[6 follune 1100] Un convoi peut en cacher un autre

Un convoi peut en cacher un autre

[6 follune 1100 ]

Trois semaines, trois putains semaines que Rose avait été sommairement écartée de sa brigade qu’elle mène à couteau tirés depuis plusieurs années. Trois semaines qu’on lui a retiré son insigne de patrouilleuse-en-chef, trois semaines qu’elle fait les sales besognes qu’on lui impose… Mais surtout, vingt-et-une saloperie de journées qu’elle est obligée de se farcir un péquenaud qui a l’audace de vouloir devenir maître-morgg et prendre sa place !

En plus c’était un vrai con ! On dit souvent que les animaux ressemblent à leur maître et bien pour le coup, il n’y avait pas plus animal que ce petit enfoiré ! Le chien – ou le morgg – est un animal intelligent, capable d’apprendre et de retenir des ordres si tant est qu’on prenne le temps de le former. Et bien se type-là était de l’exact même acabit… Un putain de chien-chien droit dans ses bottes prêt à lécher le trouffion du chef de caserne s’il le fallait ! Rose était intimement persuadée qu’il avait gravit les échelons en promotion canapé…

Il était un de ses « élèves », bien entendu le plus prometteur et Rose le détestait. Certes, suivre les ordres étaient la base des Lames de Saphir – c’était bien pour cette erreur qu’elle était punie à la base – mais elle estimait que la prise d’initiatives était une compétence indissociable du métier de Lame de Saphir ! Ils n’étaient pas de simples moutons marionettisés, merde ! Ce petit merdeux excellait dans tous les domaines et ne dérogeait jamais à une règle… Il ne prenait jamais part aux soirées de beuverie, se couchait – lorsque c’était possible – en-même temps que les poules et était sur le terrain d’entraînement dès l’aube. Il n’avait aucune discussion, aucun hobby, aucune caractéristique intéressante autre que celle d’être Saphir.

La jeune femme se sentait donc doublement punie de devoir former un type qui – outre sa facultés à pouvoir se faire obéir d’un morgg – était son exacte contraire. C’était quand même elle qui avait créé la brigade morgienne et en avait défendu l’existence devant la duchesse, merde !

Folle de rage, Rose était tout simplement folle de rage alors lorsqu’elle avait enfin un peu de répit elle n’hésitait pas à aller se défouler en compagnie de Corbac dans l’arène d’entraînement et parfois même en ville. Bon, cela étant, en ville elle ne faisait pas plus de vague qu’elle l’aurait voulu, il ne fallait pas en plus que Corbac se fasse euthanasier à cause de la colère de sa maîtresse… Ou pire, qu’elle soit définitivement radiée des Saphir ! Mais elle prenait un malin plaisir à faire peur aux gosses et aux vieillards… ! Ça lui donnait un peu de baume au cœur en fin de journée… Et elle rongeait son frein en restant professionnelle dans les tâches – aussi ingrates et punitives soient-elles – qui lui avaient été confiées… Elle ne désespérait pas de garder sa place et que le petit con soit envoyé dans une autre ville pour gérer une autre brigade morgienne !

Oui, c’était ça : il n’allait pas prendre sa place, il allait répandre la voie des morgg dans le duché…

Rose se le répétait souvent mais ça ne réduisait pas pour autant sa colère.
Ceci-dit, en ce 6 follune 1100, elle était sortie de la caserne – Corbac en laisse-muselière – dans un état d’esprit plutôt serin… Corbac avait blessé le morgg du petit con dans leur chenil et ce dernier avait donc passé la journée à soigner son animal, laissant de ce fait Rose plutôt tranquille… Enfin, elle avait été reléguée a de basses besognes mais elle préférait faire ça plutôt que de se farcir l’autre merdeux… ! Elle avait donc suivit les ruelles jusqu’à la place principale de Borderoc où elle aimait flâner et écouter les conversations – mais surtout voir les visages effrayés des gentes dames et damoiseaux à l’approche de son morgg.

Mais ce soir-là, la place était si noire de monde qu’elle aurait eu du mal à s’y faufiler si Corbac n’était pas avec elle. Un héraut ducal et sa cohorte avait pris place au centre, juché sur la haute estrade qui servait aux annonces publiques. Rose arqua un sourcil, était-ce donc déjà terminé… ?

Ecartée des missions réellement importantes, elle n’en laissait pas moins traîner ses oreilles et avait appris des choses intéressantes… La capture de la renégate qui avait été l’étincelle du massacre des jeux d’affrontements avait été annoncée quelques jours auparavant et depuis une liesse s’étaient emparée de la plus part des Lames de Saphir. Une brigade avait été spécialement créée et été partie en chasse des Masques Maâlistes. Si Rose n’avait pas été punie il était bien évident qu’elle en aurait fait partie… Elle s’en été d’ailleurs mordu les doigts pendant plusieurs jours avant de finalement entendre raison. Au moins elle n’aura pas risqué sa peau… ! Toujours était-il que le héraut richement vêtu était sans aucun doute celui de la duchesse – voir de la famille royale – et allait sans aucun doute aviser le peuple d’une très grande nouvelle… !

Elle fit donc s’asseoir Corbac – entre ses jambes, main au collier – lorsqu’elle se décida assez proche – il lui fut drôlement aisé d’atteindre une bonne place grâce à ce cher morgg… Ses prunelles rosées levées vers l’homme qui avait commencer à parler, elle était plus concentrée qu’un prestidigitateur sur son chapeau à lapin.

Et la vérité tomba : la grand prêtresse des masques avait été retrouvée et s’était donné la mort en se laissant aller à la malédiction de Kamaâl. La jeune femme ne put retenir un rire jaune.

- Quelle imbécile… Et tu crois qu’il va bien te recevoir aux Terres Ardentes ? Tu n’as même pas essayer de te battre ! Pauvre lâche, tu as pris la fuite ! Tu n’étais pas digne d’être sa servante, comme tous ceux qui t’ont toujours suivie ! Même ceux qui n’ont pas été assez fous pour briser leur pierre ne sont pas digne de prendre ta relève… Kamaâl a besoin de suppôts investis et prêts à tout pour lui rendre grâce ! Pas de simples ritualistes qui se cachent derrière des masques et arrachent des nouveau nés à leur famille ! avait-elle marmonné, sous la cohue et le tollé ambiant, puis avait craché par terre

Son glaviot atterri sur le beau jupon de la belle dame juste à côté d’elle et Rose prit un air ironiquement contrit après avoir prestement soupiré.

Codage par Libella sur Graphiorum

Ses coursiers s'étaient murés dans le silence, ou avaient cessé de venir. Certains comptes ne voyaient plus d'entrées ni de sorties depuis plusieurs semaines. Dame Olanskalu mentionnait dans l'une de ses lettres qu'une saisie avait même eu lieu dans le sud du Gravorn et qu'elle devait divertir ses investissements, ce qui était une élégante façon de prévenir Mira que les autorités fouinaient de bien trop près dans ses affaires.

Dès son retour de l'arène, elle s'était débarrassée de ses vêtements qu'elle avait brûlés. Elle avait fondu ses bijoux après en avoir retiré les pierres, et à l'exception de la jade qu'elle avait portée en boucles d'oreille, il ne restait rien de ses parures. Son masque avait servi à couler un ornement pour l'épitaphe d'un noble quelconque, ce qu'elle trouvait ironique: un masque maâliste fondu pour embellir une tombe naâmiste. Elle pensait avoir couvert toutes ses arrières: après tout, elle s'attendait à ce que sire Zaler les trahisse et que les jeux des sacrifiés, s'ils réussissaient, aient des retombées dramatiques — et suffisamment chaotiques pour qu'elle s'en serve pour grimper dans la hiérarchie des masques, plus encore.

Bien entendu, lorsque sa servante vint la quérir ce matin-là pour annoncer qu'un héraut de la royauté allait s'exprimer en place publique, le sang de Mira ne fit qu'un tour. Après l'effervescence qui précédait les jeux, le lourd silence qui les suivait, cela n'augurait rien de bon.

L'aristocrate fit donc un effort, choisissant parmi ses atours ceux qui signifiaient le mieux le deuil et la lourdeur, pour paraître affectée par les drames récents, et se para de bijoux en argent sobres pour montrer son statut sans insistance.

Dame Andalie la coiffa et l'aida à se maquiller, puis s'engonça elle-même dans des guêtres sombres et masculines pour rester en retrait. Cela ne valait pas une enragée comme Skadi, mais avec sa canne de duel, la servante pouvait se révéler une surprise suffisante pour quiconque essayerait de voler Mira dans Borderoc, ce qui était tristement courant à certains endroits, surtout du côté de l'arène...

Elles sortirent donc en paire: Mira devant, droite, le port de tête royal, les yeux fixés sur son objectif, les cheveux roux dans le vent ; sa servante dans son sillage, les oreilles baissées comme un félin, le regard fuyant, les cheveux bruns noués dans sa nuque.

Elle aurait pu faire venir une voiture, mais elle se figurait que descendre sur la place ne prendrait que quelques minutes, là où le cocher ne pourrait manœuvrer à cause du monde.

Elle visait juste: la foule était compacte. En s'éclaircissant la gorge plusieurs fois, puis jouant des coudes, elle parvint à s'approcher, certains grimaçant sur son passage, d'autres se courbant en politesses.
Elle finit par engager le pas d'une blonde d'une tête plus haute qu'elle, flanquée d'un molosse peu rassurant: ce qui lui permit d'aller jusqu'à une place de choix sans trop de heurts. Elle perdit sa servante de vue, mais Mira ne s'inquiétait pas: avec ses cheveux miroitants et sa longue robe, elle serait facile à repérer dans la foule et dame Andalie la retrouverait sans peine.

Le héraut était un petit homme fort bien habillé, à la moustache entretenue. L'avait-elle déjà aperçu lors d'un dîner mondain ? Son visage lui rappelait quelque chose. Il ne s’embarrassa pas de formalités et exprima la nouvelle qui l'amenait dans un bref délai, après avoir fait taire la foule. Mais l'annonce arracha des grognements autant que des encouragements autour de Mira: la grande prêtresse des masques était officiellement morte, après une longue chasse menée par le pouvoir. Elle avait brisé sa pierre de vie.

L'aristocrate resta impassible tandis que le héraut énonçait les détails.

Cela pouvait être un mensonge. Après tout, la grande prêtresse devait avoir usage de nombreuses ruses pour éviter d'être trahie, potentiellement en utilisant des doublures. Bien qu'elle n'aie jamais eu proprement à faire à elle, Mira ne doutait pas qu'elle soit d'une intelligence remarquable, pour échapper près de dix ans à toute autorité en commettant autant d'atrocités. De plus, elle s'était toujours figurée la prêtresse comme proche du pouvoir pour cette même raison: comment échapper à la loi sans être noble ?

Cela étant, les évènements récents pouvaient être un signe avant-coureur: les jeux des sacrifiés n'étaient-ils pas une action de désespoir d'une secte poussée à bout ? Les nombreux recrutements suivant le tremblement de terre n'avaient-ils pas amenés leur lot d'informateurs et d'espions ? Le silence et le noir dans lesquels était Mira depuis son passage à l'arène n'étaient-ils pas criants de l'effondrement des masques, de l'intérieur ? L'absence de rentrées financières majeures sur certains établissements et dotations ne montrait-elle pas qu'un pan entier du culte avait cessé toute activité ?

Elle réfléchit. Si c'était faux, cela ne changerait rien. Ses comptes étaient en règle, correctement référencés, ses registres vides de toute trace de la secte même lorsqu'ils ne listaient que son patrimoine. Elle n'aurait aucun mal à plaider l'innocence et l'ignorance, fusse-t-elle arrêtée et son entreprise passée au crible. Elle continuerait de recevoir des missives codées, et se méfierait toujours autant des rendez-vous rituels.

Si c'était vrai, il lui fallait se positionner rapidement — publiquement, elle condamnerait bien entendu les masques, comme elle l'avait toujours fait malgré sa foi ouvertement maâliste, mais en privé, il lui faudrait trouver quels autres pontes avaient été arrêtés, quels noms avaient été divulgués, quelle hiérarchie était encore en place. Il lui faudrait tr—

Son fil de pensée s'interrompit lorsque la blonde qu'elle avait suivie à travers la foule se mit à marmonner.

« Quelle imbécile… Et tu crois qu’il va bien te recevoir aux Terres Ardentes ? Tu n’as même pas essayer de te battre ! Pauvre lâche, tu as pris la fuite ! Tu n’étais pas digne d’être sa servante, comme tous ceux qui t’ont toujours suivie ! Même ceux qui n’ont pas été assez fous pour briser leur pierre ne sont pas digne de prendre ta relève… Kamaâl a besoin de suppôts investis et prêts à tout pour lui rendre grâce ! Pas de simples ritualistes qui se cachent derrière des masques et arrachent des nouveau nés à leur famille ! »

Puis elle lui cracha dessus, tandis que la foule se muait en débordement. Mira s'apprêta à protester, mais sa servante vint lui tirer l'épaule.

« Valez-vous mieux qu'elle avec vos manières et— »

Dame Andalie la saisit par les cheveux, coupant court à sa réplique hargneuse et la sortant de sa concentration. Mira eut envie de lui envoyer une gifle, mais la servante lui pressait désormais la hanche, la forçant à travers la place noire de monde, avec une insistance qui ne souffrait aucune critique. L'aristocrate saisit bientôt pourquoi: les gens rassemblés s'étaient désormais mis à scander des chants, ponctués de huées et d'exclamations vers la délégation sur son estrade, et toute la foule était en train de faire bloc, comme s'ils exigeaient des réponses ou un dû. S'ils devenaient agressifs, cela risquait de mal tourner, elle pourrait finir piétinée comme certains durant les jeux des sacrifiés. Mira entendit un déclic sonore dans son dos, caractéristique de la canne de duel de sa servante qui se décroche de sa ceinture. La main qui lui tirait les cheveux disparut, mais la pression sur sa hanche continuait. La paire se dirigea vers la bâtisse la plus proche, essayant de se mettre à l'abri au plus vite. Dame Andalie lui souffla dans la nuque:

« N'allez pas insulter une Saphir en public. »

Puis elles grimpèrent une volée de marches en poussant plusieurs badauds, pour se réfugier dans un établissement aux belles vitrines pleines de breloques et d'antiquités, ou d'objets insolites allant de montres à gousset aux amphores ornementées. Mira observa la foule derrière la vitre, tandis que sa servante refermait la porte avec prudence.

« N'avez-vous pas écouté le héraut ? La grande prêtresse a évité tout procès, n'a pas été jugée pour ses crimes en se suicidant, mais surtout elle était haut-placée dans l'organisation judiciaire elle-même. Cela peut signifier, potentiellement, que—

— J'ai saisi, répondit Mira tandis que sa cervelle reprenait consistance après la cohue, coupant court aux élucubrations de dame Andalie. Elle a jugé des naâmistes, envoyant en prison ou à la mort des gens qui ne le méritaient pas afin de satisfaire la secte. Ils sont soulagés de la fin des masques, mais vont réclamer que les peines soient revues, en plus d'être insatisfaits de ne pas pouvoir la pendre haut et court eux-mêmes. »

Andalie se contenta d'acquiescer avant de venir lui tendre un mouchoir, ce qui rappela Mira à la dresseuse de morgg. Elle essuya le crachat sur sa robe avec, et la sueur qui perlait à son front, puis elle chercha le visage balafré et son molosse dans la marée humaine de la rue, s'attendant à ce qu'elle finisse victime des quolibets et crachats elle-même à cause de sa prise de parole, même si basse.

« Avez-vous dit qu'elle était Lame de Saphir ? Comment le savez-vous ?

— Le morgg et la cicatrice, grogna la servante en faisant les gros yeux, comme si Mira aurait dû savoir de qui il s'agissait, il y a des dizaines de descriptions concordantes. »

Observant les évènements, Mira se prit à se recoiffer et réajuster sa robe, comme par réflèxe. Au final, si les masques étaient en déroute, sur quoi allait-elle bien régner désormais ? Et pourquoi, par Kamaâl, sa servante connaissait-elle la description des Lames du pays ?

Un convoi peut en cacher un autre

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La gente dame darda vers elle un visage que Rose trouva offusqué – c’était bien le minimum au vue du glaviot sur son jupon – et commença à parler mais son questionnement resta en suspend – bien que Rose eut compris l’idée et ne pu retenir un rire jaune – car une immense femme apparemment croquemite aux vue de la physionomie de son corps et à l’allure tout aussi masculine que Rose venait d’attraper sa belle chevelure vénitienne pour la tirer en arrière. La Saphir ouvrit un regard des plus interloqués tandis que le drôle de couple s’éloignait rapidement d’elle. Tout autour la foule commençait à s’agiter suite à l’annonce du héraut.

Corbac lâcha un aboiement qui fit sortir Rose de ses pensées qui n’y réfléchit pas à deux fois avant d’emboiter le pas des deux femmes qui avaient piqué sa curiosité… Et puis dans un coin de sa tête, son statut de Lame de Saphir ne pouvait tolérer d’être témoin d’une telle démonstration d’agression sur une dame de la haute sphère vornoise. S’il le faut la croquemite avait décidé là de faire de son prochain repas la belle damoiselle et Rose se sentirait responsable de ne pas lui porter secours !

Il lui fut aisé de les suivre – la croquemite faisant parti des hautes statures – et Corbac dont elle avait un peu lâché du mou de sa laisse fondait la foule comme un couteau dans du beurre mou. Comme elle aimait sortir avec son morgg… Elle n’était jamais oppressée, même dans une foule plus dense que celle-ci !

De loin, elle vit les deux femmes entrer dans une boutique de la place et accéléra le pas. En quelques secondes elles fut aux portes de l’établissement et ne refreina pas ses ardeurs, l’ouvrant d’un coup avec un certain fracas, Corbac en avant qui jappa férocement – en miroir de sa maitresse dont l’adrénaline était monté d’un cran.

- Toi là ! La mastodonte ! Que comptes-tu faire à cette dame ?! interjecta-t-elle sans ménagement et d’un ton qui ne laissait rien au hasard, laissant Corbac grogner à sa guise bien qu’elle le retînt par son collier, son autre main sur le pommeau de sa lame

Que la femme soit plus massive qu’elle-même ne l’impressionnait en rien. Elle avait mâté des hommes plus corpulents encore et qui avaient été entraînés au combat.

Codage par Libella sur Graphiorum

Mira tendit le mouchoir sale à sa servante du bout des doigts, qui s'en empara avec une grimace à peine masquée avant de le faire disparaître dans l'une de ses poches. Elle avisa de l'extérieur, maussade. Mira n'y voyait que la foule, dont les voix et clameurs se muaient en bourdonnement à l'intérieur de la boutique. Elle fit un pas vers le comptoir, où trônaient des horloges dépecées, ouvertes, aux rouages sans dessus-dessous, au milieu d'outils de précision. Visiblement, le tenancier était en plein travail lorsqu'il avait été interrompu, ou qu'il soit désormais. Il n'y avait qu'elles deux dans l'établissement.

« Vous pourriez aller voir dehors, proposa Mira en passant les doigts sur l'une des pièces en or, voir si cela se calme, mhm ? »

Mais dame Andalie se contenta de secouer de la tête avant de faire un écart pour ne pas prendre le battant dans le nez ; et une seconde à peine après, la présumée Lame de Saphir l'enfonça à toute bombe. Mira sursauta, écarquilla les yeux et fit un pas en arrière, prête à se réfugier derrière le comptoir, tandis que la blonde grondait aussi viruleusement que son chien:

« Toi là ! La mastodonte ! Que comptes-tu faire à cette dame ?! »

L'aristocrate essaya de reprendre ses esprits, se redressant, lissant les plis de sa robe, s'efforçant de retrouver son air impassible habituel. Sa servante avait eu un recul également, mais s'interposait face au morgg. Heureusement qu'il était encore en laisse, pensa Mira en s'éclaircissant la gorge.

« Voici une drôle de façon de vous excuser, dame, s'essaya-t-elle d'un ton moqueur, mais son timbre de voix trahissait l'inquiétude vis-à-vis du molosse et elle s'empressa de régler ce souci, n'allez pas lâcher votre chien, je vous prie. Il s'agit de ma servante. »

Elle écarta les mains, paumes ouvertes vers la grande blonde, pour montrer qu'elle n'avait ni mauvaise intention, ni besoin d'aide. Elle ne s'approcha pas, cependant. Dame Andalie pourrait bien se faire mordre par le chien si cela lui plaisait, elle ne souhaitait pas perdre une main, ou finir dévisagée comme... Et bien, comme les deux femmes face à elle. La servante l'avait nécessairement remarqué, maintenant qu'elle se tenait prête à matraquer le molosse autant que sa maitresse, à deux mètres tout au plus. Leurs deux visages étaient zébrés sur tout le profil gauche. Les deux étaient aussi hideuses l'une que l'autre, et semblaient toutes deux capables de s'entre-écarteler. Mira aurait misé sur la nouvelle venue, cependant. Sa créature en laisse — elle aussi hideuse, Mira ne faisait pas bien de différences — devait lui offrir un avantage certain.

« Est-ce une réunion de vétérans de guerre et on ne m'aurait pas prévenue ? se moqua-t-elle en reprenant la pièce d'horloge qu'elle effleurait des doigts, pour se forcer à se concentrer. Mes cicatrices à moi ne sont qu'intérieures, j'aime autant vous le dire. »

Elle ne se souvenait pas de ce visage. Ni dans un dîner mondain, ni au coin d'une réunion d'affaire, ni même parmi les gardes des nombreuses demeures qu'elle visitait pour rencontrer les notaires et comptables personnels des nobles du Gravorn. Dans son palais mental, aucun meuble n'avait sa description, aucune pièce ne mentionnait des morggs chez les Lames de Saphir, Mira en était certaine: elle n'avait pas la moindre information sur cette blonde. Comment se faisait-il que sa servante la reconnaisse ? Fréquentaient-elles les mêmes établissements ? Bien sur, quelques rumeurs couraient sur une brigade formée de dresseurs de molosses, mais jamais rien de sérieux ; cela venait de Masques terrorisés, faibles, aux paroles douteuses, à la langue trop bien pendue. Cela semblait bien barbare, même pour des Lames.
Cependant, l'épée que la blonde portait ne laissait que peu de doutes demeurer. Les armoiries sur la garde, le saphir, la qualité de l'ouvrage. Qui plus est, elle semblait bien trop équipée pour être une simple civile, sans même évoquer le dogue. Qui avait les moyens de dresser des morggs, si ce n'était la couronne, ou d'excentriques, riches, peu scrupuleux olibrius comme Zaler, qui cherchaient à se donner contenance en intimidant de manière si grossière ? Or celle-ci ne portait pas de liseré d'or ou de vêtements osés ; elle ne devait pas rouler sur les lieutons, ce qui indiquait la première possibilité.
Mira reconnut que cela avait un fort pouvoir de persuasion, une masse de muscles aussi haute au garrot, tous crocs sortis, prête à vous dévorer. Peut-être les Masques auraient-ils dû tenter d'en apprivoiser pour se faire une réputation plus triste encore ?

« Évitez de l'échauffer, je vous prie, grogna à travers son masque sa servante comme toute réponse, que Mira approuvait après réflexion, avant d'ajouter à son intention, je suis sa dame de compagnie. »

Sa dame de compagnie ? Impassible, Mira opina du chef, comme pour confirmer, mais elle savait ce qu'un tel terme recevrait comme réaction. « Servante » était le langage approprié, celui qu'elle avait donné, celui que les gens digéraient. Une croquemite défigurée, cela se désignait sous une dénomination réductrice, dans une fonction peu gratifiante. Cela correspondait à l'attente générale, celle qui dictait que ces malades soient en bas de la hiérarchie sociétale. Même garde du corps, ou bonne, cela sonnait mieux. Dame de compagnie ? Cela risquait d'éveiller plus de dégoût, voire de la méfiance. Elle toisa la Lame de Saphir, droit dans les yeux, prenant sur elle pour ignorer la gueule pleine de dents impressionnante à quelques mètres d'elle, intéressée par sa réaction. Elle semblait bien agressive et trop prête à... Lui venir en aide ?
L'aristocrate pencha le menton, réalisant qu'elle venait d'insulter quelqu'un lui tendant la main. Soit. Il lui faudrait rattraper cela.

Un convoi peut en cacher un autre

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Sa lame encore pointée devant elle, Rose ne puis s’empêcher d’afficher une expression mi-désappointée mi-irritée lorsque la dame pris la parole.

- Un chien ? Vous traitez Corbac de vulgaire chien ?! vociféra-t-elle, plus courroucée par ce détail que celui où la rousse demandait des excuses

Mais elle n’eut pas le temps de s’appesantir sur les graaaaandes différences qu’il y avait entre un morgg et un simple clébard car la dame avait repris la parole – d’une façon des plus ironiques qui fit tout de même frissonner Rose de rage – sous-tendue par celle qui était donc en réalité sa servante, qui semblait chercher à calmer les esprits de manière bien plus efficace que sa maîtresse… Etrange duo, une croquemite et une noblionne…

- Ah. fit simplement Rose tout en baissant sa lame mais sans pour autant calmer Corbac qui continuer de mugir Pourtant elle vous a agrippé par les cheveux et je suis venue à votre secours pensant qu’elle cherchait à vous détrousser ou pire encore, et c’est ainsi que vous réagissez ? En m’insultant ? Votre « servante de compagnie » passe encore, elle jeta un regard en biais à la croquemite qui portait un masque sur la moitié de son visage ce qui laissait sous-entendre qu’à l’instar de Rose, elle aussi était défigurée, du même coté en plus, drôle de coïncidence mais rien, vous entendez ?! Rien ne vous permet de me traiter de la sorte en attaquant mon physique qui ne vous revient pas ! Est-ce que je vous traite de d’aristo’ superficielle moi ? Non ! ou tout du moins pas en face…

Dire qu’elle s’était échaudée pour être reçut de la sorte… Quelle ironie, ça lui apprendra à faire une bonne action en dehors de ses rondes !

- Mesdames, je vous en prie ! fit soudainement celui qui semblait être le propriétaire de ces lieux probablement inquiet pour ses babioles

Le regard toujours défiant, Rose fit tout de même l’effort de faire taire son morgg en lui assenant un coup sur la tête du plat de sa lame avant de renifler bruyamment, montrant son mépris sans l’ombre d’une équivoque.

- Ne vous inquiétez pas bonhomme, il n’arrivera rien à vos breloques… Malgré ses paroles je ne moleste pas aussi impunément les personnes qui m’insultent… pourtant le regard qu’elle dardait sans ciller sur la rousse disait le contraire

Codage par Libella sur Graphiorum

« Un chien ? Vous traitez Corbac de vulgaire chien ?! »

La Lame s'énerva en toute réponse, ce qui était prévisible quant aux paroles que Mira tenait, mais peut-être un poil décevant. D'après elle, jouer avec les susceptibles était comme frapper plus faible: certains adoraient cela pour la sensation de puissance, mais c'était souvent ennuyeux et dépourvu de difficulté. Elle aurait préféré une solide gaillarde moins facile à exciter.

« Ah. Pourtant elle vous a agrippé par les cheveux et je suis venue à votre secours pensant qu’elle cherchait à vous détrousser ou pire encore, et c’est ainsi que vous réagissez ? En m’insultant ? »

Elle hurlait presque pour pouvoir se faire entendre derrière sa créature qui ne cessait de grogner et gronder. Mira se déplaça derrière le comptoir, décidée à ne pas finir en pâtée pour le morgg. Sa servante aurait toute l'occasion de se faire mordre et déchiqueter, et cela lui permettrait de s'échapper. Ensuite, elle porterait plainte et ferait euthanasier cette prétendue Lame et son molosse. Un bon plan d'action. Certes, cela impliquait la mort de dame Andalie, mais ce n'était pas un sacrifice cher payé. Il lui faudrait juste recruter une autre jeune femme pour s'occuper de la cuisine, une qui n'aurait pas envie de l'empoisonner. Ou alors, elle hurlait tout de suite à la tentative de meurtre, ce qui ferait tout un foin ; ce serait distrayant, bien que cela amène tout un tas d'ennuis passables où elle aurait à se justifier. Finalement, la joute verbale aurait été une meilleure option, si cette Lame n'avait pas été si susceptible.

Mira secoua la tête, toujours impassible.

« Votre « servante de compagnie » passe encore mais rien, vous entendez ?! Rien ne vous permet de me traiter de la sorte en attaquant mon physique qui ne vous revient pas ! Est-ce que je vous traite de d’aristo’ superficielle moi ? Non ! »

Mira leva un index pour intervenir, décidée à en placer une parmi les aboiements. Une aristocrate superficielle ? Voilà qu'on allait s'amuser, elle avait enfin du répondant ! Mais elle sursauta quand une voix bourrue résonna à sa droite, depuis le fond de la boutique. Elle s'interrompit et loucha sur le petit homme qui descendait le long du rayonnage, visiblement atterré par la scène autant qu'inquiet de voir son magasin en être le théâtre. D'où sortait-il ? Elle était persuadée que la boutique était vide, avant l'arrivée de la troupe de choc au cœur noble de sa Royauté.

« Mesdames, je vous en prie !
— Ne vous inquiétez pas bonhomme, il n’arrivera rien à vos breloques, répondit la Lame. Malgré ses paroles je ne moleste pas aussi impunément les personnes qui m’insultent...
— Soit. Je vous remercie d'être venue à mon secours, c'est aimable à vous. Mira esquissa un sourire poli pour souligner ses paroles tandis qu'elle reposait la pièce d'horloge sur le comptoir derrière laquelle elle était. Andalie abaissa son arme, comme si elle s'apprêtait à témoigner de la paix entre les deux femmes, mais Mira reprit. Cependant, j'apprécie autant votre agressivité et votre menace actuelles que le crachat précédent. Dans le cas où vous ne saisiriez pas ma tournure de phrase, cela signifie: pas du tout. Ce serait dommage d'avoir volé à mon secours pour m'égorger ensuite, non ? Si vous vouliez bien envoyer votre chien-chien molester le bas-peuple dehors plutôt que nous, nous vous en serions éternellement reconnaissantes, et nous pourrions nous adonner à des activités plus stimulantes, comme s'envoyer des bordées d'injures. J'aime bien « aristocrate superficielle », cela me va bien. Que diriez-vous d'un surnom pour vous ? Quelque chose comme...
— Par Kamaâl, voulez-vous finir dévorée ? » grogna dame Andalie en relevant sa canne de duel une nouvelle fois, désemparée face au jeu Mira.

Celle-ci continua de sourire, amusée par tout ce cirque. Deux maîtresses, deux créatures prêtes à s'entre-dévorer pour elles, et un arbitre ; cela ressemblait aux combats d'arène.

« Que voulez-vous que je vous dise ? Elle semble si facile à piquer, c'est comme l'envie de dérober un verre de vin lors d'un banquet et blâmer le serveur, c'est irrésistible. On se demanderait presque qui est la maîtresse entre elle et le chien. »

Mira insista, bien entendu, sur le mot « chien » qui semblait avoir fait mouche plus tôt. Les mains libres, postée derrière le comptoir, avec Andalie et le propriétaire devant son agresseur, elle estimait ses chances de sortir et courir dans la foule correctes. Si elle hurlait, elle attirerait assez l'attention pour que cela ralentisse la Lame, si celle-ci se lançait à sa poursuite. Bien sur, dame Andalie perdrait son combat contre l'énorme mastodonte de muscles qu'était ce morgg, mais cela valait bien le divertissement. Ou alors, elle pouvait calmer l'atmosphère en se montrant aimable ; mais ce serait bien moins distrayant. La Lame et Mira se feraient des excuses penaudes, se serraient peut-être la main dans un malaise palpable, palabreraient des « au-revoir, oui, et une excellente journée à vous aussi, madame ! » dénués d'intérêt... Certes, cela lui permettrait de retourner rapidement à son panier d'ennuis, les Masques et leur chute, son avenir et son pouvoir désormais disparus, mais Mira n'avait pas hâte d'y réfléchir. Après tout, finir dévorée ne paraissait pas si mal comme fin, plutôt qu'arrêtée par la Royauté, torturée, montrée en procès expéditif et pendue pour le spectacle. Elle avait tout prévu pour qu'ils ne trouvent rien, même avec l'inéluctable trahison de Zaler, mais elle doutait qu'ils s'embarrassent de preuves, dans le fond.

Un convoi peut en cacher un autre

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Un rire jaune s’échappa des lèvres de la Saphir. Ainsi donc la noble dame avait la langue aussi affutée qu’une lame et prenait un certain plaisir à s’en servir…

- Superficielle avec la langue bien pendue, combo gagnant pour une dame de la haute société où tout n’est que ragots et flagorneries captieuses(₁). Vous devez être la reine des pies moqueuses je me trompe ? lâcha Rose, l’insultant cette fois éhontément, rentrant dans un jeu qui lui plaisait fortement, bien loin de ses joutes clinquantes et trébuchantes habituelles

Sous elle, Corbac ne pipait mot et elle détacha le lien qui le maintenait attaché à elle par sa ceinture. Il ne bougea pas plus d’un poil mais Rose le senti frémir, prêt à bondir si elle en donnait l’ordre. Elle s’agenouilla à côté de lui et se mit à lui susurrer à l’oreille.

- Tu as entendu, la dame pense que tu es un bon chien-chien… Elle n’est entourée que de personnes qui la craigne et donc lui obéisse, c’est à se demander qui est le véritable morgg ici… elle tourna ses yeux roses et flamboyants vers la rousse, lui renvoyant l’ascenseur de sa dernière pique, puis elle se releva d’un coup Vous voulez un surnom pour me flatter milady… ? J’en ai plusieurs pour vous… et laissa là son « chien-chien », commençant à avancer vers la noble

Sachant pertinemment que sa « servante de compagnie » n’allait pas rester sans rien faire si Rose approchait trop sa maîtresse, elle tourna vers elle un visage souriant – parfaitement ironique mais qui se voulait rassurant – et lui remit sa lame au fourreau

- J’ai eut toutes sortes de surnoms… Ça allait de la « putain », parce que j’aime beaucoup les plaisirs de la chair, à la « sauvage », parce que j’élève des morggs. elle avançait toujours, à pas lents, comme pour appuyer ses paroles J’ai aussi eu droit à du « lèche-cul », parce que je suis carriériste, du « grands-crocs », je suis en train de vous faire une petite démonstration de mes talents, mais encore « faquin(₂)», « fallacieuse », « gaupe(₃) » et à l’inverse « houlière(₄) », « malappris » ou encore « malotrus », « paltoquet(₅)», etcetera, etcetera… elle était à un mètre de la femme Mais mon préféré reste celui que je me suis octroyé moi-même, il va sans dire… Voulez-vous le connaître… ?

Ses paroles avaient été prononcées d’une voix basse et calme. Cela pouvait présager une tempête comme une simple brise d’été… Dans tous les cas, Rose était réellement en train de s’amuser et ne laissa pas le temps à la rousse de répondre

- C’est la griffière… Assez simplement mais non sans un certain panache ne trouvez-vous pas… ? d’un petit geste elle repoussa une mèche rousse qui effleurait l’épaule de la dame Parce que j’estime ma force de caractère aussi puissante que leurs griffes, et je n’en ai pas moins une combativité redoutable… elle se mit à sourire, un sourire plus franc et amical cette fois-ci Et surtout parce que c’est Kamaâl qui me l’a donné… susurra-t-elle en se penchant un peu, ayant par avant entendu le juron de sa servante

Une lueur indescriptible luisait dans les iris violacées. Entre maâlistes, il y avait de grande chances de se comprendre, n’est-ce pas… ?

Codage par Libella sur Graphiorum

HJ : petit « dico », j’me suis amusée à chercher des insultes moyen-âgeuses x) Et pour t’épargner de les chercher à ton tour si tu n’en connais pas déjà le sens Wink

(₁) Qui tend à tromper, qui séduit par de belles, de fausses apparences.
(₂) Personne méprisable et malhonnête.
(₃) Femme malpropre et désagréable, une prostituée de bas étage.
(₄) Personne qui fréquente les lieux de prostitution
(₅) Personne insolente et prétentieuse

« Superficielle avec la langue bien pendue, combo gagnant pour une dame de la haute société où tout n’est que ragots et flagorneries captieuses. Vous devez être la reine des pies moqueuses je me trompe ? »

Enfin, la balafrée glissait sur son terrain à elle. Plutôt que faire le dos rond, gronder, siffler entre ses dents et menacer de violence, elle se dirigeait là où Mira aurait l'avantage, ou au moins un terrain plus favorable: dans les paroles, les diatribes, les combats de verbe. Oui, Mira était une pie moqueuse. Peut-être n'était-elle pas aussi superficielle qu'elle se laissait dire, mais elle n'avait aucun mal à déverser sa bile et son venin dans le dos des gens ; surtout ceux peu ambitieux, peu réfléchis, trop portés sur le vice qu'elle rencontrait lors de dîners mondains.

La Lame décrocha la laisse qui rattachait le morgg à elle, avant de s'agenouiller à son côté pour lui parler. N'était-ce pas un morgg ? Non seulement il ne devait pas comprendre, si ce n'est le timbre de voix, mais il risquait de considérer cela comme une faiblesse que de s'agenouiller ainsi, non ? Mira n'était pas bien au fait des morggs et de leur façon de fonctionner. C'était d'énormes chiens hideux, violents, probablement prompts au cannibalisme dans la nature ; elle aurait préféré qu'elle le garde en laisse, au lieu de continuer à menacer de violence ainsi. Elle resta derrière le comptoir, bien à l’abri, avec le petit vendeur et sa servante devant: elle tenait à ses bras, elle. Et jambes. Et protubérances, en règle générale. Son intégrité physique valait plus que... Et bien, tout, en réalité.

« J’ai eu toute sorte de surnoms… Ça allait de la putain, parce que j’aime beaucoup les plaisirs de la chair, à la sauvage, parce que j’élève des morggs. Après avoir marmonné à sa créature, elle avait glissé son arme au fourreau et avançait désormais à la rencontre de Mira. J’ai aussi eu droit à du lèche-cul, parce que je suis carriériste, du grands-crocs, je suis en train de vous faire une petite démonstration de mes talents, mais encore faquin, fallacieuse, gaupe et à l’inverse houlière, malappris ou encore malotrus, paltoquet, etcetera, etcetera… »

Mira roula des yeux pour toute réponse. Quel ennui, d'écouter cette liste d'insultes. Tout le monde avait subi de telles ignominies, il n'y avait pas à s'en pavaner. Avec ses épaules dénudés, ses robes mirobolantes, ses parures d'or, l'aristocrate avait subi bien des critiques et quolibets sur sa petite nature ou son manque de respect propre, et elle n'en faisait pas tout un chagrin. Que nous faisait-elle là, de toute façon ? Du Zaler ? Comptait-elle se vanter de s'être construit seule, malgré toutes les brimades, d'avoir atteint un tel rang à sa seule hargne ? Allait-elle devenir violente après son ton bas, presque charmeur, pour terroriser Mira ? Frapper sur le comptoir pour se donner de la contenance, tandis qu'elle divaguerait à voix haute ?
Dame Andalie se tenait toujours proche du morgg, sa canne de duel prête. Que faisait-elle ? Ne pourrait-elle pas barrer la route à cette immonde bonne-femme, au lieu de loucher sur le clebs ? Clairement, elle s'approchait pour la frapper, par surprise.

« Mais mon préféré reste celui que je me suis octroyé moi-même, il va sans dire… Voulez-vous le connaître… ? »

Non, allait-elle répondre, mais la balafrée ne lui en laissa pas l'occasion.

« C’est la griffière… Assez simplement mais non sans un certain panache ne trouvez-vous pas… ? Parce que j’estime ma force de caractère aussi puissante que leurs griffes, et je n’en ai pas moins une combativité redoutable… Et surtout parce que c’est Kamaâl qui me l’a donné… »

Bien, désormais, c'était trop proche. Mira fit un écart, évitant d'être à portée de la Lame. Elle recula, laissant le comptoir les séparer, bien assez pour que cette tarée ne puisse pas la saisir par le cou ou les cheveux. Être tirée par sa servante lui avait bien suffi pour la journée. Une fois sereinement hors de portée de cette illuminée qui tenait ses surnoms de visions ou de rêves, ou que savait-elle encore, s'était laissée déterminer par l'Arche de Passage, elle étira un sourire ingénu, presque naïf sur ses lèvres.

« La greffière ? J'ai du mal à vous voir en robe de juge, dans une salle d'audience, surtout avec votre chien et votre... Euh. »

Mira se contenta d'agiter la main dans la direction générale de la Lame, peu encline à glisser sur un sujet comme Kamaâl avec une représentante de l'ordre de toute façon. Elle continua de jouer l'ignorance.

« Oh ! Ou mentionnez-vous les croupiers dans les établissements de jeux ? L'uniforme vous sied peut-être plus, après tout.
— Ne pouvez-vous pas cesser ces enfantillages, vous deux ? Vous posez toutes deux vos armes, que ça soit vos remarques désobligeantes, dame Noblesang, ou votre menace physique, dame la Griffière ? Vous vous donnez ensuite rendez-vous ce soir, bien habillées toutes deux, fraîches comme des gardons, un poil moins prêtes à vous égorger, pour discuter autour d'un thé et de quelques biscuits ? Avec la foule dehors cherchant des responsables aux massacres et deux adeptes de Kamaâl dedans tout à fait aptes à recevoir le blâme, je souhaiterais ne pas m'éterniser ici. »

Un convoi peut en cacher un autre

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Sans bouger alors que la dame avait-elle reculé sous l’assaut déguisé de Rose, la Saphir laissa ses lèvres esquisser un sourire presque mesquin mais surtout amusé. Il s’étira franchement et elle laissa échapper un rire lorsque la pie-moqueuse reprit du service.

Décidément, cette gente dame était du même acier trempé que Rose… Quoi qu’un poil plus re-luisant…

Sans se laisser le moins du monde atteindre par ces paroles ironiques – qui pouvaient pourtant laisser croire que l’aristocrate était une imbécile à grande gueule – Rose croisa ses bras sur sa poitrine et continua de la fixer sans émettre un seul son. Pourtant, ce fut la « servante de compa-gnie » qui mit fin à la joute. Enfin, qui y tenta, d’une manière des plus amusantes ce qui arracha un nouveau rire guttural à la Saphir tandis qu’elle se tournait vers la croquemite.

- Un thé et des biscuits… ? Pardonnez moi mais, ce n’est justement PAS, ma tasse de thé… répliqua-t-elle amusée de son jeu de mot Une beuverie dans une taverne, ou à la rigueur un café coupé d’eau de vie me plairait plus… Quant à bien m’habiller je crains que mes nippes ne fassent pas l’effet escompté qui siéra à votre noble maîtresse ! elle s’esclaffa de nouveau tout en retournant son regard vers l’aristocrate Mais cette joute verbale me plait bien, et si vous souhaitez une partenaire pour aiguiser vos quolibets vous avez trouvé votre homme… ! Enfin, votre femme… elle se pencha à nouveau vers la noble, par-dessus le comptoir derrière lequel elle était réfugiée et murmura Kamaâl sera sans doute amusé de nous entendre, peut-être qu’après le fiasco de sa secte il sera sans doute ravi que certains de ses adeptes ne se laissent pas abattre et continuent de le glorifier… J’ai toujours pensé que les masques maâlistes agissaient dans la peur, comme si vouer un culte aussi extrémiste allait leur valoir un aller simple pour les Terres Célestes car Kamaâl aurait vu dans leur rituels une foi si dévouée qu’il leur accordera ce sursis… On dit des Terres Ardentes qu’elles ne sont que lieu de tortures éternelles ! Qui donc souhaite réellement y aller une fois mort… ? Et qui donc est-il réel-lement certains que ces terres nous attendent réellement après la mort… ? Personne n’en est ja-mais revenu pour le confirmer… Les Dieux se sont peut-être adressés à nous mais, quelles preuves nous ont-ils réellement fourni sur l’existences de ces lieux… ?

Il y avait dans ses paroles une réalité qu’elle n’avait jamais dit tout haut avant ce jour. Mais ça n’imputait en aucun cas sa propre fois, ni le fait qu’elle ira sans doute aux Terres Ardentes lors-qu’elle se décidera assez vieille pour se laisser aller à la brisure de sa pierre… Et qui sait, peut-être y sera-t-elle bourreau et non torturée… ?

Dans tous les cas, qu’elles soient ardentes ou célestes, le lieu qui l’accueillera à sa mort sera ce qu’elle aura mérité. Elle en était convaincue et se laissait aller à sa destinée avec un certain flegme. Sans doute était-ce parce qu’elle n’en avait strictement rien à foutre… !

Codage par Libella sur Graphiorum

« Un thé et des biscuits… ? Pardonnez moi mais, ce n’est justement PAS, ma tasse de thé… »

Mira resta impassible, mais s'il lui restait un tant soit peu de respect pour cette dame, celui-ci venait de disparaître. Ah ! Qui trompait-elle ? Elle n'avait jamais eu le moindre respect, à y réfléchir. Les jeux de mots de ce genre n'y changeraient rien: non, décidément, cette Lame avait plus en commun avec son molosse que l'aristocrate. Après tout, elle était aussi agressive, aussi peu réfléchie, maniait aussi mal les mots, était aussi prompte à aboyer, et sentait plus ou moins la même odeur. C'en était à se demander comment conjuguait-elle cela avec l'empathie dont elle avait fait preuve en venant s'encourir du devenir de Mira — ou était-ce la perspective de la violence qui la motivait ? L'espoir de pouvoir refaire le portrait de sa servante, cette affreuse croquemite qui attaquait une noble et innocente âme comme Mira ? Tout du moins, en apparence, pour la nobilité et l'innocence...

« Une beuverie dans une taverne, ou à la rigueur un café coupé d’eau de vie me plairait plus… Quant à bien m’habiller je crains que mes nippes ne fassent pas l’effet escompté qui siéra à votre noble maîtresse ! »

Elle riait, et cela lui allait autant que ses « nippes », soit pas du tout. Mira ignorait comment ne pas être acerbe, avec cette collection de moins-que-riens éberlués qui se présentait à elle, les uns après les autres. Entre Voliark Zaler à qui elle ne cessait de penser, sa paranoïa la harcelant, le nabot de comptable de la veille, qui n'amenait que des nouvelles peu reluisantes, et désormais cette femme — cette chose, si tant est qu'on aie pu l'appeler une femme, aussi défigurée, aussi rustre, si peu maniérée —, Mira en venait à regretter amèrement le peu de temps qu'elle avait passé auprès de Skadi. Elle était rustre également, sans aucun respect, sans le moindre intérêt intellectuel, dépourvue de qualités linguistiques ou d'introspection: mais elle brillait de sa rage. Elle était animée. Elle avait un objectif. Et elle savait insulter, bien que Mira ne comprit pas comment elle parvenait à faire mouche. Qu'aurait-elle demandé pour un simple, bref, efficace « ta gueule », au lieu de ronds de flan.

« Mais cette joute verbale me plaît bien, et si vous souhaitez une partenaire pour aiguiser vos quolibets vous avez trouvé votre homme… ! Enfin, votre femme… »

Non, vraiment, ces jeux de mots étaient une atteinte aux bonnes mœurs. Si cela avait été possible, Mira serait retournée sur-le-champ sacrifier des enfants à Kamaâl pour éviter qu'ils ne deviennent de si piètres orateurs en grandissant. Quelle serait la suite ? Allait-elle faire rimer Kamaâl et mal, pour être originale ? Quel lieu commun utiliserait-elle, quelque chose sur les croquemites qui boivent du sang ?

La créature rebutante se pencha par-dessus le comptoir, et Mira fit un effort surhumain pour rester impassible.

« Kamaâl sera sans doute amusé de nous entendre, peut-être qu’après le fiasco de sa secte il sera sans doute ravi que certains de ses adeptes ne se laissent pas abattre et continuent de le glorifier… »

Mira n'aurait su décrire au juste la sensation dans sa nuque. Un froid, peut-être même un picotement. Quelque chose d'effroyablement désagréable, comme si un tortionnaire se penchait sur vous après vous avoir arraché tous les ongles, pour susurrer des mots d'amour: un quelque chose aussi malaisant, horrifiant que déplacé. Un quelque chose de paranoïaque. Était-ce un piège ? Désormais qu'elle estimait avoir obtenu la confiance, ou du moins l'amusement de Mira, la Lame allait glisser sur un terrain dangereux pour la confondre ?

« J’ai toujours pensé que les masques maâlistes agissaient dans la peur, comme si vouer un culte aussi extrémiste allait leur valoir un aller simple pour les Terres Célestes car Kamaâl aurait vu dans leur rituels une foi si dévouée qu’il leur accordera ce sursis… On dit des Terres Ardentes qu’elles ne sont que lieu de tortures éternelles ! Qui donc souhaite réellement y aller une fois mort… ? Et qui donc est-il réellement certains que ces terres nous attendent réellement après la mort… ? Personne n’en est ja-mais revenu pour le confirmer… Les Dieux se sont peut-être adressés à nous mais, quelles preuves nous ont-ils réellement fourni sur l’existence de ces lieux… ?

— Je n'ai pas saisi votre argument. En quoi sont-ils peureux ? »

Mira n'attendit pas la réponse — la question elle-même était rhétorique. Elle se contrefoutait de l'avis d'une Lame, encore plus si celui-ci n'était que destiné à la faire s'épancher sur les masques. Pensait-elle que Mira viendrait à leur défense ? Qu'elle justifierait leurs actions ? Qu'au contraire, elle se précipiterait pour les condamner ? Qu'elle essayerait de prouver que Kamaâl était réel, qu'il attendait d'eux tous mieux que la faiblesse et l'abandon, et que les masques étaient au moins une tentative, ou au contraire, un scandale ?

Mira n'était pas assez bête pour révéler ce qu'elle pensait des masques, encore moins confesser son activité auprès d'eux. La Lame aurait la réponse habituelle: « ce sont des hors-la-loi dangereux, violents, à arrêter ». Bien que désormais, Mira devrait réviser cette dernière partie en quelque chose de plus adéquat, comme « je suis soulagée qu'ils soient mis en déroute, ou pendus, cela tardait trop ». Mais ce serait pour une autre fois ; car Mira contourna le comptoir, envoya un sourire au vendeur en pointant une horloge comme pour le remercier d'avoir laissé ses articles visibles pour les beaux yeux de la rousse, avant de se diriger vers la sortie. Elle prit soin de rester hors de portée du morgg, passant derrière sa servante, avant de tirer le battant extérieur.

« Bien, mesdames, monsieur. Tout ceci était fort instructif, mais j'ai assisté à la criée et je ne souhaite pas m'éterniser hors de mes murs. Si vous avez besoin d'une comptable ou d'une orfèvre, je serais ravie de vous accueillir dans mon établissement. Sinon, elle loucha sur sa servante avant d'ajouter d'un ton moqueur, dame Andalie se fera une joie de boire le thé avec vous, je suppose, ou participer à vos beuveries. »

Sur quoi Mira sortit, relâchant la porte, pour remonter l'avenue vers sa demeure. Seuls les abrutis imprudents comme Zaler se lançaient dans des diatribes dangereuses en public, et elle refusait de finir pendue comme tous ces crétins de masques maâlistes n'ayant pas eu la moindre précaution dans leurs actions — elle se mordait toujours les doigts de ne pas avoir porté de capuche pour masquer ses cheveux lors de cet entretien trois mois plus tôt: jamais plus elle ne ferait de telles erreurs de jugement.

Dans la boutique, Andalie resta comme un piquet face au chien, décontenancée. Elle releva le nez vers sa maîtresse qui se retirait sans elle, encore, la laissant faire face seule, puis lorsqu'elle fut hors de vue, vers la Griffière.

« Mes excuses, grommela-t-elle vers elle. Elle s'est levée du mauvais pied, mais elle a de bonnes intentions, j'en suis certaine. »

Un convoi peut en cacher un autre

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Rose allait répondre à la noble – piquée au vif par sa question – mais cette dernière ne lui en laissa pas la moindre occasion.

Elle était sortie de derrière le comptoir et adressait un regard – et un signe de la main que la Sa-phir ne comprit pas trop – au tenancier de la boutique. La blonde suivait la rousse du regard tout en contrôlant la bouffée colérique qui lui montait au nez comme de la moutarde trop forte. Elle la vit contourner sa servante, l’entendit proférer des paroles condescendantes – la Saphir se de-manda si elles n’étaient pas une menace cachée – puis la regarda sans rien dire disparaitre par la porte.

Serrant les poings, Rose résista à l’envie d’ordonner à mon morgg de lui croquer le mollet. Bouche pincée, sourcils froncés, elle fixait l’entrebâillement de la porte vide sans rien dire. C’est la croquemite qui la ramena à la réalité.

- Ah tu crois ? Si je me présente chez elle toute parée de mes plus beaux atouts elle me traite-ra avec la déférence due à chacun de ses clients ? ses paroles bouillonnaient d’une rage mai-trisée

Elle s’avança rapidement vers Corbac et lui remit sa laisse.

- Tout ceci n’est qu’un simulacre ! Que bouffonneries ! Ta maitresse n’est qu’une personne égoïste et condescendante ! Tu ne devrais pas te laisser traiter de la sorte ! Si tu viens avec moi tu auras certainement meilleur avenir ! Avec ta stature et ta force tu serais une très bonne recrue pour les Lames ! Bon tu aura besoin d’un entrainement, que je suis prête à te donner, j’ai du temps à tuer dernièrement, mais je suis certaine de tes capacités ! Certes, avoir une croquemite dans nos rangs sera sans doute une grande première mais si tu es une domestique aussi servile, je suis tout autant certaine que tu n’as rien de commun avec ce que l’on raconte sur les personnes de ta condition !

Elle avait parlé instinctivement, quelque part pour insulter la noble, quelque part d’une manière totalement franche et croyait réellement ce qu’elle avançait.

Une chose était sûr en tout cas : elle allait retourner voir cette mégère et lui dire sa façon de penser !

Codage par Libella sur Graphiorum

Andalie cachait le tremblement de sa main en serrant le pommeau de sa canne de duel à s'en blanchir les phalanges. Elle craignait que son ventre ne fasse des siennes, se mettant à grogner et barboter tant l'anxiété la dévorait. Lorsque dame Noblesang décida de la contourner et sortir, après une énième cinglante remarque, la servante était sur le bord de perdre ses moyens. Pourquoi fallait-il qu'elle soit ainsi, aujourd'hui ? Pourquoi était-elle si virulente ? Était-ce cette histoire de masques ? Lors des précédentes sorties, durant tous ces mois, pourtant, dame Noblesang avait toujours été calme, respectueuse, montrant un visage presque rassurant. D'où provenait cette soudaine perfidie ? Était-ce la Lame ? Y avait-il un passif entre les deux, qu'elles cacheraient ? Était-ce le morgg ?

Elle loucha sur la créature, toujours prête à bondir, puis la Lame de Saphir. Contrairement à sa maîtresse qui restait impassible en tout point, même apeurée, même en face d'un tel danger, Andalie était incapable de cacher la sueur qui perlait à son front et sa visible tension. C'était le morgg, hein ? Jamais elle n'avait agi comme ça, jamais, essayait de se convaincre la servante, toujours effroyablement mal à l'aise. La Griffière ne semblait pas le percevoir — peut-être ne voyait-elle que sa loyauté ? Après tout, Andalie essayait, comme toujours, d'être le rocher face à la tempête.

« Ah tu crois ? Si je me présente chez elle toute parée de mes plus beaux atouts elle me traitera avec la déférence due à chacun de ses clients ? »

Andalie opina du chef, déglutit. La Lame s'approcha vivement, et Andalie resta le plus immobile que le lui permettaient ses tremblements, pour ne pas déclencher l'ire du molosse. Sa main droite se referma en un poing — déformé, avec les doigts qui lui manquait, mais un poing tout de même, avant de se relâcher. Elle soupira de soulagement en voyant la Griffière rattacher la laisse.

« Sans le morgg, oui. »

Était-ce vrai ? Probablement. Andalie ne se souvenait pas avoir dû chassé qui que ce soit de l'étude ou de l'atelier, dame Noblesang ne refusait pas les clients. Le seul souvenir d'altercation qu'Andalie pouvait se remémorer, l'esprit embué par l'angoisse, était un souci d'odeur. La maîtresse ne voulait pas négocier avec un bougre qui sentait l'alcool et la sueur. Le morgg devait être le problème. Hein ?

Puis la Griffière explosa. Andalie aurait voulu se faire minuscule, disparaître dans un coin du magasin, dans une rainure des rayonnages, loin derrière le petit vendeur.

« Tout ceci n’est qu’un simulacre ! Que bouffonneries ! Ta maîtresse n’est qu’une personne égoïste et condescendante ! Tu ne devrais pas te laisser traiter de la sorte ! »

Andalie se renfrogna, repensant au rocher dans la tempête. Elle se tût, et attendit. Que pouvait-elle faire d'autre ? Elle n'était pas sa maîtresse, elle n'allait pas hurler en retour, elle n'avait aucun sarcasme à répliquer, pas de pique hautaine.

« Si tu viens avec moi tu auras certainement meilleur avenir ! Avec ta stature et ta force tu serais une très bonne recrue pour les Lames ! Bon tu aura besoin d’un entraînement, que je suis prête à te donner, j’ai du temps à tuer dernièrement, mais je suis certaine de tes capacités ! Certes, avoir une croquemite dans nos rangs sera sans doute une grande première mais si tu es une domestique aussi servile, je suis tout autant certaine que tu n’as rien de commun avec ce que l’on raconte sur les personnes de ta condition ! »

Andalie resta muette un moment, fixant la Griffière de son unique œil, le pommeau de la canne toujours serré dans l'espoir que cela lui apporte le moindre réconfort. Comment pouvait-elle calmer la situation ? Est-ce que cela aurait le moindre effet, ou fallait-il s'attendre à ce que toute réponse soit considérée comme un affront, comme son père le faisait ? Devait-elle rester ainsi, comme le disait la Lame, servile ? Elle choisit ses mots, avant de parler d'un ton aussi hésitant que bas.

« Madame la Griffière, je respecte votre avis sur dame Noblesang ou mon statut. Elle n'est jamais si agressive, je ne comprends pas pourquoi elle était ainsi. Elle déglutit, ponctuant sa phrase, avant de reprendre, toujours aussi rigide d'angoisse. Je m'excuse, je suis sincèrement désolée de tout ce qu'elle a pu dire à votre encontre. Je comprends qu'elle vous a blessée. Il serait peut-être préférable que vous vous rencontriez à nouveau à têtes reposées, où vous pourriez toutes deux revenir sur vos paroles et elle pourrait s'excuser, vous ne pensez pas ? Voulez-vous que je lui en parle, que l'on organise quelque chose de plus formel, dans le calme d'un salon ? »

Citation :: HRP: Je me permets de répondre avec la servante, Andalie, puisqu'elle est encore seule présente dans le RP. Je reprendrais Mira si celle-ci revient/les trois se retrouvent.

Un convoi peut en cacher un autre

[6 follune 1100 ]

Au lieu de rebondir sur sa proposition la servante de compagnie ne fit qu’appuyer sur sa posi-tion de chien-chien fidèle, prenant la défense de sa maitresse et pire encore, s’excusant à sa place ! Elle lui suggéra même de se faire intermédiaire et d’organiser une rencontre – où Rose devra se rendre sans Corbac…

C’était presque pire qu’une insulte mais la Saphir se maitrisa – parce que quelque chose chez cette croquemite lui disait d’y aller mollo. Et puis elle appréciait drôlement cette appellation de Madame la Grffière.

- Elle a prit peur, c’est ça son excuse ? grommela-t-elle, laissant tout de même transpa-raitre son agacement Putain Corbac n’a pas bougé d’un iota ! Elle n’avait rien à craindre, et toi non plus ! Je ne suis pas de ceux qui dressent des morggs pour se faire valoir comme elle l’a sous-entendu ! Je les dresse pour qu’ils servent leurs supérieurs ! Autrement dit nous les hu-mains ! Ils ont sans aucun doute été créé par Kamaâl et sa perfidie transparait en eux mais tout comme Naâme a donné aux humains la possibilité de se jouer de son frère, nous avons aussi le pouvoir de faire ployer ces créatures ! Nous avons bien domestiqué les chiens, pourquoi pas les morggs ? Il leur faut juste beaucoup plus de fermeté ! Je suis sûre que si la moitié des foyers du royaume tout entier avait un morgg comme chien de garde il y aurait beaucoup moins de vio-lences conjugales et d’enfants battus ! Chaque personne d’un même foyer pourrait faire passer leur colère et leur violence sur cet animal qui ne se soumet qu’aux brutalités ! Ta maitresse aussi y trouvera sans doute son compte ! Parce que sous ses airs de sainte-nitouche bienséante, sa grande-gueule laisse des sueurs de félonie qu’elle emploierait très bien au dressage d’un morgg ! Et même toi ! Regarde-toi putain ! T’es un colosse ! T’as tout pour imposer ta propre loi mais tu agis comme une fillette tourmentée qui ne trouve réconfort que dans les jupes d’une mère sour-noise et fielleuse !

La portée de ses mots pouvait être prise pour une insulte. Mais ça n’était pas du tout le cas – en tout cas pas consciemment. Rose avait un franc parlé qu’elle ne retenait que rarement et voir cette femme gâcher son potentiel en restant accroché à une maitresse qui ne semblait l’encourager en rien – quelque soit les besoins d’encouragement de la croquemite – l’énervait et quelque part la frustrait pour la croquemite au plus haut point…

Pourtant on ne pouvait pas dire que Rose avait intégré la générosité ou toute forme d’empathie à son caractère…

Codage par Libella sur Graphiorum

« Elle a prit peur, c’est ça son excuse ? Putain Corbac n’a pas bougé d’un iota ! Elle n’avait rien à craindre, et toi non plus ! »

Andalie courba instinctivement l'échine. Elle avait essayé du mieux qu'elle le pouvait d'être polie, positive, de frotter la Griffière dans le sens du poil, mais celle-ci explosait de nouveau. Elle resta figée durant la tirade, le souffle coupé comme si tout l'air ambiant était aspiré par son interlocutrice. Son ventre la lançait, une pulsation aiguë et amère qui remontait le long de sa poitrine, comme un serpent remonte autour de sa proie pour l'enserrer. Son sang ne circulait plus dans la main crispée sur sa canne de duel.

« Je ne suis pas de ceux qui dressent des morggs pour se faire valoir comme elle l’a sous-entendu ! Je les dresse pour qu’ils servent leurs supérieurs ! Autrement dit nous les humains ! Ils ont sans aucun doute été créé par Kamaâl et sa perfidie transparaît en eux mais tout comme Naâme a donné aux humains la possibilité de se jouer de son frère, nous avons aussi le pouvoir de faire ployer ces créatures ! Nous avons bien domestiqué les chiens, pourquoi pas les morggs ? Il leur faut juste beaucoup plus de fermeté ! Je suis sûre que si la moitié des foyers du royaume tout entier avait un morgg comme chien de garde il y aurait beaucoup moins de violences conjugales et d’enfants battus ! Chaque personne d’un même foyer pourrait faire passer leur colère et leur violence sur cet animal qui ne se soumet qu’aux brutalités ! Ta maîtresse aussi y trouvera sans doute son compte ! Parce que sous ses airs de sainte-nitouche bienséante, sa grande-gueule laisse des sueurs de félonie qu’elle emploierait très bien au dressage d’un morgg ! Et même toi ! Regarde-toi putain ! T’es un colosse ! T’as tout pour imposer ta propre loi mais tu agis comme une fillette tourmentée qui ne trouve réconfort que dans les jupes d’une mère sournoise et fielleuse ! »

Puis elle reprit son souffle, et Andalie fit un pas d'écart maladroit, vers la porte. Elle lança un regard désespéré au vendeur, mais celui-ci n'intervint pas. Il n'avait pas l'air rassuré, lui-même. La servante déglutit avec une infinie difficulté, puis secoua la tête. Pourquoi était-elle si brutale, si vile ? Pourquoi dame Noblesang l'avait-elle tant insultée, avait été si antagoniste ? Elle ne pourrait ni l'apaiser, ni lui faire entendre raison — c'est à peine si elle ne voyait pas son père quelque part dans sa figure, prêt à frapper, tant elle supposait la violence. Elle allait étouffer, suffoquer avec les seules paroles de cette Lame, sans même que le morgg l'attaque. L'anxiété était intolérable.

« D-. Dame la Griffière, si les m-morggs ne se soumettent qu'à la b-b. Brutalité, pensez-vous sincèrement que dans un foyer avec un d-. Dominant violent et abusif, ils protègent les enfants qui subissent les v-. Violences ? »

Le dernier mot lui arracha un gémissement, tant l'anxiété lui dévorait la gorge désormais. Le serpent s'attaquait à ses dernières défenses. Elle se mettait à bégayer. Elle était pitoyable. Il lui fallait fuir. Elle fit un second pas vers la porte, malgré la raideur de ses jambes. Son cerveau avait du mal à raisonner, ses mots s'entassaient dans son esprit sans sortir.

« N-. Naâme nous a offert des qualités d'empathie et de bienveillance et nous de-ee-. D-devrions tous les utiliser, au lieu de dresser des créatures t-tueuses en frappant dessus, ou en déversant votre fiel comme t-t. T-. Toutes deux l'avez fait. Je suis navrée, n-. Navrée encore du t-. »

La boule devint impossible à franchir, lui enserrant le cou. Andalie était au bord de la crise, et cette femme allait la pousser en plein dedans. Elle se tut, presque paralysée, et chercha la poignée de la porte de sa main libre, en aveugle.

Un convoi peut en cacher un autre

[6 follune 1100 ]

La réaction de la géante croquemite fut pour le moins inattendue et déconcertante pour Rose. Arquant un sourcil, elle se mit à observer la créature bégayante et apeurée qui se tenait face à elle. Etonnamment, la posture de soumission qu’elle semblait avoir adoptée ne l’empêchait pas de dire ce qu’elle pensait. Pourtant le poids de ses mots semblaient peser si fort sur elle qu’elle ne fini même pas sa dernière phrase.

Cillant, Rose finit par faire quelques pas vers la croquemite.

- Tu as tort et t’excuser n’y changera rien. Naâme n’a fait que nous avilir en nous remettant son présent tel un boulet à la cheville d’un bagnard. elle avait sortie sa pierre de vie et la brandit pour bien faire comprendre de quoi elle parlait Les Dieux Frères ont créé ce monde à leur image, antagoniste et complémentaire. La nature humaine s’est tissée depuis la nuit des temps et si l’empathie et la bienveillance était notre chef lot comme tu sembles le croire, il n’y aurait ni guerre ni dispute. Il n’y aurait pas de mère ni de mari violents. Il n’y aura pas de morgg ni aucune des créatures sauvages et barbares qui règnent pourtant en maîtres dans nos cam-pagnes et forêts. Naâme n’est pas aussi bon que la plus part des gens le pense. Kamaâl est peut-être cruel mais au moins il n’est pas aussi hypocrite que son frère ! Se sont eux qui nous ont créés, Kamaâl a eut bien raison d’imposer cette « malédiciton » ! elle mima des guillemets avec les doigts Nous sommes leur serviteurs, quelque soit le dieu que nous décidons d’honorer. Nous ne sommes que des fourmis qu’ils observent depuis les hauteurs et qu’ils s’amusent à torturer… Moi j’ai accepté cet état de fait et quelque chose me dit que ta maitresse aussi ! Sans quoi elle te traiterait avec la déférence qui t’es due et dont tu viens de parler…

Corbac grogna, signe qu’il s’impatientait à rester ainsi immobile. Elle le rabroua d’une capette claquante entre les oreilles et d’un juron.

- Et toi qui aurait tout pour diriger ta vie comme tu l’entends te voilà encore plus avilie que par le présent de Naâme. elle la regardait droit dans les yeux Organise une rencontre avec ta maitresse si ça te chante… Mais tu ne m’ôtera pas l’idée de la tête que j’ai raison et que tu vaux beaucoup mieux que ça. Je peux même profiter de cette entrevue pour plaider ta cause.

Non, Rose n’était pas de nature généreuse… Mais cette femme face à elle la perturbait bien plus qu’elle ne l’aurait cru.

Comment un mastodonte pareil pouvait-il autant ressemble à une petite souris apeurée… ?! Rose avait toujours eut le sang chaud – depuis gamine – elle ne comprenait pas et ne comprendrait jamais comment certaines personnes pouvaient ainsi se laisser marcher sur les pieds – à moins de l’avoir consciemment choisi… Mais ça ne semblait pas du tout le cas de la croquemite.

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