[14 Bellune 1100] Le Bal Masqués des aimés

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Pente-en-Vallée était un village modeste niché au Sud Ouest du Creux-lac. Il aurait pû, comme beaucoup d'autre village, passé inaperçu, si son célèbre Bal masqué des aimés n'avait, pas, au fils des années, gagné autant en popularité. C'était aujourd'hui une célébration dont on parlait dans le Creux-lac comme au-delà de ses frontières.  

Oui, en ce 14 Bellune, à Pente-en-Vallée, on célébrait l'amour. Le bal était si important, que certains participants économisaient pendant toute l'année pour se payer la tenue qu'ils porteraient ce soir là, au bal masqué. Car pour les célibataires, l'occasion était unique : masqué, on pouvait rencontrer des tas de personnes ! Et cela, indépendamment du milieu sociale dont on venait, et au fils des danses on pouvait trouver un cavalier, ou une cavalière qui, si l'amour venait à naître, chevaucherait ensuite à nos côtés le temps d'une vie.

Si le bal n'était pas exclusivement réservé aux célibataires, ceux-là étaient en net majorité... A la poitrine, entremêlée à la chevelure, nouée au poignet, une fleur blanche indiquait une femme cherchant une autre femme, la bleue marquait les hommes cherchant un compagnon du même sexe et ou une rouge identifiait les hétérosexuels.  

Avec la renommée qu'avait commencé à avoir le bal, on avait déployé les moyens pour en faire un moment mémorable. Le tout se déroulait à l’extérieur, bien qu'on ait pris soin de placer la majorité de la fête sous une structure abritée. D'ordinaire, cette place couverte était utilisée pour le marché, mais ce soir là, elle avait été dégagée et décorée richement pour accueillir les danseurs.  

Pour y participer, on devait quand même s’acquitter d'une petite taxe : 5 lieutons pour accéder au bal, qui proposait aussi un buffet pour rassasier les estomacs creux. On avait prit soin aussi, de placer des places assises et des tables en bordure pour soulager les jambes douloureuses. Les musiciens bénéficiaient d'une scène modeste car leur rôle n'était d'être applaudit mais de faire danser.

Bien que l'endroit se trouve au milieu du village, celui-ci était suffisamment modeste pour laisser à certains couples l'occasion de s'éloigner de la fête tout en jouissant de décors isolés et romantiques.

Quand aux auberges, elles étaient nécessairement ouvertes pour accueillir ceux qui cherchaient une chambre pour la nuit. En cette occasion même, certaines auberges se décoraient de motifs floraux des plus romantiques, pour offrir à leurs clients une continuité des plus douces à cette soirée...

La lames de Saphir, elles, patrouillaient plus que d’ordinaire, car si ce soir était celui de l'Amour, le crime, lui, ne prenait jamais de pause et avec autant de monde, on savait que les risques étaient présents aussi...  

Il aurait grandement apprécié que leur intruse le prévienne quelques secondes plus tôt, avant qu’il ne gobe cet immonde canapé. Parce que oui, il était franchement dégueulasse. Et terriblement épicé par-dessus tout. Agacé par ses quintes de toux alors que la louve leur donnait son avis sur le banquet, il se servit du premier jus qui passa sous sa main, sans se soucier si c’était alcoolisé ou non.
Il en avala plusieurs gorgées pour chasser le piquant de ce qu’il avait ingurgité plus tôt.

Quand son corps fut enfin libéré de la saveur atroce, il put porter un regard plus clair sur la nouvelle arrivante qui faisait toujours la conversation.

À vrai dire, je m’étais mis au défi de la faire virer de bord, trop tard à présent, me voilà démasqué, répondit-il d’abord sur le ton de la rigolade.

Parce qu’elle avait eu l’air de se moquer du fait qu’ils puissent discuter alors qu’ils n’avaient a priori rien à faire ensemble. Les gens avaient le droit de se faire des amis, non ? C’était toujours plus durable que de se contenter d’une histoire de baise sans lendemain. Parce que très honnêtement, il était persuadé que la plupart des gens présents étaient là pour ça. Si c’était son cas ? Pas vraiment.

Je m’appelle Avalon. Pour ma part, j’avais surtout besoin de divertissement. Et vous, Eliwah, qu’est-ce que vous êtes venue chercher ce soir ? sourit-il.

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Je vous laisse décider de comment vous voulez gérer mon élément perturbateur.
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Sous son masque féroce, Eliwha lâcha un sourire invisible à la réplique de l'homme. Il avait eu l'air de prendre son intervention avec tolérance et cela rassurait la femme aux chiens. Malgré son vocabulaire franc et cru, il lui arrivait de s'inquiétait de ce qu'on pouvait penser d'elle... Puisqu'il lui accorda une question, Eliwha s'imaginait qu'il ne lui en voulait pas vraiment d'avoir interrompu leur conversation. Elle lui en était reconnaissante, car s'il lui avait fait comprendre qu'elle n'était pas la bienvenue, elle aurait dû retourner à la solitude de cette soirée.

-Oh et bien, Avalon... Je suis sensée me trouver un futur mari. Lâcha-t-elle, d'un ton badin.

-Dans la mesure où le dernier homme que j'ai fréquenté était un ... Excusez mon franc parlé hein, connard bouffi d’orgueil, mon paternel m'a ordonné de participer à cette mascarade. Je crois qu'il a peur que je finisse seule. A raison d'ailleurs... Expliqua-t-elle avec franchise.

-Pour être honnête, à 30 ans, je devrais être en age de l'envoyer sur les roses... Mais je sais qu'il fait ça car il est inquiet. Alors, si venir ici peut le rassurer quelque peu... Ce n'est qu'une soirée dans l'année après tout.
Glissa-t-elle en haussant les épaules. Voilà donc son histoire, celle d'une femme dont le seul homme qui s'inquiétait pour elle, était son vieux père.

-Vous voulez que je dise le pire... C'est que je ne suis sûrement pas la seule qui vienne ici pour ce motif... Les familles hétéro et leur inquiétude de la reproduction et de la descendance, je vous assure... On pourrait en écrire des livres là dessus... Soupira-t-elle.

Elle allait demander à l'homme, quel genre de divertissement il était venue chercher quand, non loin de là où ils se trouvaient, un cri strident se fit entendre.

Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii

Un bon nombre de personnes sursautèrent à cette exclamation. Tournant son regard vers l'origine du cri Eliwha aperçu une jeune femme qui portait un chapeau très complexe, à la garniture que l'on pouvait qualifier de forestière: Des fleurs, des herbes, des feuilles, des brindilles... Une coiffure très volumineuse, faite pour être remarquer... Et pour se faire remarquer, la célibataire allait être servie.

La jeune femme s’agitait frénétiquement en hurlant "Une souriiiiis ! Une souriiiiiis Retirez là moi ! retirez-là moi !!!" Et après un instant d'observation Eliwha remarqua, qu'en effet dans cette coiffe, une souris s'était glissée et que fermement attachée à un branchement, la petite créature semblait au moins aussi terrorisée que la jeune femme hystérique.

Eh bien, elle en avait des choses à dire cette demoiselle ! Cela devait faire longtemps qu’elle n’avait pas pu se livrer de la sorte à quelqu’un ! Visiblement traumatisée par son ex, Avalon ne put s’empêcher de penser qu’elle se sentirait sans doute un peu mieux après avoir tiré un coup. Et puis, soyons honnêtes, laisser une telle poitrine au placard, c’était du gâchis ! Quoi, vous êtes choqués ? Il n’y pouvait rien lui, si elle dégageait malgré elle cette aura de femme en manque. Vous imaginez si son ex était égoïste sous tous les plans, même sexuellement ? Y’avait de quoi être frustrée ! Mais bref, passons, car de toute façon, ils n’eurent pas l’occasion d’aborder ce sujet, ni quoi que ce soit d’autre d’ailleurs.

Leur conversation venait d’être interrompue par des cris stridents, provenant apparemment d’une femme qui avait confondu un panier garni avec son chapeau. Quoi qu’à mieux y regarder, c’était peut-être réellement un chapeau. Etrange couvre-chef que celui-là, et bien encombrant. Sérieusement, qui mettait ce genre de chose volontairement sur sa tête ? Elle était ridicule !
Clairement, au début, il n’eut nullement l’attention d’aller lui porter secours, préférant laisser cette besogne à d’autres hommes qui sauraient sans nul doute tirer profit de la situation, mais, il aperçut cette pauvre souris suspendue désespérément à l’un des branchages. Une souris ! Dans son nid à oiseaux ! Rien que ça ! Et comment était-elle arrivée là au juste ?

Dans tous les cas, il s’avança doucement vers la damoiselle en détresse, et d’un geste rassurant des mains, il l’invita à se calmer.

Là, cessez donc de vous agiter, vous n’arriverez à rien ainsi.

Difficilement, elle arrêta de battre des bras – heureusement que les humains ne pouvaient pas voler sans quoi elle aurait déjà atteint le plafond de toile – ne pouvant s’empêcher de couiner de terreur toutefois. Avalon ôta le chapeau de sa tête et s’attela à décrocher la pauvre souris prisonnière. En guise de remerciement, le petit rongeur le gratifia d’une morsure surprise au pouce, face à laquelle il eut le réflexe de lâcher sa prise, laissant malencontreusement la souris tomber et s’écraser au sol dans un léger bruit de « pouf » étouffé. C’est qu’elle venait de tomber de haut, là…
Regardant la petite chose poilue immobile par terre, il ne put s’empêcher de demander, à qui voudrait bien lui trouver une réponse :

Vous croyez qu’elle est morte ou qu’elle fait semblant ? dit-il en tendant le chapeau à sa propriétaire sans la regarder.

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490 mots et passage comique check
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Après la tête de chouette ahurie qu’il venait de faire, Ophélia doutait du bien fondé de sa réponse. Vraiment, s’afficher au bras d’un homme qui paraissait aussi simple d’esprit n’allait pas améliorer sa cote de popularité … Mais elle n’avait qu’une parole aussi ne se dégagea-t-elle pas de la prise du jeune homme qui l’entraînait déjà sur la piste. Pour autant, elle était tendue, chaque fibre de son corps se contractait de peur que son cavalier fasse un faux pas et lui écrasa les pieds ou l’envoya valser avec le décor. Mais étonnamment rien ne vient, au contraire, il se calquait impeccablement sur ses mouvements et s’adaptait aux moindres de ses hésitations. Le bougre n’était pas mauvais danseur, elle devait lui reconnaître ça. En fait, si elle était tout à fait sincère, il était même bien meilleur que son frère. O’ lui coula un regard surpris et interrogatif :

“-Comment cela se fait-il que vous soyez si bon danseur ? je n’y aurai pas cru avec votre précédente prestation pour m’inviter à vous accompagner.”

Ce n’était toujours pas très aimable mais le ton était bien moins froid, bien plus interrogatif et se colorait de lueurs taquines. L’érudite finit même par se détendre tout à fait et plutôt que d’opposer une résistance, se laisser guider par son cavalier.

“- Alors, à qui ai-je l’honneur ?”

Enfin dans l’idée car elle fut interrompue par des cris dignes d’une truie que l’on égorge et qui la firent trébuchée. Cela aurait pu s’arrêter là, mais c’était sans compter la malchance d’O’ qui, par un réflexe incongru, lâcha son partenaire plutôt que de se rattraper à lui, partie en arrière à cause d’un pavé abîmé qui lui fit définitivement perdre l’équilibre. Elle chercha à se rattraper, aggripant la première chose qui passe sous sa main (les jupons d’une dame) qui céda. La femme, surprise par ce toucher incongru sursauta, renversa sur elle et son interlocuteur le contenu de sa coupe. C’est donc ainsi que la jeune femme finit les fesses par terre, son orgueil gisant dans un cercueil, avec un tas de tissu dans une main, des tâches sombres sur sa robe, les cheveux en bataille, une vraie sauvageonne.

Elle ramassa les débris de sa fierté, épousseta sa tenue avec un air profondément détaché même si quelques regards assassins lui échappèrent en direction des plus hilares. O’ n’avait qu’une idée en tête, trouver le ou la responsable de tout cela. Elle laissa quelques lieutons pour les dommages causés et fonça vers l’origine du cri en jouant des coudes. Furibonde, elle observa la scène avant de se calmer aussi rapidement en voyant le petit être gisant au sol. Sans se soucier des messes basses, elle s’en saisi et après l’avoir manipulé avec précaution et en la gardant dans une position spécifique, annonça :

“- Elle est vivante, juste une fracture de la patte avant je pense. C’est son instinct de survie qui la pousse à faire la morte pour désintéresser les prédateurs.”

Il aurait peut-être eu un peu de mal sur le coup à remettre un nom sur la silhouette féminine qui s’était approchée du rongeur. Mais sa voix, elle, ne pouvait pas tromper. Et quand il comprit, après avoir remarqué les tâches humides et les mèches folles qu’elle arborait, il s’éloigna rapidement pour se saisir d’un verre d’eau et revenir sur la scène de crime.

Entre temps, son chevalier servant du soir semblait l’avoir rejointe, lui délivrait quelques mots. Sûrement allait-il interrompre quelque chose, mais cette scène ne lui rappelait que trop bien un certain souvenir.

Alors que le brun avait récupéré la souris actrice, Avalon s’était penché à son tour et avait saisi l’un des pans de la robe d’Ophélia. Portant son regard bleuté vers le sien, alors qu’il sortait un mouchoir en tissu, comme pour lui signifier par ce simple regard que ce n’était que lui, et qu’elle n’avait toujours rien à craindre, il humidifia le tissu et frotta vigoureusement sur les quelques tâches. Un léger sourire flottait sur ses lèvres. Ceci fait, il glissa le mouchoir dans sa poche et saisit l’une des mains de la demoiselle pour l’intimer à se relever. Une fois debout, toujours sans se soucier de ce que l’autre bellâtre pourrait bien trouver à en redire, il relâcha sa main pour aller recoiffer les mèches sauvages qui s’étaient échappées de sa coiffure qui devait, à n’en point douter, être parfaite à l’origine. Tout comme elle. Il cala une dernière mèche claire derrière l’oreille d’Ophélia.

Voilà, vous êtes de nouveau parfaite ! déclara-t-il, un sourire toujours doux aux lèvres, écho de quelques mots qu’il lui avait déjà soufflés une dizaine d’années auparavant.

Il l’avait vouvoyée volontairement, pour laisser planer le doute sur le fait qu’ils se connaissaient potentiellement.

Passez une bonne soirée, lui sourit-il.

Et d’ajouter, pour son cavalier :

Monsieur, d’un signe de salutation polie de la tête.

Il se détourna puis offrit son bras à Eliwah afin qu’ils retournent près des tables du banquet, ou là où la demoiselle déciderait de les mener.

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A vous de voir si vous voulez impacter votre personnage avec mon deuxième élément perturbateur
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La demoiselle à la coiffe forestière reprenait laborieusement ses esprits. Heureusement pour elle, son masque dissimulait son visage et elle espérait que cela suffise pour qu'on ne la reconnaisse pas. Dans l'assemblée, on riait. D'elle, comme de ceux qui, surpris par son cri, avaient sursauté au point parfois de chuter. Une main repliée sur sa poitrine encore affolée, elle regardait la petite créature grise qu'une autre participante avait ramassé.

Dans le petit groupe qui s'était formé, il y avait elle, l'homme qui l'avait "sauvé", la jeune femme qui avait donné son diagnostic et son cavalier.

Rapidement, la pauvre effarouchée remarqua que les deux hommes accordèrent plus d’intérêt à la souris, voir même à l'autre jeune femme, qu'à elle même.

Vexée et blessée par ce constat, elle senti sa gorge se serrer et la peine lui transpercer le coeur. La peur et l'humiliation se cristallisèrent dans sa poitrine et de toutes ses force elle dû réprimer un sanglot. Les larmes qui lui montèrent aux yeux brouillèrent sa vision. Elle voulait à présent fuir, loin de sa honte et de cette foule critique.

C'est alors que quelqu'un lui toucha le bras. Un effleurement, tout au plus. Quelqu'un qui voulait savoir si ça allait bien, mais, à bout de nerf, elle poussa un nouveau jappement de peur et à son cou, sa pierre de vie s'illumina.

Une sphère rougeoyante se déploya autour d'elle, englobant les gens qui l'entouraient dans un diamètre de cinq mètres. La scène qui suivi serait racontait et re-racontait des années après cet incident... Toutes les personnes prises dans la sphère décollèrent du sol. Pendant cinq bonnes secondes, la jeune femme fut entourée par un nuage de participants affolés, gravitants autour d'elle dans des positions parfois des plus inconfortables. Puis... ce qui devait arriver arriva : la lueur rouge de sa pierre de vie s’éteignit, libérant les pauvres victimes de son emprise et, à la levée des corps, succéda une pluie humaine des plus... Fracassante.    

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O’ n’avait pas encore décidé de ce qu’elle allait faire de la souris. Son côté zoologue la poussait à considérer chaque être comme précieux et de ce fait, à la soigner. D’un autre côté, elle était de nature pragmatique : le rongeur ne survivrait pas et serait une proie facile, autant abréger ses souffrances tout de suite. Du calme, elle avait besoin de silence pour réfléchir et prendre cette décision … Son cavalier qui venait de la rejoindre l’interrompu dans sa pensée pour récupérer l’animal. Une nouvelle bouffée d’agacement la saisie. Il ne savait probablement pas quoi faire de la souris, suffisait de voir comment il la tenait. Dans quelques minutes, celle-ci risquait de se réveiller et retomber en cherchant à fuir. Son ton, le côté humiliant de sa réplique et même un peu plutôt son défi ridicule, tout l’agaçait profondément. Quel homme ennuyeux. Elle n’eut pas le loisir de le renvoyer sur les roses qu’un autre joyeux luron se saisit des pans de sa robe tâchée. O’ allait lui arracher brutalement le morceau de tissu quand son regard fut captivé par le sien, l’arrêtant net dans son élan. Elle connaissait ce regard. Où l’avait-elle croisé pour lui être si familier ? D’ailleurs il n’y avait pas que son regard de familier, toute la scène lui était connue. Et c’est quand “l’inconnu” passa sa main dans ses cheveux pour replacer délicatement ses mèches folles qu’elle comprit. Si jusque là son visage était tendu et légèrement sur la défensive, il se métamorphosa pour afficher un resplendissant sourire.

“- Merci. Pareillement même si la vôtre semble bien plus réjouissante que le mienne. ”

répondit-elle à la silhouette qui s’éloignait déjà tout en lançant un regard en coin à son cavalier dont elle commençait à avoir envie de se débarasser.
Tout aurait pu s’arrêter là. Mais non, il fallut que la participante qui avait déjà provoqué un désastre en provoque un deuxième en activant son Advictâme. L’humiliation était à son comble alors que sa robe en dévoilait bien plus que nécessaire à ceux ayant eu la chance de rester au sol. Aussi subitement qu’ils s’étaient retrouvés en suspension dans les airs, ils retombèrent tous lourdement - ou presque car elle-même s’était retrouvée à moitié sur le torse de Nohan. Elle amorça un redressement mais une vive douleur au niveau de sa cheville gauche avorta son projet. O’ n’était pas du genre à abandonner et la rage qu’elle contenait lui permit de renouveler l’expérience. Elle réussit à se lever en minimisant l’appui sur sa cheville. La douleur allumait une myriade de tâches sombres dans sa vision et brouillait ses autres sens. Trop c’était trop. Elle ne supportait plus cette foule hilare, cette godiche incapable de se contrôler, son soi-disant partenaire aussi irrespecteux que sot. Sans un mot, elle s’éloigna en claudiquant dans une ruelle plus sombre et surtout plus calme. Elle relâcha ses cheveux qui de tout façon n’était plus retenue par les épingles et défit ses chaussures avant d’évaluer l’ampleur des dégâts. C’était pas joli à première vue.

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Eliwha avait volontiers accepté le bras d'Avalon. Ce qu'elle avait vu de l'homme l'avait fortement surpris... Ce côté chevaleresque, mêlé d'un pointe de sincérité et de débrouillardise qui l'intriguait fortement... Cet homme ne semblait pas être de ceux qui devait avoir du mal à se trouver une compagne ? A moins que ... Sous le masque, peut-être était-il tout simplement moche. Ceci expliquerait cela.  

Peut-être le découvrirait-elle, si d'aventure il lui en donnait l'occasion... Pour le moment, elle se laissait guider par l'homme et retournait vers le buffet. Ce fut à cet instant que les multiples cris se firent entendre. Pivotant, elle remarqua la scène insolite qui se jouait face à elle. Ces corps, par poignée, suspendus dans les airs.

La soirée tournait à la catastrophe... C'était officiel. Le choc sourd des corps rattrapés par la gravité fit grimacer la femme aux chiens. Le pire aurait été un déclenchement en cascade des différents Advictâme, mais Naâme, dans sa grande grâce, leur épargna cette nouvelle épreuve.

Si on se relevait avec un semblant de dignité, il fut rapidement évident que certaines personnes avaient véritablement fait une mauvaise chute...

Pour la majorité, le choc avait été tel qu'il y eu un moment de flottement avant que les premières personnes ne réagissent. Eliwha fut de ces réactifs là. S'arrachant à la perspective d'une discussion avec Avalon, elle marcha vers la première victime à portée.

Une jeune femme qui avait visiblement l'épaule démise.

-Arrêtez de vous agiter comme ça ! Aboya-t-elle.

-Avalon ! Appela-t-elle en examinant la blessée.

-Avez vous déjà remis une épaule en place ? Questionna-t-elle, très sérieusement.  
Autour d'eux, on commençait à appréhender les blessures de certains. Du coin de l'oeil Eliwha perçu un nouvelle éclat rouge, elle se figea, mais réalisa très rapidement que l'Advictame qui s'était activé un peu plus loin, venait de soigner le poignet de son porteur... Naâme avait peut -être à coeur de réparer sa bêtise ?  

       

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Son pied avait pris de jolies nuances violacées qui trahissaient la violence du choc. Comme elle l’avait prédit, sa cheville commençait à gonfler. Il lui aurait fallu de l’eau froide pour endiguer le phénomène mais il n’y avait rien de ce genre dans la ruelle si ce n’est des flaques crasseuses. Du bout des doigts, elle effleura la peau nue puis tenta de faire bouger sa cheville en grimaçant. Diagnostic : ce n’était probablement qu’une bonne entorse mais il lui fallait quand même immobiliser sa cheville. Il n’y avait pas d’autres solutions que de rentrer à l’auberge à quelques longues minutes de marche de ce grotesque tableau. O soupira profondément avant de s’appuyer un peu plus au mur. La perspective de clopiner et de faire pitié à tous les passants la décourageait fortement.

C’est à ce moment qu’un léger mouvement accrocha son regard. Ce n’était rien qu’une toute petite silhouette qui se déplaçait d’ombre en ombre en traînant la patte. Le petit animal avait dû profiter de la cohue générale pour fuir. C’était miraculeux qu’elle ne se soit pas fait écrasée. La marloise resta immobile jusqu’à que la souris ne se cache contre sa jambe indemne sans se douter de rien. D’un geste aussi rapide et habile que lui permettait sa cheville, la jeune femme attrapa celle-ci par la peau du cou ce qui lui valu un couinement surpris.

“- Et bien, nous voilà dans un bel état toutes les deux … Je pense pouvoir t’aider alors ne bouge pas.”

Elle caressa le rongeur jusqu’à qu’il soit plus calme en avisant ce dont elle pouvait se servir. L’accident l’avait fait relativiser, si on ne l’abattait pas elle-même, elle n’avait pas à le faire pour cette bestiole. O’ déchira un pan de sa robe en se servant de ses dents en dévoilant aux ténèbres sa peau d’ivoire et ramassa des morceaux de bois traînant là. Elle s’approcha d’une caisse en bois qui lui servirait de table d’opération et, d’une pression habile, elle fit en sorte que l’animal ne bougea plus. Ensuite ce fut un jeu d’enfant que de construire une attèle.

“- Bon, y'a plus qu’à espérer que tu en comprennes l’utilité et que tu la gardes.”

Elle s'apprêtait à elle-même partir quand une silhouette masculine se découpa dans la lumière de la ruelle. L'érudite ignorait depuis combien de temps il était là. Il avait au moins le mérite d’être téméraire.

   La musique s’effaçait au loin, emportant avec elle les rires et les couleurs. Des ombres se déplaçaient dans la ruelle froide et humide. Le croassement d’un corbeau attira le regard de Nohan, mais les yeux du ménestrel ne parvinrent à distinguer l’animal dans la pénombre. L’homme s’engouffra dans une rue dont émanait un peu plus de lumière. Ses pas l’y conduisirent sans qu’il s’en rende compte, tant il était concentré à ruminer. Lorsqu’il sortit de ses pensées pour voir où il était, sa respiration s’arrêta. La scène qui se déroulait dans l’obscurité lui était familière.

Son les traits de son corps se dessinaient avec délicatesse autour du petit animal qu’elle relâchait. Ses yeux scintillait une passion aussi vive que les flammes de ses cheveux. Ceux-ci ondulaient près de son visage nacré, lequel avait l’air si pur que même la lune devait en être jalouse. Elle se redressa une fois son bienfait accomplit, et sa céleste figure se tourna vers celui qui la contemplait.

Il avança jusqu’à elle sans dire un mot, aussi démunit devant ce regard qui la toisait que devant un Morgg en colère. Il n’y avait plus d’amusement dans son regard, plus d’hésitation dans sa voix et plus de sourire sur son visage lorsque Nohan mit un genou au sol devant la femme dont il n’avait pas été digne. Ses yeux dirigés vers le sol, il entama ses excuses sur un ton calme et sincère.

« Rien madame de ce que j’ai fait ne pourrait être effacé. Mon comportement au bal était impardonnable et je regrette de vous avoir traité de la sorte. Personne n’aurait mérité cela. »

Sa voix devint plus légère, et ses yeux montèrent jusqu’à recroiser son regard.

« Surtout pas vous. » Dit-il en posant sa main sur celle de sa cavalière.

Il prit une longue inspiration. Ses doigts glissèrent le long des siens, puis il tira lentement la main de sa cavalière à hauteur de son visage, comme s’il s’agissait d’une princesse à qui il venait demander une faveur.

« Vous êtes sans l’ombre d’un doute une femme extraordinaire. Vous marchez la tête haute même lorsque l’on vous a blessé. Votre grandeur et votre force de caractère sont votre lumière .. et que Kamaâl me brûle si je n’y ai pas succombé. Quand mon esprit s’égarait, j’en suis sûr à présent, c’est vous que j’aperçus. Les maladresses qui suivirent furent les indésirables effets de l’exaltation que vous m’infligiez. Vous étiez si fabuleuse lorsque traversant la foule vous portèrent secours à la raison de votre malheur que j’en oubliais celui-ci. Il me semblait à cet instant que rien ne pouvait vous arrêter, que rien ne le pourrait jamais. Que vous êtes tout simplement merveilleuse .. »

Il détourna les yeux en rougissant, et se releva en lâchant la main de la demoiselle. D’un geste souple il enleva sa veste et la lui présenta. Ce n’était pas tant pour le froid que pour le morceau de chaire qu’il venait d’apercevoir.

« Accepteriez-vous que je vous raccompagne ? » Dit-il en continuant de regarder ailleurs.

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O’ ne doutait pas une seule seconde de l’identité de la silhouette. Faut dire, peu d’hommes l’auraient suivi et encore moins avec de telles bouclettes. Que venait-il faire ici ? Finir de piétiner sa dignité ? Continuer à blasphémer ? Ou peut être était ce pour fuir le chaos que devenait probablement la place à cet instant.

La fête était finie et les masques tombaient. L’érudite braquait les yeux de la justice sur le jeune homme, attendant son plaidoyer avant de rendre son jugement ultime. Elle devait reconnaître que son air sérieux avait joué en sa faveur pour qu’elle daigna encore l’écouter une fois de plus. Elle ne fut pas déçue du voyage.

Il posa genou à terre, signe de soumission chez bien des espèces et sans la regarder (ce qui agaça passablement O’, si on devait lui dire quelque chose, c’était les yeux dans les yeux) alors qu’il commençait son mea culpa. Mais surtout, elle en ressentit un certain malaise, pas qu’il ne sut pas flatter son égo, mais cette asymétrie aussi marquée était à garder pour un être vraiment exceptionnel et bien qu’ayant un talent certain, elle ne se considérait pas encore dans cette catégorie.

Si la jeune femme avait pu être courtisé par le passé, cela avait rarement pris une telle tournure. Elle ne se laissa pas pour autant désarçonner et même si elle n’était pas insensible à ce genre d’avance, préféra jouer la finesse.

“- Ménestrel.”

Elle laissa planer un silence pour qu’il puisse suivre sa logique.

“- Pour savoir aussi bien manier les mots, vous êtes certainement ménestrel. Un conteur ne saurait pas aussi bien danser à mon sens. Je vous ai traité un peu durement mais en effet, ça ne méritait pas le manque de respect dont vous avez fait preuve.” Son ton était dur mais se radoucit “cependant, je prends ceci” elle désigna du menton la veste galamment posée sur ses épaules “et votre invitation à me raccompagner comme un gage de votre honnêteté. Si vous parvenez à me ramener sans me faire perdre le peu de crédibilité qu’il me reste alors on sera quitte. Peut être même serez vous récompensé ...”

Elle lui sourit avant de poser les yeux sur la souris qui commençait à s’agiter :

“- Vous ne seriez pas intéressé pour adopter une souris par hasard ? Elle aussi va être livrée à elle-même … Tant qu’on est à jouer carte sur table, je suis Ophélia Valoriel, érudite marloise spécialisée en zoologie, et ne suit certainement pas aussi fabuleuse pour reprendre vos termes que cela sinon je serais entrain de porter secours à mes semblables. Voilà pour les présentations.”

D’un geste adroit, elle quitta son masque aussi sombre que sa peau était claire :

“- Porter un masque ne m’a jamais sied de toute façon. Et pour l'amour de Nâame, regardez moi dans les yeux quand vous vous adressez à moi, je ne suis pas un morgg.”

Sa déduction était juste, et sa réponse mesurée. Mais cela déplu à Nohan que l’esprit de la dame reste insensible à sa précédente déclaration. Cela n’avait rien à voir avec son égo, mais si le ménestrel avait l’habitude d’être jugé en bien ou en mal, il n’était pas accoutumé à la présente et désagréable impression de se faire analyser. La belle croyait-elle que sa fulgurante attraction n’était qu’une invention ? Avec la fatigue et le stresse causés par cette soirée même Nohan doutait déjà de ces sentiments.

Puis sa voix chaleureuse prononça quelques mots dont le dernier raisonna comme une cloche dans l’esprit du jeune homme. « Récompense »

Il s’inclina sobrement, assez longtemps pour chasser le trop grand sourire qui barrait son visage.

La vue de la sourit aida, et à ses mots son visage redevint neutre.

« Je ne peux envisager de lui tenir compagnie avec mon mode de vie actuel, et je ne connais hélas personne qui voudrait bien d’elle » Dit’il en baissant la voix.

Spécialisé en zoologie ? Ah, ça explique la vivacité avec laquelle elle s’était occupée de la petite bête. Nohan rit silencieusement en remarquant le morceau de robe enroulé autour de la patte de l’animal. Un tel dévouement était irréel. Et il était vrai pourtant qu’elle n’était pas restée au bal pour aider les blessés, il devait y en avoir.

« Aideriez-vous vos semblables s’ils avaient plus de poils ? » fût une réponse à laquelle il songea, mais redoutant de dire une bêtise de plus il resta silencieux.

Le masque tomba, et le cœur de Nohan fit un bond dans sa poitrine. Sur ce visage désormais totalement livré à la lumière, les yeux de la demoiselle scintillaient d’un sublime éclat.

Comme pour se sentir plus proche d’elle, l’homme attrapa son masque bleuté et le plaça doucement à sa ceinture. Il rigola ensuite à sa comparaison, et ne pu s’empêcher de répondre.

« Oh bien sûr que non, mais à vous voir furieuse comme vous étiez même un morgg aurait été effrayé ! » Dit-il d’un ton enjoué.

Mais son humeur vira au sombre lorsqu’il vit la couleur anormale de sa cheville. Était-elle venue jusqu’ici à cloche pied ? Si avec son savoir aucun soin n’apparaissait sur la blessure c’est qu’il ne devait y en avoir aucun qui puisse être fait ici. Nohan contourna la demoiselle et contracta les quelques muscles de son bras, incitant sa compagne du regard à prendre appui dessus.

« A moins que vous ne préféreriez que je vous porte ? » Lui dit-il d’un air taquin. Il espérait fort qu’elle refuse, car même si elle logeait dans la rue d’à côté il serait probablement incapable de la porter jusque-là. Ce n’était pourtant pas l’envie qui manquait.

Il s’était éloigné à temps avec Eliwah, juste assez pour être épargné par la vague d’Advictâme qui venait de frapper plusieurs danseurs, les faisant stagner dans les airs avant de retourner vigoureusement sur le sol. Tout s’enchaîna alors très vite, il suivit par automatisme la jeune femme lorsqu’elle porta son aide à une première personne. Resté un peu en retrait, il analysait la situation, cherchait à savoir s’il y avait réellement de graves blessures. C’est là qu’il vit Ophélia s’éloigner en clopinant. Il la suivit du regard jusqu’à ce qu’elle disparaisse de son champ-de-vision et revint à sa comparse qui venait de l’interroger.

Pardon ?

Qu’avait-elle demandé ? Remettre quoi ? Il avisa la personne sur laquelle elle était concentrée et fit rapidement le lien.

Non, je ne sais pas faire ça… Je suis désolé Eliwah, je dois vous abandonner, mais si l’insomnie vous prend, j’irai sûrement prendre un dernier verre à l’auberge du Tricorne, dit-il en lançant en quelque sorte une invitation, si d’aventure elle souhaitait l’y rejoindre plus tard pour continuer leur conversation précédente.

Il s’inclina brièvement avant de s’éloigner pour prendre la sortie qu’avait prise son amie précédemment. En sortant, il ôta son masque et demanda à quelques gens s’ils avaient aperçu la jeune femme de la description qu’il en fit. Ils lui indiquèrent une direction d’un doigt pointé et il ne se fit pas prier pour la suivre.

Lorsqu’il l’aperçut, en présence encore une fois du chevalier bouclé, il hésita. Devait-il la rejoindre et les déranger ou laisser la chance au jeune homme de s’occuper d’elle dignement ? Vraiment, il hésita, mais son côté papa poule alias mec trop protecteur fut plus fort que lui.

Ophélia ! héla-t-il en les rejoignant en quelques enjambées.

Avisant le brun d’un regard, sans aucune animosité quelconque – un air d’excuse sur les traits peut-être, il détailla rapidement son amie, constatant l’état de sa cheville.

Tu es blessée… murmura-t-il simplement.

Et puis, sans demander l’autorisation, simplement parce que cela était une réaction « logique » pour lui, il glissa un bras dans le dos d’Ophélia, l’autre derrière ses genoux, et la prit dans ses bras comme l’on porterait une jeune mariée.

En route. Et… essayez de faire comme si je n’étais pas là, j’ai l’impression de vous avoir interrompus, une fois de plus.

Le ménestrel avait sans conteste bien plus de talent que lui dans les mots mais, Avalon était sans aucun doute le mieux placé pour pouvoir la porter sans trop d’effort.