[16 Cellune 1100] De larme, de cuir et de pierre

16 Cellune 1100
avec Avalon Sélac

Un coup de tête. Bien sûr, Athina avait prévu de se rendre à Albatra sous peu pour effectuer sa première livraison de cuir à la forge de Sélac, comme il avait été convenu avec son propriétaire. Mais après la visite d'Ilclaste et ces terribles découvertes à son sujet, elle avait pris la décision de précipiter ce voyage. Enfermée, piégée, perdue, il y avait bien longtemps que ce désir profond de fuir n'était pas revenu. A dire vrai, la dernière fois était lorsqu'elle avait quitté Borderoc après l'arrestation de Lothaire. Un frisson la pris. Était-elle vraiment en train de comparer cette enflure à Ilclaste ? Ses idées étaient trop confuses, il lui fallait partir. Tout de suite. Heureusement, comme toujours, sa douce mère accepta immédiatement de garder Echo pour les prochaines semaines, elle était toujours ravie de s'en occuper depuis la mort de son mari. La pauvre s'ennuyait bien fort dans son moulin.

Ainsi, à l'aube, elle avait pris la route du Marvier, duché qu'elle ne connaissait pas encore. Une boule dans le ventre de devoir se frotter à des étrangers, mais pour une fois elle voulait faire abstraction : son instinct l'avait trahi, elle allait donc trahir ses plus vieilles angoisses pour tenter une nouvelle aventure. Cela l'effrayait, bien sûr, mais elle prenait sur elle. Elle avait réussi à s'arranger avec un autre marchand se rendant lui aussi à Albatra en attelage, entreposant sa caisse de cuirs non sans mal à l'arrière, entre les toiles et les linges de son chauffeur. Il s'agissait d'un tisserand qu'elle avait déjà eu l'occasion de croiser sur le marché, un homme d'une bonne cinquantaine d'année que les outrages du temps ne ménageaient pas. Il avait les cheveux gris tirant irrémédiablement sur le blanc à certains endroits, il était voûté et son visage était creusé par la fatigue, mais il avait ce sourire, le sourire constant d'un homme heureux, père de trois enfants et grand père d'un tout jeune petit bébé. Il avait été bien bavard, cet homme, il faut dire que la tanneuse n'était pas du genre à faire la conversation. Alors Hector - c'était son nom - avait meublé. Les cinq jours de trajet avaient été agréable de rires même si le coeur fermé d'Athina ressassait encore malgré elle les terribles mots qu'Ilclaste avait pu prononcer. Elle écoutait Hector d'une demie oreille, trop préoccupée, trop triste, trop déroutée pour se montrer sous son meilleur jour.

Mais le tisserand n'avait pas tiqué, il avait, par le passé, déjà pu constater que la chasseuse était renfermée, il mettait ça sous le compte de la timidité. L'essentiel pour lui étant qu'ils arrivent tous deux en un seul morceau à Albatra.

Et cela fut le cas ! Le soleil était à son plus haut point lorsque la carriole tirée par deux magnifiques chevaux passa les portes de la cité. Et quelle cité ! Athina n'aimait pas la ville, mais elle fut frappée par la beauté de l'architecture de ce lieu. Ils passèrent devant de nombreux commerces à l'allure certes modestes, mais lorsqu'elle laissait aller ses yeux à l'horizon, la richesse de certaines demeures lui sautaient aux yeux. Elle savait que la famille royale résidait dans cette ville, mais elle n'avait jamais douté de l'importance que cela pouvait apporter à la cité en elle même. Lackness semblait bien fade à côté. Hector intima aux chevaux de s'arrêter. Prise dans ses rêveries, Athina n'avait pas remarqué qu'ils étaient arrivé à destination. Ou plutôt, à la destination du tisserand : une petite échoppe à l'allure plutôt rabougri qui surpris Athina. L'homme avait-il dit, durant ce périple, ce qu'il venait faire à Albatra ? Impossible pour la jeune femme de s'en souvenir. Elle descendit de la carriole et paya son transport à Hector.



Elle gratifia l'homme d'un sourire et lui serra la main avant de descendre sa cargaison de cuir. C'était lourd et encombrant, mais la jeune femme avait l'habitude. L'espace d'un instant, un début de panique monta en elle : elle était seule, dans une ville qu'elle n'avait jamais visité, et elle se trouvait dans la rue au milieu d'inconnus. Personne ne semblait faire attention à elle, pourtant elle ne pouvait s'empêcher de dévisager chaque passant. Elle prit un instant, ferma les yeux et inspira profondément. Tout allait bien se passer. Ilclaste était au Creux-Lac, Lothaire en prison au Gravorn. Il n'y avait aucun danger imminent. Elle secoua la tête et se ressaisit avant de prendre une direction au hasard dans la ruelle : le plus important était le premier pas.

Elle marcha quelques minutes avant de demander son chemin à une passante. Heureusement pour elle, la forge de Sélac semblait suffisamment réputée pour que l'on puisse lui indiquer sans mal la direction. Bonne nouvelle, c'était à quelques centaines de mètre seulement. Mauvaise nouvelle, elle marchait dans la mauvaise direction. Le soleil tapant, sa charge semblait plus lourde à chacun de se pas, et Athina ne fut pas fâchée d'arriver à bon port plusieurs minutes plus tard. Elle était transpirante et ne manqua pas d'ôter son vêtement de cuir - qu'elle portait sur un tissus de forme approximative sans manche et plutôt près du corps, l'une de ses premières créations... C'était informe mais elle le trouvait confortable. Débarrassée de tout ce surplus de vêtement, elle frappe enfin à la porte de la forge.

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La jeune femme accepta d'un signe de tête la proposition du forgeron de laisser ses affaires de voyage sur place, non sans une légère hésitation. Est ce que ses affaires seraient à l'abri ici ? Un rapide coup d'oeil pour se souvenir de tout le superbe matériel qui trônait dans la pièce lui suffit pour se rendre à l'évidence. Elle rassembla donc ses biens en un petit paquet - elle n'était pas du genre à voyager lourd, de toute façon - et ne garda que sa maigre bourse et son couteau de chasse, comme à l'accoutumé. Il ne la quittait jamais, il avait sa place dans une poche de cuir à sangle, que la jeune femme avait confectionné elle même, sur son mollet droit. Elle n'aimait pas se sentir démunie, sans arme, sans rien pour se défendre, alors elle n'y pensait même plus, c'était devenu instinctif.

Elle sorti ensuite de la forge, légèrement angoissée. Elle avait déjà fait un immense pas en avant en s'aventurant aussi loin de chez elle, mais il fallait plus que sa simple volonté pour parvenir à se débarrasser de ses plus profonds démons. Un jour, elle finira par y arriver, c'est certain ! En revanche, son coeur se mit à s'emballer un peu plus lorsqu'Avalon envisagea de lui faire faire le tour de la ville. Elle ne voulait pas le froisser ni le vexer, mais elle ne savait pas si elle avait la force d'une telle épopée. Elle lui offrit un sourire hésitant, tentant de ne pas lui montrer son trouble.


A dire vrai, Athina appréhendait grandement le moment où elle se retrouverait seule dans cette grande ville à la tombée de la nuit. Elle ne savait pas encore où elle pourrait dormir, mais il était hors de question qu'elle n'en parle au forgeron, ce n'était pas son problème et elle ne voulait pas qu'il se sente obligé de lui proposer le gîte. Hors de question, impensable, elle serait obligé de l'éconduire. Elle balaya ces pensées. Chaque chose en son temps, la nuit n'était pas encore d'actualité. Lorsque le forgeron lui demanda combien de temps elle comptait rester, Athina eut un léger élan de surprise. Mince, c'est vrai qu'elle ne s'était même pas posé la question, son départ avait été si soudain. Elle s'était dit qu'elle le livrerait et puis qu'elle repartirait surement aussi sec, mais maintenant qu'elle y pensait.. Comment allait-elle rentrer ? Il lui faudrait trouver un habitant assez aimable pour l'y reconduire, ou un marchand allant dans cette direction... Cela pouvait durer des jours.


Elle ne serait pas contre passer plusieurs jours ici, mais il ne faudrait pas que cela ne dure trop longtemps. Mais en même temps, que pourrait-elle faire durant ces journées ? Travailler son cuir à la forge, oui, probablement, si Avalon n'avait pas d'autres impératifs. Après tout, cette idée n'était pas si désagréable.


Une fois encore, elle avait agi avant d'avoir réfléchi. C'était plus fort qu'elle, elle n'arrivait décidément pas à aller à l'encontre de sa nature.

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Cet homme était si doux et semblait si bon, c'en était déstabilisant. Pour sûr, on ne pouvait pas dire qu'Athina avait connu beaucoup d'hommes dans sa vie, et en réalité très peu du genre d'Avalon. Lothaire, bien sûr, avait été charmant au début de leur relation, mais il avait toujours eu ce regard, cette lueur dans ses yeux qui annonçait un homme passionné, parfois dur, même. Sans compter les tourments qu'il lui avait fait subir par la suite, évidemment... Et puis il y avait eu Ilclaste, lui non plus n'avait rien de doux. Il avait été blessé, comme Athina, s'était retrouvé au fond du gouffre, comme Athina... Même s'ils avaient réussi à nouer une amitié profonde, et même s'il avait toujours été adorable avec Echo, il dégageait quelque chose d'imperceptible, de compliqué. Et puis maintenant qu'elle savait tout ce qu'il avait dû faire pour survivre à Vissomort.. les mots qu'il avait eu, ce regard, ce... Une larme commençait à perler au coin de son oeil, alors elle la chassa d'un rapide revers de main. Les hommes qu'elle croisait au marché ensuite, ils étaient divers, mais souvent pressés, et ses confrères étaient plus polis que gentils. Mais cet homme là, ce forgeron.. Il avait le regard doux, profondément bienveillant. Athina devait se retenir de ne pas plonger dedans pour tenter d'y découvrir un soupçon de malveillance tant c'était étrange pour elle. Elle ne voudrait pas qu'il se fasse des idées. Il était un peu comme un alien, en fait. Étrange, intriguant. Réel ? Même lui devait trimbaler ses casseroles.

Elle l'écoutait parler, acquiesçant sans ouvrir la bouche, mais le remerciant d'un geste de la tête. Bon, s'il pouvait se renseigner pour elle, elle n'aurait pas tout perdu. Elle était débrouillarde, même si cela ne donnait rien du côté du forgeron, elle saurait trouver un moyen. Une fois encore, il ne posa aucune question personnelle. Athina apprécia cette discrétion, ils ne se connaissaient de tout façon pas encore assez pour qu'elle ne puisse lui parler de choses trop personnelles. Elle avait déjà passé le cap de l'appeler par son prénom, il ne fallait pas trop lui en demander. C'était étrange, d'ailleurs. Il lui inspirait confiance. Vraiment confiance. Mais chat échaudé craint l'eau froide, et Athina n'avait pas l'intention de refaire les mêmes erreurs que par le passé. Se livrer trop vite, risquer de souffrir, hors de question. Pourtant avait-ce été la meilleure idée du siècle de taire totalement son passé et ses états d'âmes jusqu'à présent ? Cela avait probablement abîmé pour toujours son amitié avec Ilclaste... Peut être, un jour, la jeune femme trouverait le juste milieu.

Alors qu'ils avançaient, le forgeron pris une fois de plus la parole, mais il fut happé par un jeune garçon qui lui sauta dans les bras, lui coupant la parole de sa voix aiguë. Si la surprise avait commencé par faire esquisser un mouvement de recul à la jeune femme, la vue d'un petit garçon la dérida totalement et lui fit esquisser un large sourire. La vue d'un enfant la ramenait forcément à sa petite Echo, restée au Creux-Lac avec sa grand mère. Elle lui manquait terriblement et ce souffle de fraîcheur était le bienvenu. Avalon la présenta au petit garçon, et elle lui accorda un adorable sourire.


Venant d'un enfant, elle ne pouvait pas réagir autrement que par le rire. Ils étaient si innocents, ils ne pensaient jamais à mal. Tandis qu'Avalon demandait à l'aubergiste s'ils pouvaient s'installer, Athina se demanda qui était ce petit garçon. Le fils d'Avalon ? Cela semblait difficile à croire, d'autant qu'il avait demandé si Athina était sa nouvelle copine. Un papa célibataire, peut être ? Si c'était le cas, ils auraient décidément plus de points communs qu'elle ne le pensait. Puis en regardant l'aubergiste, une magnifique jeune femme, Athina conclu qu'elle était sa mère, donc probablement pas le fils du forgeron. Affaire résolue, inspecteur.

Le jeune homme tira une chaise devant Athina qui n'avait pas l'habitude de ce genre de manière, cela la mit légèrement mal à l'aise mais elle n'en laissa rien transparaître, elle ne voulait pas vexer son compagnon.


Elle jeta ensuite un coup d'oeil aux cartes que la dénommée "Marjy" leur apporta. Aïe, c'était bien ce qui lui semblait, elle n'aurait pas les moyens de prendre quelque chose de bien copieux si elle ne voulait pas mourir de faim durant le temps qu'elle passerait à Albatra. Cela irait beaucoup mieux lorsqu'Avalon l'aurait payée pour sa première livraison, mais en attendant sa bourse n'était pas bien épaisse. Elle se tournerait donc vers une simple soupe, en espérant que cela suffirait à son estomac affamé. Au pire, elle pourrait toujours se gaver de pain. Son choix fait, elle pris le temps de regarder aux alentours, fort heureusement l'endroit n'était pas trop rempli, et il régnait une atmosphère plutôt apaisante qui la dérida quelque peu. Ces foutus angoisses.


Quitte à déjeuner ensemble, autant discuter un peu, et apprendre à se connaître, l'instant n'en serait que plus agréable que deux étrangers qui se regardent manger en chien de faïence.

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Athina n'était pas femme à se plaindre, elle arrivait à relativiser. Au moins, elle était en vie. Alors elle savait se contenter de peu, il y avait toujours plus malheureux qu'elle, pourtant lorsque sa soupe arriva finalement, elle fit une moue légèrement perplexe. Oh, le plat avait l'air délicieux, et le fumet qui s'en dégageait sentait divinement bon, l'eau commençait à perler sur sa langue alors qu'elle s'imaginait s'en délecter. Mais cela ne remplirait que peu son estomac, la bienséance l'empêchait d'exprimer ses pensées : elle n'aurait pas les moyens de plus. Elle ne voulait pas qu'Avalon ne se sente obligé de lui payer quoi que ce soit, elle n'acceptait pas la charité. Leurs boissons arrivèrent, elle s'était tout de même permis une pinte de bière, c'était son pécher mignon. Elle trinqua avec le forgeron avant d'avaler une longue gorgée de ce divin nectar. Il faudrait qu'elle fasse attention, l'ivresse pourrait vite monter avec si peu de pitance. Elle mordit dans un morceau de pain - délicieux au demeurant - en prévision, lorsqu'elle manqua de s'étouffer devant la révélation du forgeron. Rien de bien étonnant, au final, mais elle ne l'avait pas imaginé marié. Elle toussa un instant, ce n'était pas des plus glamour mais Athina n'était pas femme à chichis. Elle avala une gorgée de bière pour passer sa toux.


Non pas que l'information ne fut importante, c'était surtout.. Un homme pareil, marié, c'était logique dans le fond. Pourquoi n'avait-elle pas réussi à trouver quelqu'un comme lui par le passé ? Il était tout l'opposé de Lothaire, surement que si Lothaire avait eu le caractère et la bienveillance du forgeron, la vie d'Athina aurait été bien plus douce, et ils vivraient encore tous deux à Borderoc.. Avec Echo. Un frisson la prit à s'imaginer ce qu'aurait put être leur vie si tout avait été différent. Elle détestait profondément cet homme désormais, et il était hors de question qu'il ne vienne à nouveau dans sa vie.

La trappeuse s'essuya la bouche, alors que Marjorie pris la parole à son tour et relança ce sous entendu de rendez vous amoureux, ce qui rendit Athina fort mal à l'aise. Venant du petit, cela l'avait faite sourire, venant d'une femme, beaucoup moins. Et puis Avalon n'était-il pas marié ? Elle ne comprenait pas ce qu'il se passait et n'avait guère l'habitude de ce genre de moments. Elle savait que les commérages et les échanges de ce style étaient communs pour la plupart des gens, mais pas pour elle. Elle était solitaire, elle vivait dans la forêt et n'avait presque pas de vie sociale. Cela lui convenait, là, elle se sentait oppressée et tout le bien être que dégageait le forgeron semblait avoir disparu. Elle se sentait soudainement perdue, et angoissée. Loin de chez elle, déjeunant avec un inconnu. Elle tripotait nerveusement ses couverts, l'appétit lui manquant soudainement.

Heureusement, l'aubergiste s'éloigna finalement, en riant. Mais le mal était fait, et Athina ne se sentait désormais plus à sa place du tout. Que faisait-elle là ?


Athina se leva et posa quelques lieutons sur la table pour régler son repas. Il fallait qu'elle sorte de là, elle commençait à étouffer. Une crise d'angoisse, une de celles qu'elle connaissait si bien. Elle sorti précipitamment de l'établissement, déboutonnant quelque peu son haut qui semblait soudainement trop serré et qui l'empêchait de respirer convenablement. Elle s'adossa au mur de l'auberge, ne bougeant pas. Merde pourquoi avait-il fallu que ça arrive maintenant ?

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Athina peinait à reprendre son souffle, elle avait les yeux fermés, la main sur la poitrine et tentait d’inspirer profondément pour calmer ses angoisses. Est ce que cela marchait ? Oui, surement, mais doucement. Voilà longtemps que cela ne lui était pas arrivé, il faut dire qu'à ne jamais prendre aucun risque en restant terrée dans son bois, cela ne l'aidait pas à prendre le dessus. Vraiment, il allait vraiment falloir qu'elle règle ce soucis.

Tandis qu'elle reprenait peu à peu son souffle et ses esprits, Avalon sorti à son tour de l'auberge, prononça son nom et rentra aussi sec. Mince, et si cette crise avait anéanti toute possibilité d'accord commercial ? Elle espérait que non, après tout sa façon d'être en privé ne changeait pas la qualité de son travail. Lorsque le forgeron sorti à nouveau de l'établissement avec un verre d'eau à la main, la tanneuse eut un soulagement certain. Il était très prévenant, cet homme. Elle accepta avec plaisir l'offre et bu à longues gorgée l'eau qui était décidément la bienvenue. Elle l'écouta parler, elle même n'était pas encore en état de le faire, c'est ainsi qu'il lui apprit qu'il était désormais veuf. Elle appréciait ses confidences spontanées, elle n'en avait pas l'habitude. Pour ainsi dire, Ilclaste ne s'était jamais posé ainsi à distance respectable pour lui raconter ses malheurs. Peut être était-ce ce qui avait précipité leur chute ? Les yeux compatissants, Athina lança un regard à Avalon. Elle aurait tout donné pour que Lothaire ne prenne la place de sa femme. Cette ordure vivait toujours, alors que la femme de cet homme si gentil n'était plus. La vie était vraiment mal faite.


Elle secoua la tête. Les confessions spontanées d'Avalon lui donnaient envie de lui expliquer son comportement si étrange, mais pourtant elle n'était pas sûre d'y parvenir, elle avait toujours peur qu'en évoquant Lothaire il finisse par la retrouver. C'était complètement idiot, oui. Il était en prison après tout. Mais il lui avait fait tant de mal, aussi bien physiquement que psychologiquement.


Elle se tu quelques instants, Avalon aussi. Et puis, encore une fois, sa générosité la frappa. Décidément, elle n'avait jamais rencontré pareil individu.


Elle inspira longuement, sa crise semblait passée, ou du moins, elle semblait s'éloigner à mesure que les mots apaisants du forgeron frappaient la jeune tanneuse, et à mesure qu'elle s'éloignait, le ventre de la jeune femme se réveillait à nouveau. Il allait penser qu'elle ne savait vraiment pas ce qu'elle voulait. Stupide, idiote. Elle se donnait en spectacle et elle en avait horreur.


Un fort gargouillement se fit entendre, et cette fois ci, impossible que son interlocuteur ne l'entende pas. Cela décontenança tellement Athina qu'elle ne pu retenir un rire bref mais sincère.

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La tanneuse était soulagée d'entendre que son interlocuteur ne lui tenait rigueur de rien. Elle avait tellement l'habitude qu'on la juge qu'elle en avait oublié que certaines personnes n'avaient pas cette mauvaise habitude. La légèreté de la situation alors qu'ils riaient brièvement ensemble fit un bien fou à la jeune femme. Finalement, elle était parvenue à maîtriser son angoisse et ne s'était pas laissée sombrer cette fois ci. Elle était fière d'elle. Elle remercia Avalon d'un signe de tête alors qu'il ouvrit la porte devant elle et la laissait passer galamment, elle repris ensuit sa place. Elle n'était pas très fière, légèrement gênée de la scène qu'elle avait offert à l'aubergiste. Lorsque cette dernière vint s'excuser en apportant deux plats qui avaient l'air délicieux, Athina ne pu le refuser. Elle estimait qu'elle n'avait pas besoin d'un tel geste, mais elle se garda bien de lui dire, la pitance était bienvenue. Avec ceci, son ventre serait enfin repu.


Elle lui offrit un sourire entendu avant de se tourner vers Avalon.


En guise de conclusion de cette affaire, elle enfourna une belle bouchée du plat et ne pu contenir un soupir d'extase. Oh bon sang, elle n'avait jamais goûté quelque chose d'aussi divin. Elle en ferma les yeux un instant pour profiter au maximum des saveurs qui se dégageaient de ce plat. Après cinq jours à se nourrir de manière bien spartiate, c'était un vrai délice - même si la soupe qu'elle avait commandé auparavant était également délicieuse.


Elle chassait son gibier elle même, cela ne le rendait que meilleur, et ce plat n'avait pas l'air des plus couteux à réaliser, il suffisait d'y penser en réalité. Elle s'empara de sa bière qui était toujours là et en bu une longue gorgée. Ce repas était réellement salvateur. Du canard, des patates, de la bière. Que fallait-il de plus pour être heureux ? Sans compter la compagnie du forgeron, bien évidemment, qui lui était des plus agréables même si elle se sentait toujours méfiante en présence masculine. Cela s'atténuerait surement avec le temps.

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Athina sourit à sa plaisanterie. Comptait-il vraiment lui rendre visite lors de ses voyages à Lackness ? La tanneuse ne serait pas contre, après tout elle s'était elle même permis de visiter son univers, et puis dans le cadre de leurs accords, cela semblait plutôt bienvenu. Le début d'une vie sociale pour la jeune femme ? Qui sait.


C'est qu'elle était gourmande, la petite. Elle avait de qui tenir, Hestia était également bonne vivante même si elle ne prenait jamais un gramme. Athina, quant à elle, même si elle appréciait les bons plats, elle n'était pas des plus gourmandes. Elle se nourrissait essentiellement par besoin, rarement par plaisir - mais ce gratin était une tuerie et le plaisir était bien présent.

Athina laissa parler Avalon, l'écoutant attentivement. C'était agréable, leur histoire semblait belle bien que tragique, évidemment. La mort de sa femme, et surtout de leur enfant à venir... la tanneuse était profondément touchée de ses confessions, elle ne pu s'empêcher de poser brièvement sa petite main sur celle du forgeron en signe de compassion. Cela ne dura qu'une paire de secondes.


Son père s'imposa à son esprit. Cela faisait plusieurs années déjà qu'il était décédé, et la tristesse s'était en allé avec le temps, elle ne gardait que les bons souvenirs, finalement. Mais cette histoire de bébé... Cela touchait profondément Athina, Avalon n'avait pu avoir le moindre instant avec son enfant. Si Echo n'avait pas survécu à l'accouchement, la tanneuse se serait probablement pendue dans la forêt. Evidemment, les circonstances de sa confection avait été bien différente, ce n'était pas comparable. Il la questionna à son tour à propos de sa vie de maman célibataire, et Athina ne s'en offusqua pas, c'était bien la première fois qu'elle acceptait que l'on lui pose des questions personnelles. Habituellement, elle répondait froidement, ou vaguement pour faire lâcher l'affaire à l'importun. Elle bu une gorgée de bière pour se donner une contenance avant de prendre la parole à son tour.


Elle marqua une pause. Fallait-il tout lui raconter ? Oh après tout... Elle pouvait bien effleurer la surface rien qu'une fois. S'il s'avérait que cela ne soit pas une bonne idée, elle saurait s'en souvenir par la suite.


Sa gorge se serra de colère et de tristesse, comme à chaque fois qu'elle évoquait Ilclaste depuis leur terrible disputes.

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avec Avalon Sélac

Cette atmosphère était bien plus agréable qu'Athina l'aurait pensé, peut être que finalement, elle se posait trop de question. La simplicité d'une conversation pouvait se trouver bienfaitrice, la légèreté qui se dégageait de cet échange enchantait la jeune femme. Elle saurait s'en souvenir. Pour autant, elle su ne pas insister lorsqu'il lui annonça que certaines circonstances étaient difficile à accepter, ayant l'habitude de ne pas franchir la limite intime infranchissable pour des échanges cordiaux.

Il posa à son tour sa main sur celle d'Athina, ce qui surpris quelque peu la tanneuse. C'était pourtant un geste simple et appréciable, elle l'avait elle même esquissé quelques instants plus tôt, mais elle s'était bien gardé de laisser un homme la toucher par surprise depuis ce qu'il s'était passé avec Lothaire. Elle ne laissa pas son trouble paraître, l'étreinte fut brève alors il était inutile d'en faire toute une montagne. Elle se rendait tout de même compte qu'il faudrait qu'elle se sente réellement en confiance pour accepter qu'on la touche à nouveau.


La jeune femme offrit un sourire qu'elle voulait tendre mais qui ressemblait surement plus à un rictus gêné à la phrase qu'il prononça ensuite. Elle était encore touchée par les confessions qu'il avait pu lui accorder, et elle le trouvait bien courageux d'évoquer ses désirs avortés de père.


Un sourire entendu vint ponctuer cet instant d'échanges si particulier. Athina remis le nez dans son assiette et la termina sans rechigner. Elle avait refroidi, mais c'était toujours aussi délicieux. L'aubergiste refit son apparition près de la table pour demander s'ils avaient terminé leur plat et s'ils désiraient une part de tarte comme dessert. Son estomac était rassasié, elle ne voulait pas abuser des bonnes choses, aussi elle refusa poliment.