[6 Allune 1100] Manigances à Bourg-la-Canaille

« … et si vous regardez attentivement messieurs dames, vous verrez les fines pierres précieuses scintiller. Ces petites merveilles ont été incrustées par des mains de fées dans la garde de cette merveille. Ne sont-elles pas merveilleuses ? Je sais que vous les trouvez fort à vos goût, ne le niez pas ! Seulement trois-cent lieutons messieurs dames, et surtout ne me dites pas que cette fine lame ne les vaut pas, ce serait mentir ! »

Le brave marchand harangue la foule, charmant et souriant au petit groupe s'étant immobilisé devant son étalage. Des touristes, des hommes curieux – n'ayant jamais touché une seule arme de toute leur vie, cela ne faisait aucun doute ; des enfants attirés par le chatoiement des joyaux. Un jeune homme en particulier ne pouvait détacher son regard du sabre doré que présentait le vendeur. Un châle léger cachait le bas de son visage : les matinées restaient fraiches dans cette région du monde. Khasakham admirait la lame, mais déjà une émotion qu'il connaissait bien commençait à naître. Comme une enfant gâtée taperait du pied pour obtenir le fruit de son caprice, l'envie du jeune homme lui faisait vivre des moments difficiles. Qu'est-ce que cette lame était belle !... Mais non, Maman et Papa le gronderaient s'il cédait encore à un achat compulsif. De plus, il lui restait à peine assez de sous pour rentrer à la villa leur dire bonjour, une fois qu'il aurait repris sa route.

Par malchance, le marchand avisa son air désespéré et comprit qu'il avait devant lui un client potentiel :

« N'est-elle pas splendide, jeune homme ? Un brave gaillard tel que vous ne peut espérer devenir un homme, un vrai, qu'avec cette arme à sa hanche ! »

Khasakham haussa une épaule et lui tourna le dos, tapotant le pommeau de son propre sabre, pendu à sa ceinture. Il était déjà un homme, puisqu'il avait déjà une arme. Ce marchand disait vraiment n'importe quoi. Certes, sa lame n'était pas incrustée de pierres précieuses, mais la décoration d'une épée ne jouait pas beaucoup quand il fallait s'en servir, pas vrai ? Khasakham ne songea pas un instant que les joyaux aient pu être des faux de toute manière. Il s'éloigna de l'étal en ronchonnant, essayant de se convaincre qu'il n'était pas si déçu.

Le centre de Bourg-la-Canaille se parait de mille et une couleurs. Les fleurs ornaient les balcons ou les rambardes des escaliers, nouées en de jolies guirlandes. Les femmes du village portaient leurs atours les plus coquets, et les hommes chantonnaient en vaquant à leurs occupations. Il devait y avoir un mariage important dans le coin, ou quelque chose de ce goût là. Khasakham fut tout de suite de meilleure humeur : il aimait les fêtes. A vrai dire il aimait surtout voir les gens heureux.

Il y avait bien quelqu'un qui ne semblait pas se réjouir des festivités toutefois. Un individu de petite taille, vêtu d'une cape sombre et rapiécée, longeait les murs en pressant le pas. Intrigué, Khasakham commença à le suivre sans trop savoir pourquoi. Cet homme semblait avoir des ennuis : peut-être pourrait-il l'aider ? Il n'y avait qu'à constater son dos courbé et son regard hanté par de sombres démons pour s'en apercevoir. Khasa avait été attiré dans ce village par les chants et la musique, jamais il ne s'était douté de pouvoir mener à bien une mission de sauvetage ! C'est ravi et plein de volonté qu'il héla l'individu. Celui-ci jeta un oeil par dessus son épaule, glapit un son d'angoisse en l'apercevant, et laissa tomber quelque chose avant de détaler à toute vitesse. Khasakham le regarda disparaître dans la foule sans comprendre ce qui avait pu motiver sa fuite. Avait-il l'air si effrayant ? Il bomba le torse, ravi d'être si intimidant. Le marchand d'armes avait vraiment dit n'importe quoi tout à l'heure.

Le jeune homme s'approcha du paquet que l'inconnu avait abandonné. Il s'agissait d'un livre, assez épais et au moins aussi vieux, relié avec soin. Il le feuilleta sans lire sa couverture, et comme les pages étaient toutes pleines de mots écrits en patte de mouche, il grimaça et le referma d'un coup sec, toute curiosité envolée. L'aventurier plaça le livre sous son bras et chercha son propriétaire dans la foule, cependant sa petite taille l'empêchait de voir par où il avait filé. A quoi est-ce que rimait tout ce cirque ? Ne voulait-il pas récupérer son bien ? Khasakham entreprit de marcher au hasard dans les rues, espérant retrouver ce petit homme mystérieux.

Le 6 Allune 1100 à Bourg-la-Canaille Information hors-RP :
J'ai considéré que Khasou ne suivait pas Skadi dans la trappe, toutefois si tu le veux, tu peux tout de même y entrer, mais sache que ça sera TRES risqué pour ton perso ^^ Sinon tu peux juste considérer que Skadi est sortie du sanctuaire. Bisous !!
Information lancers de dés : Lancer favorable pour le chevalier galant ! L'instant où elle s'arrête pour regarder si y a personne a été joué au dé, et Khasou s'en tire bien

Skadi s'était prise en débat avec elle-même, son instinct dévot lui disait d'aller immédiatement égorger de jeunes âmes pour effectuer le rituel dans les règles de l'art, sa raison lui imposait plutôt de rentrer au sanctuaire pour simplement en finir avec cet abruti de traître. Elle avait le livre, maintenant. La vie de cette ordure de félon n'était désormais plus que brin de détail, une inconvenance sur laquelle il convenait de passer le balai. Une poussière en somme, rien de plus qu'un vase penché sur une colonne aux fondations brisées, il se briserait éventuellement, seul importait de presser les chose. Alors, tant pis pour la tradition, la rouquine était dévote, mais pas stupide, elle ne perdrait pas son temps à récolter du sang alors que les réserves ne manquaient pas dans le repère du culte.

Chemin faisant, elle se détestait pour son goût handicapant du jeu, qui avait coûté de précieuses ressources et bien trop de temps à son propre goût. Mais plus qu'énervée, elle était désormais lasse. Le monde autour d'elle était peuplé d'imbéciles et elle n'avait pour eux qu'une cure définitive que tous proscrivaient, la mort. N'est-ce pas ce qu'ils méritent ? Le surnuméraire n'est que contrainte pour ceux qui ont pour idéal d'améliorer les choses, de les pousser en avant, pas de les rétracter en arrière. Leurs croyances, leurs constructions, leurs avancées ne sont que de fausses pistes brouillées par l'imposteur pour conforter les infidèles dans leur égarement.

Poussant du bout pointu de sa lance les feuilles sur son chemin, Skadi marchait lentement, avec un ton aussi pensif que détaché, comme rêvant éveillée. De temps à autre, un soupir lui soulevait les épaules, gonflait le buste et elle dégageait une autre larme d'arbuste de son passage. Tant de feuilles tombées et pourtant si tôt dans l'année, l'influence de l'homme se faisait ressentir jusque dans les plus purs des lieux. La nature reprendrait un jour de sa légitimité et ceux qui ont payé le droit des offenses qui lui furent adressés devront faire face à la pénitence de leur jugement. Khamaal y veillera.

Arrivant à une clairière, la jeune femme quitta les sentiers battus pour se rediriger vers des herbes plus hautes, moins empruntés, ou bien plus lestement surmontées. Après quelques pas, elle s'arrêta net, jetant de minutieux coups d'oeil autour d'elle, mais rien ne vint rencontrer ses pupilles qu'elle savait infaillibles. Se baissant donc prestement, elle vint saisir une poignée emmêlée entre les brindilles, révélant une trappe dissimulée dans les feuilles. Elle y entra simplement, la refermant derrière elle.

Traçant sa route dans le labyrinthe de couloirs, elle atteint sa chambre où, prestement, elle déposa un récipient qu'elle remplit du stock de sang fraîchement renouvelé. Elle y jeta le reste des mèches qu'elle avait conservé, une prudente habitude qu'elle tenait de son ancien maître de toujours garder la moitié des ingrédients jusqu'à ce que la pierre ne se brise. Intérieurement, elle remercia Medegdekh aux côtés de Khamaal pour cet enseignement qui lui fut si précieux aujourd'hui. En finalité du rituel, elle plongea simplement le bijou gardien dans la mixture et attendit quelques secondes. Une flammèche se vit brièvement voir, et un bruit de glace brisée retentit entre les murs. Quelque part, ailleurs, le traître brûlait de vive-flamme. Un honneur pour la misérable vie qu'était la sienne.

Terminée avec son travail de la journée, Skadi ressortit presque instantanément de son repos, arpentant les couloirs vers l'entrée pour à nouveau retourner en forêt ... le reste du jour, elle le dépenserait un en repos bien mérité.