si bien qu’il emplissait de fierté l’apothicaire. A l'aube du quatrième jour, alors qu'il s'occupait de penser la plaie, Aubrien se plu à lui dire.

— Vous êtes un très bon élève, Ilclaste. Vous apprenez vite et bien. Je suis honoré par tant de prouesses. Un jour vous me surpasserez.

Il avait dit ça avec une sincérité outrageante, ne sachant pas l'émoi qu'il provoquerait au fond du chasseur.

 

Cela faisait déjà trois journées que le Sang-blanc montrait une soif d'apprendre insatiable et qu'il souhaitait aller plus vite dans son apprentissage. Sourire chaleureux relevant les coins de ses lèvres, Aubrien finit par lui dire, d'un timbre mesuré.

— Ne cherchez pas à brûler les étapes. Parfois, il faut faire un peu preuve de patience. Il vaut mieux engranger avec le temps des connaissances et les savourer que se précipiter et tout perdre.

 

Il s'est passé quinze jours depuis son arrivée dans la maisonnée d'Ilclaste et pas une fois, l'un d'entre eux, n'abordèrent le retour de l'apothicaire chez lui comme si, ils savaient que le départ leur déchirerait le cœur. Mais, il ne pouvait pas rester indéfiniment.

Décidé à lui en parler, le coureur de ses dames, après avoir nourrit les poules et le cheval d'Ilclaste, décide d'aller le rejoindre. C'est donc une bonne heure plus tard qu'il le retrouve, à mi chemin.

— Ilclaste !

Et son appel ne trouve écho. Le chasseur semble ailleurs, le regard fixé sur une chaumière. Ceadan comprenant qu'il n'aurait aucune réaction, s'approche. Sa paume de main se pose sur l'épaule de son vis-à-vis, papillon timide. De cette façon, il exprime qu'il est présent.  

— Elle ne vous semble pas étrangère. Est-ce qu'elle appartient à l'une de vos connaissances ?

Il dévisage le chasseur, les bras chargés.

— Pourquoi ne retournerons nous pas, dans votre chaumière, pour en parler ? Si vous souhaitez faire part de vos maux à un ami.

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Suite du sujet du [9 Cellune]

L'esprit ailleurs, Le chasseur ne perçu pas la présence de l’apothicaire tout de suite, il fallut pour ça, que la main légère de l'homme se pose pour son épaule, n'épargnant Ilclaste d'un léger sursaut surprit.

"Elle ne vous semble pas étrangère. Est-ce qu'elle appartient à l'une de vos connaissances ?"

La question laisse un moment de flottement pendant lequel le chasseur ouvre silencieusement la bouche sans qu'un seul son n'en sorte. Le mensonge qui a germé dans son esprit reste emprisonné dans sa gorge, refusant obstinément de sortir ...
Mentir ? Pourquoi pas, il l'a fait si longtemps et avec tellement de monde... Mais... A Aubrien ? la pensée le dérange, pire même, elle lui est désagréable car logée dans sa conscience, comme un cailloux dans une chaussure, elle se rappel à lui et l'incommode à chaque pression.

Il ravale donc son bobard alors que ses prunelles marécageuses tombent, piteusement, sur la pointe de ses chaussures. Son malaise est perçu par l'apothicaire. Difficile de toute façon de le dissimuler d'avantage... Cette blessure, Ilclaste l'a volontairement négligée, laissée de côté, mais le déni n'a jamais aidé à faire face, et la blessure ignorée n'a pas disparu. Loin de là...

Silencieux, il suit de son compagnon. Ses pas, boiteux, s'enfoncent dans les traces que laisse Aubrien dans son passage...

*Faudrait que je lui demande comment il a fini boiteux, lui aussi ...* Songe-t-il, soudainement, pour éviter de penser à la chaumière vide...

Ils reviennent à la maison. Ces murs familiers, grands et protecteurs rassurent le chasseur alors qu'ils pénètrent dans l'espace. Ses lèvres, pourtant, restent closes un long moment, alors même qu'il s'est laissé choir sur une chaise.

Parler lui semble soudainement la tâche la plus complexe du monde et pourtant, il le sent, il a besoin de se livrer. Car sa colère, sa peur, et ses regrets forment une masse trop pesante qui n'aura de cesse de grandir s'il s'entête à l'ignorer.

Soupirant profondément, il se lance.

-Ce n'est pas une histoire très passionnante... Avance-t-il, espérant peut-être lasser d'avance son vis-à-vis qui, pourtant, se montre patient.

Il a besoin d'une nouvelle pause, pour trier les informations, savoir ce qu'il peut dire ou non...


Voilà... Quand j'suis arrivé ici il y a ... Cinq ans ? Oui j'crois... Je n'étais qu'un mendiant. Se lance-t-il. Il caresse l'idée de parler de son sejour à vissomort, avant de s'y refuser.

J'fuyais. Mon passé, mon histoire, et j'suis arrivé par ici persuadé et résigné à l'idée d'y mourir. Mais... Quelqu'un m'a aidé. Raconte-t-il. Alors que sa langue se délit, son regard se fait plus lointain, et ses doigts, inconsciemment, dessinent des motifs sur le bois de la table.

Elle s'appelait Athina Aerys. Au début, elle s'contentait de me donner à manger, puis elle m'a proposé de venir utiliser sa salle d'eau... Ça a été long, mais finalement, elle m'a sorti de la rue. Je suis devenu chasseur parce qu'elle était chasseuse. On travaillé en équipe, quand c'était nécessaire... Et moi, j'étais redevable, alors j'ai fait mon possible pour être irréprochable. Le récit le rend brusquement nostalgique... Cette époque, a bien des égards, est à classer dans les meilleurs moments de sa vie...

La chaumière que vous avez vu... C'est la sienne. Une pause, comme une prise de courage, alors que sa main gauche vient lui masser, nerveusement, les paupières...


La dernière fois que je l'ai vu c'était il y a plus de deux semaines... On venait de me confier le contrat de la griffière... Alors j'suis allé la voir. Pour une griffière, surtout si on soupçonne que ce soit une femelle, on avait convenu que ça devait être elle qui s'en occuperait... Mais quand je suis arrivé, il y avait eu une erreur d'adressage du courrier. Putain, j'sais pas comment ils ont réussi à savoir où je vivais, mais... S'avez ce qu'on dit ? Fuit ton passé le jour, il te rattrapera pendant la nuit... S'est ce qui est arrivé... Une lettre. Une putain de lettre venant d'une ancienne connaissance, délivrée à la mauvaise chaumière... Elle l'a lu. Vous vous rappelez que je vous ai dit que la dernière personne qui a fait l'erreur de penser me connaître, m'a traité de menteur et de monstre quand elle a découvert qui j'étais vraiment et dans quel fer j'avais été forgé ? Et bien cette personne, s'était Athina. Après la dispute, je suis allé chercher cette putain de griffière, seul, parce qu'elle m'a pas retenu quand je lui ai dit que j'allais m'en occuper... Je pensais pas qu'elle partirait, elle aussi... Paraît qu'elle est partie pour une commande ou j'sais pas quoi... Un voyage temporaire, normalement. Mais elle aurait pu bien partir pour de bon, en emmenant sa fille sous le bras... J'sais pas, j'ai pas le courage d'aller voir si ses affaires sont toujours là. Se confia-t-il réalisant alors à quel point la question le travaillait. Il ferma longuement les paupières en inspirant profondément, pour ravaler l'émotion.  

Monstre. Voilà la dernière chose qu'elle m'a dit et puis... Elle m'a sorti de sa vie... Pendant que moi, couillon comme je suis, j'regarde sa chaumière en espérant que tout reviendra à la normale. ajoute-t-il, puis il lâche un sourire méprisant envers lui-même et gorgé de regret...

Voyez... Pas passionnante comme histoire. Et pourtant cet abandon brutal n'est pas sans rappeler la propre histoire de L'apothicaire... Sera-t-il en déceler les points de ressemblance ?




 

Aubrien, les mires posées sur le chasseur, se rend compte du conflit qui est sien. Des ténèbres qui l’engluent dans une lutte éperdue. Pour l’attirer vers l’étincelante lumière, il laisse sa paume appuyée sur l’épaule. Et lorsque les abîmes profonds du Sang Blanc rencontrent les siens, il enlève sa main. Avec son sourire chaud, comme une bise vernale, il tente de le rassurer. Il est là, présent et il ne cherchera point à le forcer maintenant à s’épancher, à faire couler le pus de ses plaies intérieures : celles de son cœur.


— Laissez-moi porter votre panier.

Précautionneusement, il attrape l’anse, sans jeter un regard au contenu. Puis, se détourne du chasseur. Il avance, l’oreille attentive. Il fait attention à ce que le Sang-Blanc le suive. Compréhensif, Ceadan ne le force pas à parler, tout le long du trajet. La marche se fait donc en silence.

Le coureur de ses dames, déposes son paquetage sur la table, pendant que son comparse ferme la porte. Lorsque l’huis est clos et qu’ils sont tous deux installés sur des tabourets en bois, Ilclaste commence à s’ouvrir.

— Je suis tout ouïe.

Alors que les mots s’enchaînent, le regard de l’apothicaire se remplit d’une profonde compassion. Il comprend ce qu’il ressent… Il sait quelle est la déferlante tempête qui se déchaine dans la chair du chasseur. De la peine, de la tristesse, de la douleur. Une boule d’angoisse… L’envie de s’ouvrir les veines. De la déception et de l’amertume.

Ils sont différents et semblables à la fois. Il a été rejeté par son amie. Et lui par sa propre famille. Il hoche négativement la tête à cette pensée.

— J’ignore ce qui l’a poussé à vous traiter de la sorte et je ne chercherai pas à savoir. Votre passé est votre passé. Il vous appartient.

Il fait silence, le temps de rassembler ses mots.

— Et je comprends pourquoi vous aviez fait, au début, le nécessaire pour que je ne vous approche pas.

Son regard intense se darde sur Ilclaste alors que ses mains s’apposent sur ses cuisses.

— Souhaitez-vous que je m’entretienne avec elle, pour renouer votre amitié ?  Parfois, une aide extérieure peut aider.

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Parler lui avait fait du bien. Il savait, au fond de lui, qu'Aubrien pouvait comprendre. Lui aussi avait été abandonné. Lui aussi savait ce qu'on ressentait d'avoir été rejeté pour un motif qu'on comprenait mal...


-Merci, s'entend répondre Ilclaste alors que ses épaules, déjà, se redressent de porter un peu moins ce fardeau. Il aimerait lui dire, "je vous le dirais, un jour", mais les mots restent enroulés dans sa gorge... Il n'est pas sûr de parvenir à parler de cela avec un homme aussi honorable qu'Aubrien.  


-Non ! S'empresse-t-il de répondre, un peu trop vivement même. Si vivement d'ailleurs, qu'il se reprend.

-Non, c'est gentil, mais inutile... Elle est partie. Pour le moment, peut-être pour toujours... Et je crois... je crois que je dois suivre vot' exemple. Avec vous et vos enfants. Mieux vaut pas attendre, ce qui ne viendra pas et aller de l'avant. Abandonne-t-il trop vite ? Peut-être... Mais il ne se sent pas prêt à espérer que les choses s'arrangent.

-Et puis... Vous avez déjà beaucoup trop fait pour moi. J'peux pas me permettre de vous retenir éternellement... Je pense que vous l'avez vu, ma boiteuse va mieux, elle galopra mieux que la vot' d'ici deux, trois jours j'pense. Glisse-t-il, un peu triste, il doit l'avouer.

-J'crois qu'après tout ça, j'dois reprendre ma vie en main... Et vous, vous avez sûrement à faire au Marvier. Les marloises doivent vous y attendre. Ajoute-t-il, non sans taquinerie.

-J'ai une dette envers vous, et je vous la payerai... Fait-il le serment, avant de se lever et venir poser une main sur l'épaule d'Aubrien.

-Merci pour tout. Merci d'être resté. Vous vous rappelez ? Quand on s'est vu la première fois, vous m'avez demandé mon amitié... Et faut j'vous dise, vous l'avez toute gagné. Ce toit sera toujours le vôtre. Et si vos enfants ne veulent pas vous voir chez eux, v'nez chez moi, l'ami. Il presse l'épaule de l'apothicaire.

-J'vous chasse pas... On préparera votre retour. Si vous besoin d 'un ch'val et d'une calèche, je payerai pour vous, d'accord ? Et peut-être une ou deux bonne âme pour m'assurer que vous rentriez en un seul morceau. Songe-t-il à voix haute.

-Et avant vot' départ, j'vous emmenais en ville. Y'a une taverne où la musique est toujours de bon goût et où les filles aiment chercher un peu de compagnie. Si ça vous tente, on f'ra ça. Propose-t-il, espérant que l'offre séduise L'apothicaire. Pendant un fraction de seconde, il cru que l'homme en face de lui allait s’injurier de son offre, car il le vit être bouche bée.

*Merde, j'ai fais une boulette je crois*  

Courir la gueuse n'était peut-être pas un activité père (spirituel) - Fils convenable ? Ilclaste allait s’apprêter à retirer son offre quand Aubrien, l'accepta, bien toujours surpris.    

Parfait. Voilà donc que cela était décidé, ils iraient, dans quelque jours, chercher un peu de chaleur et d'échange dans les bras de laquoises célibataires...  


 

Le coureur de ses dames, comprenait, en effet, le sentiment de rejet qu’éprouve le chasseur. Exclu par sa propre famille, par ses propres enfants, pour un motif des plus minimes, il s’est retrouvé seul, avec un trou béant dans son cœur et son âme lacérée. Sans le connaître depuis des années, il se doute qu’Ilclaste fut vidé de toute substance après que son amie l’ait banni de son existence, comme un malpropre.

Il se souvient encore de sa rudesse. De ses mots brusques à son égard, pour ne pas subir à nouveau une affliction qui aurait raison de lui. A ce souvenir, un vague sourire se mit à relever les coins de sa bouche.

— Vous n’avez pas à me remercier.

Surtout en sachant que sa vie semblait être meilleure depuis qu’ils parvinrent à bien s’entendre. Par pudeur, Ceadan ne lui dira jamais.

— Bien bien

Fit-il en montrant ses paumes de main à la réaction violente du Sang Blanc au fait qu’il pourrait l’aider à réparer le lien brisé. Puis, son explication, le rassénéra. Il se mit plus à l’aise sur la chaise. Lorsque les mots de son vis-à-vis s’éteignirent, il répondit.

— Je comprends tout à fait. Vous avez raison, Ilclaste.

Et puis, il ne dit mot. Laissant le chasseur s’épancher. Il l’écoute, d’une oreille attentive. Il ne peut empêcher le rouge de la gêne s’installer lorsqu’il parla des marloises. Oui, il connait son talon d’Achille. Les femmes. Et…. Particulièrement leurs pieds. Mais cette information, il évitera d’en parler.

— C’est surtout mon activité que je devrai reprendre. Beaucoup compte sur mon retour. Rassurez-vous… Ilclaste, pas un instant, je n’ai regretté ces quinze derniers jours.

Il se tait quelques secondes. Ses mires orageuses plongèrent dans les abimes voisins.

— Vous ne me devez rien, vous savez ?

Les mots, les mots du chasseur, affectèrent Aubrien au plus profond de lui.

— Merci.

Sous l’émotion, il ne peut dire que ces deux mots. Avoir l’amitié du chasseur le touche sincèrement.

— Et je sais que vous ne me chassez pas. Vous comme moi, devrons reprendre nos vies. Quant à avoir des accompagnateurs, je ne suis pas contre. Cela dissuadera de potentiels bandits.

Aux derniers propos, l’apothicaire se retrouve bouche-bée.

— J’avoue que vous me laissez coi. Je ne m’attendais pas à une telle proposition…  

Après quelques secondes de silence, les pétales de ses lèvres se descellèrent.

— Pourquoi pas.

 

Une heure. Cela fait dorénavant une heure qu’ils sont arrivés dans l’auberge. Assit en face d’Ilclaste, Aubrien hausse ses sourcils à le voir conter à trois jeunes femmes ravissantes, ses exploits avec la griffière, avec moults précisions héroïques et fantasmagoriques. Quel enjoliveur. Alors que ses mires se posent sur les différentes tables, il voit une dame qui n’a de cesse de regarder Ilcalste. Sourire relevant les coins de sa bouche, il reporte son attention sur son ami.

— Excusez moi de vous déranger, gentes dames, Ilclaste, mais je pense qu’une jeune femme est intéressée par toi.

D’un mouvement de la tête, il lui montre la table en question.

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Adossé contre l’imposant bar en pierre, une choppe à la main, Ilclaste, raconte, non sans enjoliver un peu la vérité, son aventure avec la griffière à trois jeunes femmes, toutes très charmantes. Il y a Agatha, une couturière avec ses jolies tâches de rousseurs qui boit son récit, oscillant en émerveillement et horreur et puis Jonatyne, la pêcheuse, qui le regarde avec cet air un peu septique de ceux qui demandent à voir les cicatrices avant de vraiment croire à l'histoire, et enfin il y a Lilas, qui n'écoute que pas politesse, car elle n'est pas du genre à s’émerveiller des récits sanglants.

Plus réservée, Ilclaste n'est pas suffisamment aveugle pour ne pas voir que c'est vers Aubrien qu'elle coule des regards discrets et curieux...

-Tu veux vraiment me faire gober que tu as survécu à une attaque de griffière ?! Ouais, et moi j'ai vu le poisson doré du Lac Prospère ! Lance moqueuse, Jonatyne, qui a été trop habitée par ses frères, a entendre des récits aussi héroïques qu'ils sont inventifs, pour se laisser berner.

-Tout just Jo' ! Et si tu me crois pas, regarde moi ça. Lance le chasseur en remontant sa chemise pour exhiber les hideuses cicatrices que la bestiole lui a laissées. Le spectacle fait grimacer la dite Jo', Agatha, elle lâche un cri horrifié pendant que Lilas, détourne pudiquement les yeux du spectacle.  

-C'est pas beau à voir hein ? Aubrien peut vous le confirmer, ouvert, c'était encore plus moche à voir. Heureusement, il est apothicaire. C'est grâce à lui si j'suis pas mort de la fièvre.
En vérité, c'est grâce à Naâme, mais Ilclaste tient à laisser à son ami une place de choix dans le récit. Jo, la preuve sous les yeux, est enfin convaincue de la véracité du récit et Ilclaste a le plaisir de voir son sourire septique fondre comme neige au soleil. Il a piqué sa curiosité, il le sent. C'est un début de victoire, car il en faut beaucoup pour impressionner cette enfant du lac, et l’impressionner, c'est ce qu'il veut, car c'est avec elle qui espère passer la nuit. Il s'apprête à sortir la phrase qui doit harponner la pêcheuse, mais c'est sans compter l"intervention d'Aubrien.

"Excusez moi de vous déranger, gentes dames, Ilclaste, mais je pense qu’une jeune femme est intéressée par toi."

La nouvelle surprend le chasseur, non sans flatter son orgeuil. Mais il a à peine le temps découvrir le visage de la dite "femme" que Jo' lance un désinvolte...

-Oh non l'ami, "ça", c'est juste Athina.  Elle s'interesse pas à Ilclaste. Elle doit sûrement être là parce qu'elle lui a dégotté un contrat, voilà tout. Les hommes ne l’intéressent pas si vous voulez mon avis, elle doit préférer les femmes.

La remarque gifle Ilclaste plus fort qu'il ne l'aurait imaginé... Déstabilisé par le retour de la chasseuse, il est aussi désarçonné de découvrir l'avis que Jo' nourrit à l'encontre d'Athina. Athina ? Aimant les femmes ? C'est complètement impensable. Impossible.

Il croise le regard hétérochrome et indéchiffrable de la chasseuse, qui le glace sur place. Sans qu'il ne comprenne vraiment, il sent la colère monter et il plante à son tour ses prunelles marécageuses sur elle. Sa poigne se referme sur la choppe. Il a envie de lui sauter à la gorge : "Putain où t'étais passée ?!"
Mais il s'est promis de s'en foutre... De ne pas se laisser, envahir par la rancœur... Plus complexe à dire qu'à faire... Il respire profondément alors que ses oreilles bourdonnent. Ses propres émotions le surprennent, alors qu'il pose, brutalement sa choppe sur le comptoirs.

-Il'... ça va ? S'inquiète brusquement Jo' en voyant le chasseur renâcler comme un étalon furieux...

Athina. Ce prénom ne lui est pas étranger. Il l’a déjà entendu quelque part, il en est certain. Il cogite. Il fouille dans sa mémoire. Il essaie d’intercaler un visage sur ce mot. En vain. Non… Il n’est pas celui de ses connaissances ou des dames qu’il a courtisé. Alors pourquoi cela lui semble familier ? Puis l’aveu d’Ilclaste perce le voile de sa souvenance. Il semble avoir été énoncé par le chasseur alors qu’il se confiait à lui.

Assuré qu’il s’agit bien d’elle, la curiosité piquée, intrigué, par celle qui a osé laisser une plaie suppurante dans le cœur de son ami, les orbes célestes d’Aubrien se dardent sur Athina. Le visage indéchiffrable, il l’observe. Il ne décèle pas le mal dans ses pupilles. Dans sa façon de regarder le chasseur. Que ressent-elle ? Quelle émotion charrie son sang ? Il l'ignore.

Alors qu'il darde toujours ses lagons azuréens sur l'indifférente, le chasseur frappe sa chope contre la table. Le geste, dicté par la colère, par la tristesse et le dépit, ramène l'attention du coureur de ses dames sur le quatuor. Plein de compassion pour le Sang Blanc, il hésite à poser sa main sur son épaule. Il se contente de tremper ses lèvres dans la boisson. Puis, lorsque la pinte retrouve la table, il considère Jonatyne.

— N'ayez crainte gente dame. Il va « bien ». C'est juste une situation que nous n'avions pas prévu en venant ici.

Ses abîmes perçantes viennent s'apposer sur le chasseur.

— Ne laissez pas vos émotions vous commander. Repensez à ce que vous m'aviez dit, Ilclaste.

Sa voix, neutre au possible, pour ne pas raviver d'avantage la fureur de son vis-à-vis, il poursuit.

— Si vous laissez la rage parler, tout sera sûrement perdu. Vous ne pouvez pas vous permettre de commettre une erreur fatale.

Il sait que c'est plus facile à dire qu'à faire. Mais, que peut il faire d'autre ? Aller la voir ?







 

Un silence pesant s’est installé depuis ses derniers mots. Ilclaste malgré tout, garde ses pupilles rivées sur Athina, comme envoûté, absorbé par sa présence. Ses prunelles sont lourdes de reproches, de non-dit, de douleurs. Ceadan craint qu’il se lève. Qu’il dévore l’écume aux lèvres, la distance qui les sépare. Qu’il déverse son acide, ses mille et un ressentis sur la jeune femme, qui semble elle aussi en proie à ses tourments. Mais rien ne vient. Il est ancré à son assisse.

— Ilclaste ?

Jonatyne, en même temps qu’elle l’interpelle, passe sa main devant ses yeux. En vain. Le chasseur ne fait pas mine de réagir. Il ne quitte pas du regard celle qui fit une plaie béante dans son cœur. La pêcheuse pose ses mires sur l’apothicaire.

— L’ami ? Tu sais ce qu’il a ?

Le coureur de ses dames fait un sourire sombre.

— En effet, ma chère. Mais, tout secret se doit d’être scellé. Vous comprenez ?

Si l’enfant de la mer hausse les épaules, Lilas s’est rapproché un peu d’Aubrien. Elle apprécie sa verve, ce qu’il dégage. Mais elle n’ose pas encore prendre la parole. Elle est plus effacée que la pêcheuse. Elle se contente pour l’instant de l’observer.

Alors qu’il venait de remarquer l’intérêt qu’elle lui portait, un brouhaha attira son attention : des mots rustres, sans élégance aucune, puis une lutte. L’homme a terre, qui se fit porteur d’oiseau de mauvais augure, recevait par dizaine les coups de la chasseuse.

— Ilclaste, mon cher ami, il faut que nous l’arrêtions.

Mais, le Sang-Blanc ne réagit pas sur l’instant. Choqué par la violence de la jeune femme, il ne lui répond pas. Voyant cela, Ceadan se lève. Il va à la rencontre d’Athina.

— Il a eu son compte, ma chère. Cessez.

Encore un coup sur le visage du malheureux. Comprenant que les mots ne feront pas effet, il cherche à l’empoigner.

 

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La bataille entre lui et Athina avait été silencieuse... Faite de regards qui refusent de se lâcher, comme si le premier qui se détournerait confesserait sa culpabilité.

Et brusquement,tout bascula. Sans qu'il ne comprenne ce qui s'était passé, le pourquoi ou le comment, Ilclaste vit la jeune femme se désintéresser de lui pour échanger avec un "couple" non loin de là et la seconde d'après, il l'a vit fondre sur l'homme et lui envoyer son poing dans la figure.

Enfant du Gravorn, Ilcaste avait été habitué à ce genre de spectacle. Ils avaient fait son quotidien... Mais ce qui était courant au Gravorn l'était bien moins ici... En témoigne cette taverne toute entière qui reste paralysée devant la scène, incertaine sur le fait de devoir intervenir, hésitante sur le comment...

A Borderoc, on aurait déjà commencé à parier. Peut-être même aurait-on scandé le nom d'Athina au rythme des coups qu'elle abattait sur le visage déjà ensanglanté de l'Homme.
Oui, comme une sorte de refrain sinistre, avec les pintes qui s'entrechoquent pour accompagner le chant des os qui se brisent. :  


Combien de fois Ilclaste avait assisté à ce spectacle ? Hein combien ? Il avait perdu le compte... Alors pourquoi, aujourd'hui, restait-il paralysé devant cette violence soudaine ?

Il regardait, les yeux ronds, la femme qui l'avait recueillit, refaire le portrait d'un gars qui tentait vainement de protéger son visage de la pluie de coups qu'elle lui assénait.

Est-ce là, le sort qu'elle lui réservait,à lui aussi pour la "trahison" dont elle l'accusait ?

Par les Dieux jamais il ne l'avait vue dans un tel état ! Jamais il ne l'aurait imaginé capable d'une telle violence ! Si bien que ce fut Aubrien qui dû le sortir de son choc en lui indiquant qu'ils devaient faire quelque chose. C'est en voyant le boiteux se diriger vers la scène qu'Ilclaste reprit ses esprits. Boitant toujours aussi quelque peu, il n'en avala pas moins la distance qui le séparait de la scène. Aubrien tentait de calmait Athina, mais le résultat n’était pas assez efficace, et elle ne s'arrêtait pas.

Alors, porté par l’adrénaline, Ilclaste attrapa la "pauvre" victime par sa chemise et la traina de toutes ses forces hors de portées des griffes d'Athina. L'homme baignait dans son sang et les mains d'Ilclaste en étaient déjà couvertes quand il remarqua que la chasseuse s’apprêtait à revenir à la charge. Alors, sans vraiment réfléchir, il s'interposa, exposant dans un geste d'apaisement, ses paumes ensanglantées à la jeune femme, alors qu'il lui hurlait :

-ATHI ! Ça suffit !!! Tu vois pas que tu vas le tuer?!

Et, alors qu'il croisait le regard furibond de la jeune femme, Ilclaste entendit la voix moqueuse de Ludivine, qui ronronnait quelque part dans sa tête une question qui sonnait comme : Tu fais bien ça. C’est une habitude de croiser la mort ?    

Les mots ne sont qu’un écho dans l’esprit de la jeune femme. Aubrien, s’en doutait en voyant la transe d’Athina. Bercée dans une tendre folie, une douce violence, les susurres ruisselent sur elle, comme la pluie sur les vitres. En l’empoignant, il cherche le regard d’Ilclaste. Tout bas, il souffle « merci » avant de se voir projeter au loin. Les quatre fers en l’air, il eut plus mal à sa dignité que sa boiteuse. Par chance, il ne frappa pas le sol avec sa jambe handicapée.

Alors que la réalité touche la chasseuse, un client, dans la force de l’âge, relève l’apothicaire, en le maintenant fermement par le bras.

— Ça ira l’ami ?

Ceadan, à nouveau debout, se dépoussière.

— En effet

Son vis-à-vis observe Aerys et tourne son doigt près de son crâne, signifiant tacitement qu’elle est folle.

— Toute violence à son explication. Tout action ne peut être commit sans raison.

L’homme le regarde, les yeux remplient de surprise.

— Et bah mon vieux, vous n’être pas rancunier.  

— Pourquoi le serai-je ? Elle a agit par auto-défense. Je vais prendre maintenant congé de vous.  

Avant de rejoindre Ilclaste, le coureur de ses dames, paye leur consommation.

— Ilclaste, partons.

Il observe les jeunes femmes qui étaient venues à leur rencontre.

— Désolé mes dames, notre héros et moi-même devrons partir.

Si Jonatyne pousse un gros soupir, pour montrer son dépit, Lilas se fait plus discrète. Quant à Ilclaste, il montre par sa moue, qu'il ne ressent pas l'envie de quitter leur charmante compagnie.

— Vous êtes-surs que vous ne pouvez pas rester ?

— Oui

Répond t-il catégorique. Aubrien s'inquiète pour Athina. Lorsqu'ils sortent, ses craintes sont là. Les larmes roulent sur ses joues. S'il est touché par ce spectacle, cela ne semble pas le cas du Sang-Blanc. Il commence à partir.

— Ilclaste, elle a besoin de vous. Donc ne faites pas votre mauvais bougre. Allez-y. Je vous attendrai à la chaumière.

Il lui offre un sourire conciliant avant de prendre la direction de la demeure du chasseur.

 

>Il était une fois un 25-26 Cellune 1100 aux abords de Lackness Information hors-RP :  
Information lancers de dés : RAS
Il s'était vu se prendre le poing en pleine tête. Tout son corps, déjà, se préparait à l'impact. Elle allait frapper, déverser sa colère sur lui et il savait qu'il n'était pas prêt à cela, ni physiquement, ni moralement, mais que fatalement cela serait inévitable.

Elle avait armé son bras pour frapper. Lui retenu son souffle et le temps avait marqué un arrêt, comme une hésitation temporelle avant un instant déterminant...

Son regard, planté dans celui de la jeune femme, Ilcaste vit alors une lueur s'allumer et l'instant d'après, elle avait arrêté son geste sans qu'il n'ose vraiment y croire. Il vit des larmes perler aux coins des yeux si mystiques de la chasseuse, et osa enfin reprendre sa respiration, sans que pour autant un seul mot n'ait franchit ses lèvres.

Quelqu'un s’empara d'Athina et la fit reculer. Ilclaste, le coeur encore martelant, reprit conscience de son environnement.

*Aubrien !*

Songea-t-il en cherchant l’apothicaire du regard. L'homme avait été remis sur pied et semblait intacte.

Les jambes flageolantes, le chasseur senti la suée froide qui lui trempait l'échine.  

*J'ai besoin d'une bière*  

Voir même deux et pourquoi pas trois.

-Ilclaste ! S'écria Jonathyne, suivie par Lilas et Agatha. La pêcheuse, première arrivée à sa hauteur, prend son visage entre ses mains, et Ilclaste doit réprimer un geste de recule pour plaquer sur ses lèvres un sourire d'une confiance désarmante qu'il est loin de vraiment ressentir.

-Tu n'as rien ? Elle ne t'a pas touché ? Lui demande-t-elle en lui palpant les paumettes et la question donne la force à l'ancien Vornois de dissimuler son émoi.

-J'ai vu pire. Fanfaronne-t-il en se dégageant doucement de son emprise. La vérité est que son contact, pour une raison qu'il ignore, le hérisse. Il cherche sa pinte des yeux, parce qu'il a vraiment besoin de la descendre cul sec pour arrêter l’imperceptible tremblement qui l'agite, mais Aubrien arrive à cet instant et les intime à partir.

*Quoi ? Non !* Songe-t-il. A-t-il seulement la force de marcher...

Mais l'apothicaire est décidé et Ilclaste n'a même pas le temps de protester que son boiteux compagnon ouvre déjà la voie.

-Désolé les filles. Vous savez comme c'est les Marlois... Un peu de violence et ils sont tout chamboulés... Glisse-t-il, dissimulant dans sa moquerie envers la Grenouille, son propre état d'esprit.

-Marlois ? Demande alors Lilas, d'une voix curieuse.

-Ouaip, et pas n'importe lequel. C'est un enfant du savoir... Ajoute-t-il en voyant la demoiselle ouvrir grand les yeux, impressionnée par la nouvelle.

-D'ailleurs, il rentre bientôt chez lui... Passe donc à la chaumière pour lui déposer un petit paquet de tes biscuit au miel Lilas, je suis sûr que ça le réchauffera sur la route. Improvise-t-il en se demandant si la timidité de la demoiselle sera plus forte que l'attirance manifeste qu'elle éprouve envers le Marlois.

En attendant, Ilclaste doit quitter les lieux et en emboitant le pas d'Aubrien, il réalise qu'il ne s'est même pas inquiété du gars qu'Athina a attaqué. Il découvre du coin de l'oeil, qu'on s'occupe de lui. Tant mieux, mais ça va s'en dire : sa gueule d'amour en a pris un sacré coup et déjà son visage a enflé, lui donnant l'allure d'une framboise.

Dehors, la froideur est saisissante et le chasseur force lle pas pour arriver à hauteur d'Aubrien, bien décidé à lui demander pourquoi il a mis fin si brutalement à cette soirée. Mais, les mots n'ont pas besoin de franchir ses lèvres, car son regard tombe sur ce qui a motivé le départ du Marlois : Devant lui, Athina est à genoux, au sol, les joues souillées de larmes, le corps silencieusement secoué par des sanglots.

Ilclaste se figea, foudroyé par l'émotion qu'une telle vision éveillait en lui, mais refusant obstinément de la laisser prendre le dessus. Jadis il savait si bien le faire : fermer son coeur, le barricader,  qu'il reste muet et imprenable...

Les couilles et le coeur, voilà les deux choses qui avait perdu trop d'hommes avant lui, et il s'était juré de ne jamais faire les mêmes erreurs. Une promesse sur laquelle il était revenu en décidant de devenir un vrai "Lacquois", un engagement qui avait perdu toute sa superbe dès le jours où il avait croisé la route d'Athina, quand, malgré la méfiance qu'elle ressentait, elle l'avait aidé...

Alors, aujourd'hui, débout face à Elle, il ne savait pas comment réagir. Son coeur Lacquois voulait la prendre dans ses bras mais son esprit Vornois lui soufflait qu'elle était vulnérable et que c'était l'occasion rêver de prendre le dessus, qu'il tenait l'occasion de se venger.

Alors, déchiré entre celui qu'il avait été et celui qu'il avait voulu être, Ilclaste ne savait plus celui qu'il devait être, à cet instant précis. C'est dans l’incertitude que germe la lâcheté, ainsi décida-t-il de tourner les talons... Oui, il allait fuir. Fuir cette terre de mensonge, ce rêve stupide, et partir, il ne savait où... Là où la tentation de La blesser n'aurait plus de sens, là aussi où lui-même ne pourrait plus s'écorcher sur l’affection trop grande qu'il s'était autorisé à ressentir pour elle.

Oui...Fuir... Fuir, à moins que...

Une main se pose sur son épaule. Le saisie suffisamment fermement pour le stopper, assez délicatement pour ne pas le brusquer.

Salvateur, Aubrien l'a rattrapé pour le rappeler à ses devoirs :

Elle a besoin de vous. Je vous attendrai à la chaumière.

Le museau pointé vers le sol, Ilclaste ne lui concède qu'un imperceptiblement hochement de tête, avant d'entendre la démarche boiteuse du Marlois s'éloigner.

Un silence tombe, sans que rien ne se passe. Le chasseur n'ose pas relever les yeux vers la jeune femme. Il a peur de croiser son regard inonder de larme, et qu'elle voit le sien qui déborde sans qu'il ne parvienne à le contenir d'avantage, car lui aussi, il pleure.

Dans un murmure sa voix, perce enfin le silence, tremblante, hésitante, comme si elle ne savait pas vraiment comment faire quand il faut exprimer, sincèrement, ce qu'on ressent.

-J'ai... J'ai cru que tu m'avais fuis... Pourquoi t'as... Pourquoi tu m'as pas dit... Ton séjour pour Albatra... J'savais même pas si tu reviendrais... J'ai cru que tu m'avais abandonné... Et la griffière... Elle a failli m'avoir... J'me suis vu crever, seul. Pourquoi t'as fait ça ?!
Sentant-il bredouiller, alors qu'à son tour, il tombe à genou, relevant son regard ruisselant vers elle.

-J'avais besoin de toi Athi... Tu comprends pas, sans toi... j'ai trop peur de redevenir... un monstre. Confesse-t-il alors que sa main va se poser à tâtons sur celle de la jeune femme.

-Athi, laisse moi une place... Je t'en supplie... Laisse-moi une place dans ta vie. J'veux devenir quelqu'un de bien...